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Rapport sur la mise en oeuvre de la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées [AA_OrgIntl_ONU-CDPH]

Article correspondantGroupe de Travail Correspondant

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Rapport – La mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) (Défenseur des Droits, France, 02/07/2020)

Source : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rap-cidph-num-16.07.20.pdf

Avant-propos

Ratifiés par la France, en 2010, la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur, dans le droit national, le 20 mars de cette même année.

En ratifiant la Convention, l’État s’est engagé à « garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap » et à prendre toutes les mesures appropriées pour mettre en œuvre, de manière effective, les droits reconnus par la Convention.

En sa qualité de mécanisme indépendant, au titre de l’article 33.2 de la Convention, le Défenseur des droits assure, en lien avec les personnes handicapées et les associations qui les représentent, une mission de protection, de promotion et de suivi de l’application de la Convention.

Dix ans après l’entrée en vigueur de la CIDPH en France, le Défenseur des droits publie son premier rapport d’appréciation de la mise en œuvre de la Convention, avec pour objectif de répondre aux questions suivantes : Qu’en est-il du respect par l’État de ses engagements internationaux ?

Qu’en est-il de l’effectivité des droits consacrés par la Convention ? Pour le Défenseur des droits, le bilan est contrasté car, si de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années, d’importantes lacunes subsistent dans la mise en œuvre effective des principes et droits reconnus par la Convention. Et, de ce point vue, il apparaît que la France n’a pas encore pleinement pris en considération le changement de modèle qu’elle induit, comme le démontre le présent rapport.

Ce rapport du Défenseur des droits s’inscrit dans la perspective de l’examen de la France par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies. Initialement prévu pour septembre 2020, cet examen a été reporté sine die en raison de la crise sanitaire liée à la Covid 19. Ce report, bien que légitime, est particulièrement regrettable en ce qu’il vient s’ajouter au retard conséquent pris par la France pour déposer son rapport initial sur la mise en œuvre de la CIDPH. Ce n’est, en effet, qu’en 2016, soit avec quatre ans de retard, que l’État a remis son rapport au Nations-Unies. C’est pourquoi le Défenseur des droits a décidé, sans plus attendre, de faire connaître ses constats et de formuler des recommandations pour une mise en œuvre effective des droits reconnus par la Convention.

Introduction

Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante de rang constitutionnel (son existence est inscrite à l’art. 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958). Créée en 2011, l’institution a succédé à quatre autorités administratives indépendantes : le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Son statut unique lui garantit une véritable autonomie pour agir. Le Défenseur des droits ne reçoit, en effet, d’instructions ni du gouvernement, ni du parlement, ni d’aucun acteur privé. Il ne peut pas non plus être jugé pour des opinions ou des actes liés à ses fonctions, ce qui lui garantit une vraie liberté d’action. Ses missions et ses modalités d’intervention sont précisées par la loi organique n° 2011-333 et la loi ordinaire n° 2011-334 du 29 mars 2011.

Il a pour mission générale de veiller à la protection des droits et des libertés et de promouvoir l’égalité. À ce titre, il est compétent pour :

  • défendre les droits et libertés des usagers dans le cadre de leurs relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ;
  • défendre et promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
  • lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ainsi que promouvoir l’égalité ;
  • veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ;
  • orienter vers les autorités compétentes les lanceurs d’alerte et veiller aux droits et libertés de ces personnes.

Il a, par ailleurs, été désigné par le gouvernement comme mécanisme indépendant chargé du suivi de l’application de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en application de l’article 33.2 (v. § 93). Il assure également, en tant que mécanisme indépendant, le suivi de l’application de la Convention des droits de l’enfant. Une adjointe du Défenseur des droits est Défenseur des enfants en France.

Le Défenseur des droits peut être saisi directement par toute personne, physique ou morale, qui s’estime lésée dans ses droits et libertés. Sa saisine est gratuite. Il peut également se saisir d’office. Il dispose de larges moyens d’actions, et notamment de pouvoirs d’enquête, de la possibilité de proposer un règlement amiable, de faire des recommandations (individuelles ou générales), de présenter des observations devant les juridictions, de proposer des réformes. En 2019, le Défenseur des droits a reçu 103 066 réclamations et traité 99 095 dossiers. Il a rendu 304 décisions, formulé 694 recommandations, présenté 141 observations devant les tribunaux et plus de 180 propositions de réformes législatives et réglementaires.

Parallèlement et de manière complémentaire, le Défenseur des droits développe diverses actions pour garantir un égal accès aux droits pour tous : information des publics sur leurs droits, accompagnement des acteurs publics et privés dans la mise en place de plans d’actions, réalisation d’études et d’enquêtes, etc.

De nombreux exemples d’actions engagées par le Défenseur des droits sont donnés dans le présent rapport.

Le Défenseur des droits est implanté sur tout le territoire national (y compris en outre-mer) grâce à un réseau de 510 délégués présents dans 874 lieux de permanence. Ce réseau territorial constitue un service de proximité, en prise directe et quotidienne avec le public. Il traite près de 80% des réclamations. Afin de favoriser les échanges avec les acteurs en charge du handicap sur les territoires, des « référents handicap » ont été mis place (100 délégués sur l’ensemble du territoire national). Ils assurent une mission d’interface auprès des acteurs locaux en charge du handicap (acteurs associatifs, maison départementale des personnes handicapées, conseil départemental, etc.) concernant les problématiques rencontrées par les personnes handicapées.

Le Défenseur des droits construit son action sur une connaissance fine de la réalité sociale. Outre les relations directes avec les réclamants handicapés, il entretient des liens étroits avec la société civile, via notamment, son comité d’entente handicap. Constitué des principales associations du secteur, il se réunit en moyenne 2 fois par an. Ces réunions sont l’occasion d’échanger sur les questions d’actualité en lien avec le handicap.

La défense des droits des personnes handicapées occupe une place importante dans l’activité de l’institution. En 2019, le handicap était, pour la troisième année consécutive, le premier motif de saisine du Défenseur des droits en matière de discrimination (22,7 % soit 1 237 saisines). Dans le cadre de son activité de protection des droits, le Défenseur des droits s’emploie à intégrer la Convention comme norme juridique à part entière dans le traitement des réclamations et à faire évoluer l’interprétation de la norme juridique par les juridictions, conformément à la Convention. Depuis 2011, il a ainsi adopté 330 décisions relatives au handicap. En matière de promotion de l’égalité et de l’accès aux droits, il a également publié plusieurs guides et rapports destinés à informer et sensibiliser les différents acteurs : rapport sur l’accès au vote des personnes handicapées (2015) ; rapport sur La protection juridique des personnes vulnérables (2016) ; rapport sur L’emploi des femmes handicapées (2016) ; rapport d’étude sur L’effet direct des stipulations de la Convention

(2016) ; guide Comprendre et mobiliser la Convention pour défendre les droits des personnes handicapées (2016) ; guide Emploi des personnes en situation de handicap et aménagements raisonnables (2017).

Article 1 à 4 – Les dispositions générales de la Convention

La France s’est dotée, de longue date, d’un important corpus législatif et règlementaire destiné à répondre aux attentes et aux besoins des personnes handicapées, et ce bien au-delà de la seule loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, habituellement citée. Il existe ainsi de nombreux textes énonçant des dispositions spécifiques en faveur des personnes handicapées. Par ailleurs, les dépenses publiques consacrées aux personnes handicapées représentent un budget important : 46,6 milliards d’euros en 2014, soit 2,2 % du produit intérieur brut1. Et indéniablement, de nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années, en particulier sous l’impulsion de la loi du 11 février 2005. Plus récemment, la reconnaissance du handicap comme l’une des priorités du quinquennat a, sans aucun doute, enclenché une nouvelle dynamique.

La Convention a pour objet de garantir et de promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap. En ratifiant la Convention, en 2010, la France s’est engagée à prendre toutes les mesures appropriées, d’ordre législatif, administratif ou autre, pour mettre en œuvre, de manière effective, les droits reconnus par la Convention. Pour le Défenseur des droits, le bilan est contrasté, comme le démontre l’examen des articles de la Convention dans le présent rapport.

Pour autant, d’importantes lacunes subsistent dans la mise en œuvre effective des droits reconnus par la Convention. À cet égard, le Défenseur des droits déplore que la Convention n’ait pas été, jusqu’à présent, réellement et suffisamment prise en compte dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Dans son rapport d’activité pour 2017, il estimait ainsi que la France souffrait d’une « culture de retard », rejoignant, sur ce point, le constat de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, dans son rapport de visite du 8 janvier 20192, selon lequel la France n’a pas pris pleinement en considération le changement de modèle induit par la Convention. Si un changement de paradigme semble aujourd’hui peu à peu s’opérer, il faut néanmoins regretter, outre sa tardiveté, son inégale appropriation par l’ensemble des acteurs publics concernés.

1. La définition du handicap dans la législation nationale

Une définition du handicap a été introduite, pour la première fois dans la législation nationale, par la loi du 11 février 2005. Toutefois, cette définition n’apparaît pas conforme à la Convention, adoptée et ratifiée après la promulgation de la loi de 2005.

Selon la Convention : « Par personnes handicapées on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». La Convention identifie donc clairement l’environnement comme étant, au même titre que les déficiences et incapacités de la personne, responsable et coproducteur de la « situation de handicap ». Cette approche consacre la dimension sociale du handicap.

Aux termes de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles (CASF), créé par l’article 2 de la loi du 11 février 2005 : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».

Certes, la définition du handicap de la loi de 2005 n’ignore pas la notion d’environnement. Toutefois, contrairement à la Convention, celui-ci apparaît davantage comme un élément déterminant à prendre en compte dans l’évaluation des besoins de compensation du handicap que comme un « facteur causal » sur lequel il convient d’agir, au même titre que les déficiences et incapacités, pour prévenir ou remédier aux situations de handicap. Ainsi que le souligne la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, cette définition « est axée sur la déficience et non sur l’interaction de la personne avec l’environnement et sur les obstacles existants, et elle devrait donc être revue ». L’État lui-même, dans son rapport initial, tout en considérant la définition prévue par la législation nationale conforme à la Convention, reconnaît cette différence d’approche lorsqu’il souligne que cette définition « désigne encore le handicap lui-même comme cause des difficultés rencontrées par cet individu pour s’insérer dans la société ».

Cette différence d’approche n’est pas sans conséquences sur les orientations qui ont pu être prises en matière de politiques du handicap. Garantir l’égal accès des personnes handicapées aux droits fondamentaux suppose d’identifier les causes de la rupture d’égalité à l’origine de la « situation de handicap », de manière à pouvoir y remédier efficacement. La Convention invite ainsi les États à développer des politiques inclusives consistant à agir, de manière conjuguée, tant sur les facteurs environnementaux, clairement identifiés comme producteurs de handicap, que sur les facteurs personnels. Si la loi du 11 février 2005 vise également, comme elle l’affirme dans son article 2, à garantir un égal accès des personnes handicapées aux droits fondamentaux, elle met, pour y parvenir, prioritairement l’accent, contrairement à la Convention, sur les réponses à apporter en matière de compensation individuelle des conséquences du handicap, comme le démontre d’ailleurs l’architecture même de la loi.

2. L’approche différente du handicap en fonction de l’âge

Alors que la Convention a pour objet d’offrir une protection identique à l’ensemble des personnes handicapées afin de leur « assurer une égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales », il existe aujourd’hui en France, à situation de handicap comparable, une différence de traitement entre les personnes selon l’âge auquel survient le handicap, avant ou après 60 ans, qui a pour effet de compromettre le respect des principes d’autonomie individuelle, d’indépendance et de non-discrimination prônés par l’article 3 de la Convention. Cette « barrière d’âge » administrative se traduit :

  • d’une part, par la terminologie employée,

les personnes âgées de moins de 60 ans étant juridiquement considérées comme des « personnes handicapées », pendant que celles concernées par le handicap après 60 ans sont qualifiées de « personnes âgées en perte d’autonomie » ou « personnes âgées dépendantes » ;

  • d’autre part, par la dichotomie des droits et dispositifs prévus en matière de compensation des conséquences du handicap, selon le statut de la personne concernée.

Afin de corriger ces incohérences, l’article 13 de la loi du 11 février 2005 avait prévu, dans un délai de 5 ans, soit au plus tard en 2010, de fusionner les différents régimes de compensation existants afin d’apporter une réponse identique aux personnes handicapées, quels que soient leur âge, la nature et l’origine de leur handicap. Mais à ce jour, cette fusion n’a toujours pas été réalisée, laissant perdurer des réponses en matière de compensation différentes selon l’âge auquel survient le handicap (ex : prestation de compensation du handicap/allocation personnalisée à l’autonomie, prise en charge des frais d’hébergement, régime d’aide sociale applicable).

La question de la « barrière d’âge » s’est invitée dans la concertation « Grand âge et Autonomie », lancée en 2018 par le gouvernement et devant déboucher sur un texte législatif à l’été 2020. Pour autant, tout laisse présager que cette différence de traitement ne trouvera toujours pas, dans ce nouveau dispositif, d’issue favorable, conforme à la Convention.

Cette situation, dénoncée depuis de nombreuses années par les représentants des personnes âgées, se traduit également par une absence de pilotage national global des politiques relatives à l’autonomie. De leur côté, le Défenseur des droits et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ont signé, le 11 février 2019, une convention de partenariat en vue de développer des actions communes pour une égale protection des personnes handicapées, quels que soient leur âge, la nature et l’origine de leur handicap, conformément à la Convention.

3. La mise en œuvre par l’État des obligations énoncées dans la Convention

À titre liminaire, le Défenseur des droits déplore le manque d’implication de l’État dans le respect de ses engagements au titre de l’article 35 de la Convention. Alors qu’il était tenu de présenter, au Comité des droits des personnes handicapées, un rapport détaillé sur la mise en œuvre de la Convention, dans un délai de 2 ans après son entrée en vigueur en France, soit au plus tard, le 20 mars 2012, ce rapport n’a été déposé que le 18 mai 2016, soit avec 4 ans de retard.

Ce manque de mobilisation de l’État s’est également traduit, jusqu’à récemment, par une absence de véritable promotion de la Convention et des principes dont elle est porteuse, et ce faisant, des évolutions du cadre juridique et des pratiques qui devraient en découler. La Rapporteure spéciale des Nations Unies, dans son rapport sur les droits des personnes handicapées en France a souligné que « la plupart des autorités publiques qu’elle a rencontrées se référaient directement aux dispositions de la loi du 11 février 2005 et n’avaient aucune connaissance des nouveautés apportées par la Convention ». Partant du même constat, le Défenseur des droits a organisé, en 2016, à l’occasion du 10e anniversaire de la Convention, un colloque, qui a réuni 450 participants, avec pour objectif d’informer, de sensibiliser et de mobiliser les professionnels du droit ainsi que les acteurs institutionnels et associatifs chargés des questions de handicap, aux enjeux liés à la mise en œuvre de la Convention, tant du point de vue de l’accès aux droits que de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques. À cette occasion, le Défenseur des droits a également rendu public un rapport d’étude sur l’effet direct des stipulations de la Convention ainsi qu’un guide, intitulé Comprendre et mobiliser la Convention pour défendre les droits des personnes handicapées.

Si les références à la Convention apparaissent aujourd’hui davantage présentes dans les orientations, programmes et initiatives publiques, d’importantes lacunes subsistent néanmoins dans le processus d’appropriation de l’outil conventionnel, sans compter la mise en œuvre effective des principes et droits reconnus par la Convention, comme le démontre le présent rapport. Ainsi, l’objectif fixé par le Premier ministre (circulaires du 4 septembre 2012 puis 4 juillet 2014) de prévoir, lors de l’élaboration des projets de loi, une évaluation de l’impact des mesures envisagées sur la situation des personnes handicapées, au regard notamment des exigences de la Convention, n’est toujours pas atteint. À titre d’exemple, l’étude d’impact du projet de loi d’orientation des mobilités, soumis à l’examen du Parlement en 2019 et dont certaines dispositions concernent directement les personnes handicapées, ne fait aucune référence à la Convention. La Convention n’est pas, non plus, mentionnée dans la lettre du Premier ministre, en date du 23 octobre 2017, définissant les missions des Hauts fonctionnaires en charge du handicap (v. § 92).

4. L’égalité des droits sur l’ensemble du territoire

Selon la loi du 11 février 2005, « L’État est garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d’actions ». Mais les constats réalisés par le Défenseur des droits, via notamment son réseau de délégués implanté sur l’ensemble du territoire national, montrent au contraire de nombreuses disparités de traitement entre les personnes handicapées selon le lieu où elles résident.

À ce titre, il convient tout particulièrement de souligner les difficultés liées à l’enchevêtrement des dispositifs et à la complexité des procédures, au manque d’information des personnes handicapées et des acteurs concernés sur les droits et dispositifs existants, à la variabilité de la lecture et de la mise en œuvre du droit selon les territoires et les instances concernées, à un accès aux droits trop souvent guidé par des logiques financières cloisonnées entre les différents financeurs, à la multiplicité des acteurs et à leur manque de coordination, à l’insuffisant pilotage national des politiques « en silo » liées au handicap et à un manque d’outils nationaux performants d’identification, de valorisation et de mutualisation des bonnes pratiques développées par les acteurs locaux.

Concernant l’outre-mer, les atteintes aux droits constatées en métropole y sont surreprésentées. À cela s’ajoutent de fortes disparités entre les territoires ultramarins liées, notamment, à la démographie, aux représentations socio-culturelles négatives sur le handicap ou à l’isolement et aux problèmes de transports. Il ressort ainsi d’un appel à témoignages lancé par le Défenseur des droits auprès des résidents d’outremer3 que les insuffisances des dispositifs sanitaires et les inégalités d’accès à la santé favorisent le renoncement aux soins, ainsi que les discriminations envers les personnes en mauvaise santé, âgées ou en situation de handicap. Le manque d’outils de prévention et de d’évaluation, la pénurie des dispositifs d’accueil et les représentations négatives sur le handicap favorisent l’isolement des personnes handicapées, ainsi que le manque d’orientation en structure spécialisée. Les discriminations envers les enfants handicapés se traduisent, notamment, par des retards importants lors de l’inscription à l’école, les délais de traitement des dossiers pour une scolarisation en classe ULIS étant particulièrement longs. Même lorsque des dispositifs prioritaires existent, les préjugés sur le handicap peuvent entraver l’accès des personnes handicapées aux biens et services publics.

Article 5 – Égalité et non-discrimination

Selon l’article 5 de la Convention : « Les États parties interdisent toutes les discriminations fondées sur le handicap et garantissent aux personnes handicapées une égale et effective protection juridique contre toute discrimination, quel qu’en soit le fondement ». Si la protection des personnes handicapées contre les discriminations a évolué ces dernières années, principalement sous l’influence du droit européen, elle reste cependant encore insuffisante pour répondre aux exigences de la Convention.

5. La protection des personnes handicapées contre les discriminations

Dans la législation nationale, la protection juridique contre les discriminations repose principalement sur deux dispositifs, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 et le code pénal (articles 225-1 et s. et 432-7), offrant aux personnes handicapées une voie de recours, civile, administrative et pénale, pour agir contre les discriminations fondées sur le handicap. La protection contre les discriminations fondées sur le handicap est également assurée via la Convention européenne de sauvegarde des droits de l‘homme (CEDH), d’application directe en France.

Les différents domaines couverts par la législation nationale concernent les discriminations en matière d’affiliation et d’engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d’avantages procurés par elle, d’accès à l’emploi, d’emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, de conditions de travail et de promotion professionnelle, de protection sociale, de santé, d’avantages sociaux, d’éducation, d’accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services ou encore le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi.

Toutefois, la protection juridique offerte n’est pas la même selon les domaines concernés. En effet, la capacité d’intervention en matière pénale demeure en pratique très limitée, le régime d’aménagement de la charge de la preuve, applicable en matière civile et administrative, étant exclu et les affaires le plus souvent classées sans suite par le juge pénal. Or, jusqu’à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les discriminations fondées sur le handicap en matière d’accès aux biens et aux services n’étaient couvertes que par le code pénal, contrairement au domaine de l’emploi qui bénéficiait, depuis 2001, d’une voie de recours civile et administrative. Cette situation a eu comme effet de priver, jusqu’à très récemment, les personnes handicapées de possibilités d’actions efficaces contre les discriminations dans de nombreux domaines qui concernent leur vie quotidienne. Rares sont, en effet, les recours en matière d’accès aux biens et aux services qui ont pu prospérer et donner lieu à des condamnations pénales : refus d’accès à un cinéma (Cass. crim., 20 juin 2006, n°05-85.888) ; refus d’embarquement opposé par une compagnie aérienne (Cass. crim., 15 décembre 2015, n°13-81586). Si les voies de recours sont aujourd’hui harmonisées en matière d’emploi et d’accès aux biens et services, elles ne le sont pas encore dans tous les domaines.

De même, la définition de la discrimination prévue à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 mériterait d’être complétée de manière à prendre en compte certaines formes de discriminations qui concernent particulièrement les personnes handicapées comme, notamment, le refus de prendre des aménagements raisonnables (v. § 6), la discrimination par association, afin de protéger les proches de la personne handicapée des discriminations directes et indirectes fondées sur le handicap, ou encore l’intersectionnalité des discriminations afin de reconnaître davantage les discriminations dont sont victimes les femmes handicapées.

Les articles 60 et suivants de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 instaurent l’action de groupe en matière de discrimination, permettant de demander la cessation et l’engagement de la responsabilité de l’auteur d’une discrimination dans les domaines visés par la loi du 27 mai 2008. Cette action est ouverte aux associations intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Toutefois, en matière d’emploi, cette possibilité d’action concerne uniquement les discriminations dans l’accès à l’emploi. En effet, concernant les discriminations dans l’emploi, l’action de groupe est réservée aux organisations syndicales. Dans un avis au parlement (avis n° 16-10 du 7 avril 2016), le Défenseur des droits s’était prononcé en faveur de l’ouverture de l’action de groupe aux associations mais également à tout regroupement de victimes constitué pour les besoins de la cause dans tous les domaines visés par la loi sans exception. En effet, l’impossibilité faite aux associations du secteur du handicap d’engager une action de groupe dans tous les champs de l’emploi est particulièrement regrettable dans la mesure où l’emploi est le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations fondées sur le handicap (v. § 78).

6. Le principe d’aménagement raisonnable

L’article 2 de la Convention considère le « refus d’aménagement raisonnable » comme constitutive d’une discrimination fondée sur le handicap. Afin de promouvoir l’égalité et d’éliminer la discrimination, l’article 5.3 prévoit que les États doivent prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés. Au même titre que le principe général de non-discrimination, l’obligation de procéder à des aménagements raisonnables a vocation à s’appliquer, de manière transversale, à tous les droits visés par la Convention. Comme le précise le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies (CRPD) dans son Observation générale n° 6 (2018) sur l’égalité et la non-discrimination :

« Les aménagements raisonnables font partie intégrante du devoir d’application immédiate de non-discrimination ». Or, sur ce point, l’État n’a pas rempli ses engagements.

La législation nationale en matière de discrimination ne reconnaît la notion « d’aménagement raisonnable » (sans toutefois la mentionner expressément) qu’en matière de travail et d’emploi, par transposition de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Néanmoins, cette directive n’a été que partiellement transposée dans la législation nationale. En effet, seuls les employeurs relevant du code du travail (article L. 5213-6 du code du travail) et les employeurs publics des trois fonctions publiques (article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) sont aujourd’hui expressément visés par cette obligation. Les autres secteurs de travail et d’emploi, tels que les membres du corps judiciaire (magistrats, auditeurs de justice) ou les collaborateurs libéraux, sont soumis à cette obligation par l’effet direct des dispositions de la directive mais pas par application de la législation nationale. Par ailleurs, le Défenseur des droits relève que le droit de la fonction publique ne précise pas, contrairement au code du travail, que le refus « d’aménagement raisonnable » est constitutif d’une discrimination.

S’agissant des autres domaines, la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, qui interdit toute forme de discrimination fondée sur le handicap, ne mentionne pas l’obligation d’aménagement raisonnable et ne précise pas, comme l’exige la Convention, que son absence est constitutive d’une discrimination. Ce caractère insuffisant et incomplet des lois nationales a été relevé par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, dans son rapport de visite du 8 janvier 2019.

Le Défenseur des droits est intervenu, en vain, à de multiples reprises auprès du gouvernement et du parlement pour demander la mise en conformité de la législation nationale avec les exigences de la Convention et, à cette fin, de compléter la définition de la discrimination fondée sur le handicap, prévue à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, pour y intégrer la notion d’aménagement raisonnable.

Article 6 – Femmes handicapées

Les États sont tenus de prendre les mesures appropriées afin de permettre aux femmes et aux filles handicapées de jouir pleinement, et dans des conditions d’égalité, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales énoncés par la Convention. Or, la situation particulière des femmes et des filles handicapées n’a pas, jusqu’alors, été suffisamment prise en compte dans les politiques publiques.

7. Les femmes handicapées : un angle mort des politiques publiques

Le rapport initial de l’État ne comporte aucune observation ni aucun élément sur « la nécessité d’intégrer le principe de l’égalité des sexes dans tous les efforts visant à promouvoir la pleine jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les personnes handicapées », principe énoncé dans le préambule et l’article 3g de la Convention. Il ne contient pas non plus d’informations « genrées » sous les nombreux articles où la Convention mentionne des problématiques intersectorielles, en particulier dans les secteurs clés comme la sensibilisation aux stéréotypes, la santé, l’éducation, le travail et l’emploi, la protection sociale et la pauvreté.

Cette approche est significative du retard de la France, comme d’ailleurs d’autres pays, dans la prise en compte des discriminations intersectionnelles de genre, pourtant reconnues au niveau international, dès 1979, par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Dans ses Observations finales de 2016 sur le rapport de la France valant 7e et 8e rapports périodiques, le Comité a explicitement soulevé la situation des femmes et des filles handicapées dans l’éducation, l’emploi, la santé.

Ignorées par la loi du 11 février 2005, les femmes et les filles handicapées sont encore aujourd’hui trop peu présentes dans les études, les politiques publiques et les plans en faveur de l’égalité femmes hommes. Plus encore que les hommes handicapés, elles restent invisibles dans de nombreuses sphères de la société. Les statistiques, lorsqu’elles sont disponibles, et surtout analysées, révèlent pourtant qu’il y a matière à réduire les écarts de traitement (orientation scolaire, emploi, retraite…) et à prévoir des réponses aux besoins spécifiques des femmes handicapées. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), dans son rapport de 2017 sur les femmes en situation de précarité, explore les inégalités sociales de santé en combinant les effets conjugués de la précarité et du sexe, dans une approche intersectionnelle, qui sur quelques points croise aussi ces deux éléments avec le handicap. Dans son rapport Investir dans l’organisation administrative et institutionnelle des Droits des femmes : première brique d’une véritable transition égalitaire (juillet 2018), le HCE demande à l’État de croiser les indicateurs genre/handicap.

L’État, dans son rapport initial, reconnaît en partie cette carence, puisqu’il indique souhaiter « disposer de données statistiques spécifiques sur leur situation en vue d’adapter les dispositifs existants à leurs besoins », et rappelle que « le plan d’actions issu de la CNH [Conférence nationale du handicap de 2014] prévoit que le service des droits des femmes produira une synthèse « genrée » des différentes données et incitera à l’introduction de cette approche au sein de l’appareil statistique concernant les personnes handicapées ». Pour autant, ces données ne sont toujours pas disponibles.

8. Les femmes en situation de handicap dans l’emploi

Le Baromètre annuel de la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé conjointement par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), croise désormais les caractéristiques telles que l’âge, le sexe, la couleur de peau, le handicap/état de santé, la religion, le niveau de diplôme ou la maternité. Selon le 10e Baromètre (2017), 34 % de la population active âgée de 18 à 65 ans déclare avoir été confrontée à des discriminations au cours des cinq dernières années (soit près d’une personne sur trois) ; 56% des femmes en situation de handicap âgées de 18 à 65 ans rapportent une telle expérience. D’après les résultats du 11e baromètre (2018), elles sont particulièrement exposées aux propos et comportements stigmatisants au travail (propos ou comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, « handiphobes » ou liés à l’état de santé) ; 43% des femmes en situation de handicap rapportent ainsi une exposition à de tels propos et comportements. Par comparaison, seulement 11% des hommes de 35 à 44 ans, perçus comme blancs, déclarent avoir été confrontés à ce type de propos. Au regard du cadre juridique régissant les relations de travail, notamment celui de la non-discrimination, les situations dans lesquelles les femmes en situation de handicap subissent ces attitudes hostiles pourraient être qualifiées juridiquement de harcèlement discriminatoire.

Le Défenseur des droits s’est saisi du sujet en publiant, en 2016, un rapport sur L’emploi des femmes en situation de handicap. D’après les rares statistiques croisant le niveau de formation, le sexe et le handicap, les stéréotypes de genre pèsent sur les parcours et l’orientation tout autant, voire davantage, dès l’adolescence, sur les filles handicapées que sur les garçons handicapés. Plus souvent diplômées que les hommes handicapés, elles se répartissent dans des filières peu mixtes qui préparent mal leur insertion et leur carrière dans le monde du travail.

En outre, pour celles qui accèdent à l’emploi, les stéréotypes attachés, d’une part, à l’aptitude professionnelle des personnes en situation de handicap et, d’autre part, aux tâches professionnelles qui conviendraient « naturellement » plus aux femmes ou aux hommes, sont susceptibles de se cumuler. Les femmes en situation de handicap sont confrontées à une double exclusion qui limite leurs choix d’orientation professionnelle et leurs possibilités d’accès ou de retour à l’emploi. Elles subissent une ségrégation horizontale forte (type d’emploi) et un plafond de verre important. En effet, elles sont concentrées dans certains secteurs d’activités, ont moins accès au milieu « protégé » (à tendance industrielle et technique) et à la création d’entreprise. Seulement 1% des femmes handicapées en emploi sont cadres, contre 10% des hommes handicapés (contre 14% de l’ensemble des femmes et 21% de l’ensemble des hommes en emploi). Elles sont plus souvent à temps partiel et affrontent des discriminations protéiformes : refus d’aménagement de poste et/ou de formation professionnelle, harcèlement sexuel.

9. Les violences à l’égard des femmes handicapées

Comme le soulignent plusieurs rapports et études4, les femmes en situation de handicap sont, en raison de leur plus grande vulnérabilité et dépendance, davantage exposées aux violences conjugales et/ou sexuelles que les autres femmes. Pourtant, elles ont été pendant très longtemps les grandes oubliées des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes. La prise en compte de leurs spécificités, dans plusieurs dispositifs récents, constitue donc une avancée qui mérite d’être saluée. Ainsi, pour la première fois, le 5e plan de lutte contre les violences faites aux femmes (2017-2019) a identifié les femmes en situation de handicap comme l’un des publics cibles. Par ailleurs, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, qui s’est tenu du 3 septembre au 25 novembre 2019, les spécificités liées à la situation des personnes handicapées ont été prises en compte de manière transversale dans les différents groupes de travail thématiques et parmi les mesures annoncées à l’issue de cette concertation, plusieurs concernent plus spécifiquement les femmes en situation de handicap, notamment : – le déploiement, dans chaque région, d’un centre ressource pour accompagner les femmes en situation de handicap dans leur vie intime et sexuelle et leur parentalité ; – la mise en place d’une formation en ligne certifiante à destination des professionnels qui interviennent auprès des femmes en situation de handicap pour les aider à repérer les violences mais aussi à accompagner et orienter la victime. Dans le même temps, un rapport d’information du Sénat5  faisait état de constats alarmants sur les violences faites aux femmes handicapées, déplorant notamment le manque de connaissances et de données statistiques en la matière. Le rapport est assorti de diverses recommandations axées sur : – une meilleure connaissance du phénomène par des études et des statistiques régulièrement actualisées ; – l’intensification de la formation et de la sensibilisation de tous les acteurs, professionnels et bénévoles ; – le renforcement de l’autonomie professionnelle et financière des femmes en situation de handicap ; – et la nécessité d’efforts concrets en termes d’accès aux soins, notamment gynécologiques, et d’accessibilité de la chaîne judiciaire ainsi que des lieux d’hébergement d’urgence.

Article 7 – Enfants handicapés

Selon la Convention, il appartient aux États de prendre « toutes mesures nécessaires pour garantir aux enfants handicapés la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, sur la base de l’égalité avec les autres enfants ». Tout en reconnaissant que des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années dans plusieurs domaines, le Défenseur des droits constate que les enfants handicapés peinent encore à accéder pleinement à leurs droits.

10. Regards croisés du Défenseur des droits sur la mise en œuvre de la CIDE et de la CIDPH

Aux termes de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, le Défenseur des droits est chargé de défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant. En 2019, le Défenseur des droits a reçu 3 016 réclamations dans ce domaine, dont 17,2 % concernaient le handicap et l’état de santé. Il assure, dans le cadre de ses missions, un suivi permanent de l’application de la Convention des droits de l’enfant (CIDE) et publie, chaque année, à l’occasion de la Journée internationale des droits des enfants, le 20 novembre, un rapport thématique faisant état de la situation des droits des enfants en France et, notamment, des enfants handicapés, qu’il présente au président de la République, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. En tant que mécanisme indépendant, il a remis en février 2015 au Comité des droits de l’enfant, un rapport d’appréciation qui dresse un bilan de l’application de la CIDE en France. Ce processus d’examen périodique s’est conclu par des observations finales, adressées par le Comité des droits de l’enfant à la France en février 2016. Tout en relevant des points positifs, le Comité a souligné les lacunes et marges de progrès dans l’application de la Convention, et fait plusieurs recommandations relatives aux enfants handicapés dont le suivi est examiné, sous les articles concernés, dans le présent rapport : allocation de ressources suffisantes (v. § 64) ; droit à l’éducation (v. § 67 et s.) ; accès aux activités de loisirs (v. § 88) ; collecte de données (v. § 89 et s.).

11. Les politiques à l’égard des enfants présentant des troubles du neurodéveloppement

La France a connu un retard dans la connaissance et la prise en compte de l’autisme comme trouble neurodéveloppemental, bien que ce handicap concernerait entre 91 500 et 106 000 jeunes de moins de 20 ans. Trois plans spécifiques se sont succédés de 2005 à 2017, dont le rapport initial de l’État donne le descriptif. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le 3e plan observe que le choix de plans spécifiques est pertinent, mais qu’il n’est pas un gage d’efficacité, et peut même ralentir l’intégration des troubles du spectre de l’autisme (TSA) dans la catégorie générale des troubles du neurodéveloppement (TND). Il se heurte, en outre, aux blocages et défaillances bien connus de l’ensemble du système de santé et des politiques générales du handicap. L’IGAS estime que le rattrapage attendu quant à la mise à niveau des politiques publiques n’est toujours pas atteint à l’issue de ce 3e plan. Ainsi, le dispositif de repérage et de diagnostic chez les enfants est encore insatisfaisant, avec des délais parfois considérables. De plus, « les parcours des familles demeurent très heurtés dans un paysage éducatif, sanitaire, social et médicosocial éclaté ». Les unités d’enseignement en école maternelle (UEM) qui offrent une scolarité en milieu ordinaire, innovation du 3e plan, rencontrent l’assentiment des familles, mais se concentrent sur la classe d’âge 3-6 ans. La dynamique de formation continue des professionnels favorise des changements de pratiques, mais la formation initiale est insuffisante.

Le Défenseur des droits partage les constats et recommandations de l’IGAS. Il constate, à travers de nombreuses saisines sur des adultes et des enfants, de fréquentes atteintes aux droits. En 2016-2017, environ 40% des saisines relatives aux droits des enfants en situation de handicap concernaient les droits des enfants autistes, pour une large majorité, âgés de plus de 12 ans.

Rendue publique le 6 avril 2018, la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement (TND) 2018-2022, qui succède au 3e plan autisme, prend acte, comme le précédent, de la quasi-absence de données épidémiologiques en France sur l’autisme, qui pénalise toute politique publique, y compris ses moyens humains et financiers, pour une réelle construction sur le long terme. Elle se décline autour des engagements suivants : – remettre la science au cœur de la politique publique de l’autisme en constituant, notamment, des bases de données fiables pour la recherche ; – intervenir précocement auprès des enfants présentant des différences de développement afin de limiter le sur-handicap en réduisant les délais de diagnostic ; – rattraper le retard en matière de scolarisation en accueillant en maternelle tous les enfants autistes, en garantissant à chaque enfant un parcours scolaire fluide et adapté à ses besoins, de l’école élémentaire au lycée, en formant et en accompagnant dans leur classe les enseignants accueillant des élèves autistes, en garantissant l’accès des jeunes qui le souhaitent à l’enseignement supérieur. Le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie est confié à une déléguée interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement qui a, notamment, pour mission de veiller à la prise en compte de la stratégie dans les politiques interministérielles, d’en coordonner le déploiement territorial et de garantir le recours régulier à l’expertise et l’expérience des usagers, des professionnels et des scientifiques. Si ces mesures vont dans le bon sens, elles mettent un certain temps à s’exécuter et il paraît encore trop tôt pour pouvoir en apprécier l’efficacité et savoir si elles seront suffisantes pour répondre aux attentes des familles.

D’ores et déjà, il convient de souligner : – la création d’un forfait d’intervention précoce permettant le financement sans reste à charge pour les familles d’un parcours de soins coordonnés ; – et l’installation de 27 plateformes de diagnostic et d’intervention précoces ayant permis le repérage d’environ 500 enfants.

12. Le cloisonnement des politiques du handicap et de la protection de l’enfance

Dans son rapport annuel relatif aux droits de l’enfant de 2015, Handicap et protection de l’enfance : des droits pour des enfants invisibles, le Défenseur des droits a souligné la situation particulièrement préoccupante des enfants handicapés pris en charge par les services de protection de l’enfance. Alors que ces 70 000 enfants, selon les estimations du Défenseur des droits, devraient en toute logique bénéficier d’une double protection, ils se trouvent à l’inverse, parce qu’à l’intersection de politiques publiques distinctes, victimes des cloisonnements institutionnels, de l’empilement des dispositifs, de la multiplicité des acteurs et des différences de cultures professionnelles. Faute de coordination suffisante, les interventions simultanées conduites auprès d’eux courent le risque de se neutraliser, voire de morceler la prise en charge de ces enfants doublement vulnérables, au détriment d’une vision globale et partagée de leurs besoins. Les atteintes aux droits de l’enfant qui en résultent traduisent les enjeux d’une nécessaire réforme. Aussi, le Défenseur des droits se félicite que la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, rendue publique en octobre 2019, affirme l’objectif de créer des dispositifs d’intervention adaptés aux problématiques croisées de protection de l’enfance et de handicap et, dans cette perspective, de : – développer des solutions de répit pour les parents confrontés au handicap ou à celui de leurs enfants ; – renforcer les cellules de recueil d’informations préoccupantes (CRIP), notamment sur la base du référentiel de la Haute autorité de santé (avec la mise en place d’un référent handicap dans chaque CRIP) ; – garantir l’accès à la scolarité et un accompagnement scolaire adapté pour les enfants accompagnés (avec mobilisation des outils du service public de l’école inclusive pour les enfants en situation de handicap) ; – mobiliser l’ensemble des outils et dispositifs pour faire de l’accès au logement et de l’accès aux droits une priorité. Cette stratégie devra s’inscrire en lien avec les différentes stratégies également en œuvre sur le territoire telles que la stratégie nationale de soutien à la parentalité, la stratégie nationale autisme et troubles neuro-développementaux ou le service public de l’école inclusive. Le Défenseur des droits insiste néanmoins sur la nécessité et l’urgence à concrétiser ces objectifs.

13. La maltraitance des enfants handicapés

La maltraitance des enfants est mal connue et certainement très largement sous-estimée et sous-déclarée par les médecins, avec à peine 5 % des signalements provenant du secteur médical. Il existe, en effet, plusieurs blocages qui empêchent les professionnels de santé de s’engager dans une démarche de signalement, voire même d’envisager la maltraitance. En 2014, la Haute autorité de santé (HAS) a publié une recommandation et une fiche memo pour sensibiliser les médecins au repérage et à la conduite à tenir en cas de suspicion de maltraitance chez un enfant. Malgré la prise de conscience et l’élaboration de dispositifs de prévention et de lutte contre les maltraitances, le Défenseur des droits est régulièrement saisi de situations dans lesquelles il constate des violences physiques et psychologiques, notamment à l’école.

Cependant, y compris en matière de maltraitance sur les enfants, les spécificités du handicap ne sont pas prises en compte, comme le confirme le Plan de lutte contre les violences faites aux enfants, rendu public en novembre 2019. Or, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les enfants handicapés ont une probabilité presque quatre fois plus grande que les enfants valides d’être confrontés à la violence ; les enfants ayant un handicap lié à une maladie mentale ou à des déficiences intellectuelles sont les plus vulnérables, avec un risque 4,6 fois plus élevé de violences sexuelles par rapport à ceux qui ne sont pas handicapés6. En effet, la stigmatisation, les discriminations et le manque d’information sur le handicap, de même que l’absence de soutien social aux personnes s’occupant des enfants souffrant de handicap, sont les facteurs qui exposent ceux-ci à un risque accru de violences. Le placement des enfants handicapés en institution les rend aussi plus vulnérables. Dans ces milieux et ailleurs, les enfants ayant des déficiences au niveau de la communication ont une moindre capacité à révéler les expériences abusives.

Sur la lutte contre le harcèlement scolaire, le constat est le même : si l’État déploie des moyens et des initiatives qui méritent d’être saluées7, le handicap n’est pas pris en compte dans les programmes. Cela est d’autant plus inquiétant que des études montrent que les enfants handicapés sont souvent les plus harcelés.

Le rapport annuel du Défenseur des Droits, publié le 20 novembre 2019 et intitulé Enfance et violence : la part des institutions publiques décrit les violences subies par les enfants au sein des institutions publiques. Il relève, en particulier, que les institutions peinent à s’adapter aux spécificités de chaque enfant. De fait, les enfants en situation de handicap sont encore trop souvent discriminés et se voient refuser l’accès à certains droits, biens ou services.

14. La situation préoccupante des enfants outre-mer

Dans ses Observations finales sur le 5e rapport périodique de la France (23 février 2016 – CRC/C/FRA/CO/5), le Comité des droits de l’enfant note avec préoccupation la situation outre-mer. Le Défenseur des droits bénéficie de remontées d’informations via ses délégués, qu’il reprend dans ses rapports annuels sur l’application de la CIDE. La situation à Mayotte et en Guyane est particulièrement critique. À Mayotte, aux représentations négatives locales sur le handicap s’ajoutent la non-francophonie des enfants et des familles, le manque de moyen des secteurs éducatif, sanitaire, et médico-social.

En résultent un dépistage tardif, de longs délais pour le traitement des dossiers auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), la pénurie des dispositifs d’accueil.

Les enfants handicapés sont moins nombreux en pourcentage d’élèves dans le primaire dans les DOM qu’en métropole, hors la Guadeloupe (2,4% des effectifs en Guadeloupe, 2,2% en Guyane et à La Réunion, 1,8% en Martinique contre 2,4% pour la moyenne nationale), et ils sont moins souvent scolarisés en classe ordinaire : 6 élèves sur 10 à La Réunion et en Martinique, moins d’1 sur 2 en Guadeloupe, 1 sur 6 en Guyane, 1 sur 8 à Mayotte, contre 7 sur 10  sur l’ensemble de la France8.

La Guyane présente un déficit d’équipements spécialisés et de structures d’accueil. S’il y a eu des créations d’unités localisées d’inclusion scolaire (ULIS) et de services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (SESSAD) ces dernières années, il y a un réel manque pour les enfants handicapés à partir de 16 ans, avec des listes d’attentes de plus de 200 enfants. Par ailleurs, les ULIS deviennent des classes où sont orientés des enfants qui présentent d’importants retards d’apprentissage sans pour autant relever d’une situation de handicap. À Mayotte, l’éducation nationale, par manque de moyens, peine à suivre le rythme démographique soutenu.

Article 8 – Sensibilisation

En ratifiant la Convention, l’État s’est engagé à prendre des mesures immédiates, efficaces et appropriées en vue de sensibiliser l’ensemble de la société à la situation des personnes handicapées, de combattre les stéréotypes et de mieux faire connaître leurs capacités. À cette fin, la Convention invite les États à lancer des campagnes de communication efficaces et à encourager, à tous les niveaux (système éducatif, médias, programmes de formation), une attitude de respect. Dans son rapport, l’État se limite à mentionner quelques initiatives, sans pour autant couvrir l’ensemble des champs prévus par la Convention.

15. Les campagnes auprès du grand public

Diverses actions destinées à sensibiliser le grand public et à dépasser les préjugés à l’égard des personnes handicapées peuvent être signalées. À titre d’exemple, la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, organisée chaque année au mois de novembre par Ladapt. Ou encore le lancement à l’échelle nationale, en 2018, à l’initiative du secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, du « DuoDay » dont l’objectif est de permettre à des personnes en situation de handicap, en duo avec un professionnel, d’être immergées en entreprise. En 2019, ce sont ainsi 12 900 duos, impliquant 6 800 employeurs et 2 400 structures accompagnantes qui se sont mobilisés. Mais, comme le soulignent les associations de personnes handicapées, une campagne de grande ampleur, qui couvre tous les secteurs de leur vie quotidienne, fait défaut. Elles attirent, en particulier, l’attention sur la nécessité d’actions de sensibilisation sur le handicap mental et psychique. Lors de la Conférence nationale du handicap, en février 2020, le gouvernement a ainsi annoncé son intention de « lancer une grande campagne nationale de sensibilisation » afin « d’accélérer le changement de représentations associées au handicap » dans un objectif de société plus inclusive.

16. La sensibilisation des enfants

Si des actions de sensibilisation des enfants au handicap sont proposées par l’éducation nationale, notamment à l’occasion de la Journée mondiale du handicap, elles restent insuffisantes. L’article L. 312-5 du code de l’éducation précise que l’enseignement moral et civique comporte « à l’école primaire et au collège, une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes en situation de handicap dans une société inclusive ». Dans cet objectif, « Les établissements scolaires s’associent avec les centres accueillant des personnes handicapées afin de favoriser les échanges et les rencontres avec les élèves ». Bien qu’inscrit dans la loi depuis 2005, il n’existe pas de bilan de ce dispositif.

Pour sa part, le Défenseur des droits anime le dispositif « Educadroit », constitué d’une plateforme en ligne de ressources pédagogiques et d’un réseau d’intervenants, dont l’objet est d’initier les enfants au droit et à leurs droits, concernant notamment les stéréotypes et discriminations relatives aux handicaps. Par ailleurs, le programme « Jeunes Ambassadeurs des Droits auprès des Enfants » (JADE) accueille, depuis 2007, des jeunes gens en service civique. En 2018-2019, 94 JADE répartis dans 21 départements de la métropole et deux d’outre-mer (la Réunion et Mayotte) sont intervenus auprès de 59 111 enfants et adolescents, en milieu ordinaire mais aussi dans des classes et établissements accueillant des enfants handicapés. Depuis sa création le programme JADE a ainsi sensibilisé 426 000 enfants et adolescents.

17. Le rôle des médias

La CIDPH encourage tous les médias à montrer les personnes handicapées sous un jour conforme à l’objet de la Convention. La loi confie au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendante, le soin de veiller à l’accessibilité des programmes télévisés aux personnes handicapées et à leur représentation à l’antenne. Il ressort de son rapport annuel consacré à cette mission, publié en juillet 2019, que la représentation du handicap reste très marginale (0,7%), stable, peu diversifiée en termes d’âge et de sexe, et très stéréotypée. De son côté, le Défenseur des droits est intervenu auprès du CSA, dans le cadre de la convention de partenariat qui unit les deux institutions depuis 2014, afin de dénoncer la stigmatisation des personnes handicapées psychiques dans certains programmes de télévision. Face à ces constats, il convient donc de souligner comme positive la signature, le 3 décembre 2019, de la Charte relative à la représentation des personnes handicapées et du handicap dans les médias audiovisuels, destinée à améliorer la représentation et faire changer le regard sur les personnes handicapées et le handicap, conformément à la CIDPH, et par laquelle les opérateurs audiovisuels signataires s’engagent à : – rendre plus visible la question du handicap pour une meilleure représentation des personnes handicapées sur les antennes ; – ne pas assigner les personnes handicapées à leur handicap mais leur donner la parole sur des sujets divers ; – partager les bonnes pratiques et utiliser les mots justes notamment grâce à une plateforme électronique partagée entre les chaînes.

18. Les programmes de formation et sensibilisation

La formation insuffisante des professionnels au handicap est un constat récurrent porté par de nombreux rapports d’inspection et par les associations. Quand elles existent, ces formations ne sont pas toujours obligatoires. Conséquences : des dépistages tardifs, des orientations scolaires ou autres inadaptées, des retards, voire, une absence de mise en œuvre de réponses appropriées aux besoins des personnes, une prise en charge médicale insuffisante, etc. Il est, par exemple, significatif que le Comité interministériel du handicap de 2018 comporte une mesure consistant à intégrer un module « Handicap » dans la formation initiale des médecins. L’absence de formation au handicap des professionnels concourant à l’administration de la justice est également préjudiciable à l’accès effectif des personnes handicapées à la justice (v. art. 13 § 32).

Article 9 – Accessibilité

Selon la Convention et comme le souligne le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) dans son observation générale relative à l’article 9 : « La Convention relative aux droits des personnes handicapées fait de l’accessibilité l’un des principes fondateurs – une condition préalable essentielle de la jouissance effective par les personnes handicapées, sur la base de l’égalité, des différents droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. L’accessibilité doit être envisagée dans le contexte de l’égalité et de la non-discrimination ». Ainsi, l’accessibilité ne peut être réduite à une simple question de respect de normes techniques destinées à répondre à des besoins catégoriels mais, comme l’a rappelé le Défenseur des droits dans une recommandation générale (décision n° 2013-16 du 11 février 2013), elle « constitue un moyen de lutter contre les discriminations en permettant aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie, sur la base de l’égalité avec les autres ».

19.  Un retard important dû à une méconnaissance des enjeux de société

Le Défenseur des droits déplore le retard important pris par la France en matière d’accessibilité et les réticences persistantes des différents acteurs, et en particulier des pouvoirs publics, à appréhender l’accessibilité comme un véritable enjeu de notre société, de nature à améliorer la qualité de vie pour tous et à anticiper les conséquences sociales et économiques de l’allongement de l’espérance de vie et du nombre croissant de personnes âgées en perte d’autonomie. En effet, plus de 40 ans après la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 qui, pour la première fois, a posé le principe de l’accessibilité aux personnes handicapées du cadre bâti et des transports9 et 15 ans après la loi du 11 février 2005 qui a affirmé l’ambition de rendre le cadre de vie « accessible à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap », les objectifs fixés par ces textes ne sont toujours pas atteints. Plus encore, une vigilance constante s’impose afin de préserver les acquis et de contrer les tentatives de réduction des exigences en matière d’accessibilité, en contradiction avec les principes et droits reconnus par la Convention.

20. L’accessibilité des établissements recevant du public (ERP)

Pour atteindre ses objectifs d’accessibilité généralisée du cadre de vie, la loi du 11 février 2005 a réaffirmé l’obligation d’accessibilité de toute construction neuve d’établissement recevant du public (ERP)10 et a prévu que, sauf dérogations exceptionnelles, les ERP existants seraient accessibles dans un délai de 10 ans, soit au plus tard le 1er janvier 2015. Mais face à l’impossibilité de tenir l’échéance prévue, faute d’accompagnement du dispositif, le gouvernement a décidé (ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 ratifiée par la loi n° 2015-988 du 5 août 2015) de prolonger le délai au-delà de 2015 avec un nouvel outil – l’agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP) – permettant aux acteurs de s’engager sur un calendrier de réalisation de travaux. Par ailleurs, la loi introduit une nouvelle exception pour les ERP implantés dans les copropriétés en prévoyant une procédure de dérogation spécifique.

Dans un avis (n° 15-16 du 19 juin 2015) rendu lors de l’examen, au Parlement, du projet de loi de ratification de l’ordonnance du 26 septembre 2014, le Défenseur des droits a exprimé ses réserves sur cette réforme, notamment sur les moyens mis en place pour accompagner l’élaboration des Ad’AP, sur l’assouplissement des exigences d’accessibilité prévues par la loi de 2005, sur les mesures prévues pour assurer le contrôle de la conformité des projets d’agendas et des demandes de dérogations, ainsi que sur la durée de réalisation des travaux, ceux-ci pouvant s’échelonner, en théorie, jusqu’en 2031. Au vu des difficultés récurrentes liées à la réalisation des travaux d’accessibilité dans les copropriétés, il a également dénoncé la procédure de dérogation prévue par la loi.

Dans sa communication sur les Ad’AP, le gouvernement affirmait en 2015 que 80% des ERP (constitués des ERP de 5e catégorie, tels que les petits commerces) seraient rendus accessibles sous 3 ans, soit au plus tard en 2018. En réalité, à cette échéance, le bilan est une nouvelle fois très inquiétant. En effet, l’absence de recensement initial des ERP de 5e catégorie soumis à l’obligation d’accessibilité rend impossible l’effectivité des contrôles par les autorités administratives et, a fortiori, les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations. De l’aveu même de la délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA), les gestionnaires d’ERP de 5e catégorie se sont très insuffisamment investis dans les Ad’AP. Face à ce nouveau constat d’échec, le gouvernement a annoncé, en juillet 2018, le déploiement d’un réseau d’ambassadeurs de l’accessibilité afin de sensibiliser ces gestionnaires. Or, ce réseau n’est toujours pas constitué. Par ailleurs, une enquête sur le terrain, réalisée en 2018 par l’association APF France handicap, constate que sur 442 ERP, 86% de ceux qui ont déclaré répondre aux exigences d’accessibilité11 au 1er janvier 2015, et qui de ce fait ont été dispensés de déposer un Ad’AP, sont en réalité inaccessibles. De son côté, en 2019, dans une affaire mettant en cause le défaut d’accessibilité d’une école primaire, le Défenseur des droits a pu constater que la commune concernée, qui n’avait pas respecté ses obligations en matière de dépôt d’Ad’AP, n’avait fait l’objet d’aucun contrôle, ni a fortiori d’aucune sanction par les services de la préfecture. Dans une étude réalisée à l’initiative de l’APF par l’IFOP, en janvier 2020, auprès de 11 905 personnes, deux tiers des personnes handicapées disent éprouver des difficultés dans leurs déplacements, du fait de l’inaccessibilité des infrastructures.

Dans les situations dont il est saisi, le Défenseur des droits est, par ailleurs, régulièrement amené à rappeler aux mis en cause, qu’en application du principe général de non-discrimination, l’impossibilité de rendre une structure accessible ne doit pas systématiquement se traduire par un refus d’accès aux droits pour les personnes handicapées dès lors que la prestation offerte peut être délivrée au moyen d’un « aménagement raisonnable ». Ces principes sont largement méconnus et devraient être rappelés aux exploitants des ERP dans les informations produites par l’administration.

À cela s’ajoutent, pour les constructions neuves, les tentatives du gouvernement en 2007 (décret n° 2007-1327 du 11 septembre 2007), puis du législateur en 2011 (loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011), heureusement censurées par le Conseil d’État (CE, 21 juill. 2009, n° 295382) et le Conseil Constitutionnel (Cons. Const., 28 juill. 2011, n° 2011-639), d’introduire des dérogations à l’obligation d’accessibilité applicables aux ERP lors de leur construction, en méconnaissance du principe de conception universelle prévu par la Convention.

À noter, également, que plusieurs textes nécessaires à la mise en œuvre effective de la loi du 11 février 2005 n’ont été pris que très tardivement (ex : accessibilité des établissements pénitentiaires existants)12, voire, ne sont toujours pas publiés. C’est notamment le cas des normes applicables aux enceintes sportives, aux établissements destinés à offrir au public une prestation visuelle ou sonore, aux centres de rétention administrative et aux locaux de garde à vue, aux chapiteaux, tentes et structures, aux établissements flottants et aux locaux de travail13 .

21. L’accessibilité des logements

Le rapport initial de l’État (au § 173) affirme, à propos de l’article 19 de la Convention, que « toute personne handicapée doit pouvoir disposer d’un logement adapté à ses besoins et à ses capacités d’autonomie dans le respect de son choix de vie ». Mais il fait l’impasse, à l’article 9, sur les modalités mises en œuvre pour y parvenir.

Or, afin de produire plus, mieux et moins cher, de renforcer l’offre de logements tout en redonnant « une liberté de conception aux hommes de l’art », la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », est venue réduire certaines normes de construction, remettant notamment en cause la règle du « tout accessible », prévue par la loi du 11 février 2005, applicable aux logements neufs14. Désormais, la loi institue un quota de 20% de logements accessibles dès la conception, les autres logements devant dorénavant simplement répondre à une condition d’évolutivité. Pour justifier cette mesure, le gouvernement présente la réglementation relative à l’accessibilité comme très contraignante alors que celle-ci a déjà fait l’objet de plusieurs inflexions depuis 2005.

De nombreuses associations de défense des personnes handicapées, relayées par le Défenseur des droits (avis n°18-13 rendu le 11 mai 2018) et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (avis du 3 juillet 2018) ont dénoncé en vain une violation des principes d’accessibilité et de conception universelle édictés par la Convention. En réponse, le gouvernement a décidé d’élargir l’assiette des logements neufs devant répondre aux exigences d’accessibilité dès la construction, en abaissant le seuil d’installation obligatoire d’un ascenseur au 3e étage. Mais, cette mesure reste insuffisante pour compenser les effets négatifs de l’instauration du quota sur l’offre de logements accessibles, déjà très en deçà des besoins des personnes handicapées, sans compter l’aggravation du retard enregistré par la France par rapport à ses voisins européens, dans un contexte où les besoins sont appelés à s’accroître avec le vieillissement de la population.

22. L’accessibilité des transports et de la voirie

La loi du 11 février 2005 a institué une obligation d’accessibilité des transports collectifs, dans un délai de 10 ans. Toutefois, face au retard constaté, le gouvernement a décidé, à l’instar des ERP (v. § 20), de prolonger, au-delà de 2015, le délai de mise en accessibilité des transports collectifs par la mise en place de schémas directeurs d’accessibilité – agenda d’accessibilité programmée (SDA-Ad’AP). Mais, contrairement aux ERP, aucune sanction, notamment pénale, n’est prévue en cas de carence de l’autorité organisatrice de transport (AOT) dans la mise en œuvre des Ad’AP. De plus, les sanctions administratives prévues en cas de tardiveté dans le dépôt de l’agenda et la réalisation des travaux sont peu dissuasives. Par ailleurs, alors que la loi avait prévu, dans sa version initiale, que la chaîne de déplacement « qui comprend le cadre bâti, la voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de transport et leur intermodalité », serait organisée pour permettre son accessibilité « dans sa totalité » aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, la loi n° 2015-988 du 5 août 2015, ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014, a remis en cause cette obligation.

Désormais, l’obligation d’accessibilité des services de transport est remplie par l’aménagement de points d’arrêt considérés comme « prioritaires » (au vu notamment de leur fréquentation). Mais, contrairement à ce que la notion de priorité pourrait induire, les textes ne prévoient pas d’organiser une programmation de la mise en accessibilité de l’ensemble des points d’arrêt de la chaîne de déplacement. En effet, les autorités organisatrices de transport qui réalisent l’accessibilité des points d’arrêts prioritaires se trouvent définitivement dégagées de toute obligation de mise en accessibilité des autres points d’arrêts considérés comme non prioritaires. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux personnes handicapées qui se trouvent donc contraintes de recourir plus largement à d’autres solutions de transports, notamment les transports à la demande, qui s’avèrent incompatibles avec les contraintes liées à l’exercice d’une activité professionnelle ou une vie sociale (v. § 52).

Selon le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), 63% des réseaux de transports urbains et non urbains, 73% des réseaux routiers non urbains et 100% des réseaux de transports régionaux étaient couverts (ou en voie de l’être) par un schéma directeur d’accessibilité au 1er janvier 2018. Si des villes sont exemplaires, comme Lyon qui remporte en 2018 le 1er prix européen de l’accessibilité, la situation n’est pas aussi positive partout en France. A Paris, seules neuf stations de métro sur une seule ligne sont accessibles, soit 3% de l’ensemble des stations, et ce quand les ascenseurs desservant les quais fonctionnent… Prendre le bus aux heures de pointe peut doubler le temps de trajet et la réservation de transports à la demande doit se faire parfois jusqu’à deux semaines à l’avance. Qui plus est, si les bus sont adaptés, il y a souvent inadéquation entre arrêts et véhicules, voire, entre arrêts et mobilier urbain. En septembre 2018, l’association APF France handicap a mené une action pour protester contre la lenteur de la mise aux normes d’accessibilité du territoire sans cesse reportée avec des slogans révélateurs comme « pas de métro, pas de boulot, dodo », montrant l’impact qu’ont les transports sur la vie professionnelle notamment.

S’agissant des transports scolaires, l’article L. 3111-7-1 du code des transports, modifié par la loi du 5 août 2015, fait désormais reposer sur les familles (et non sur les AOT) l’initiative de la mise en accessibilité des points d’arrêt desservant leur domicile et l’établissement scolaire et précise que les autres points d’arrêt à l’usage exclusif du service de transport scolaire ne sont pas soumis à l’obligation d’accessibilité.

La loi prévoit, depuis 2005, la mise en place, par l’AOT, d’une procédure de signalement des obstacles rencontrés par les personnes à mobilité réduite lors de leurs déplacements (article L. 1112-7 du code des transports).

Cette procédure a pour objet de veiller à l’accessibilité effective des différents modes de transports en permettant d’identifier et corriger les entraves à la libre circulation des personnes (ex : dysfonctionnement des rampes rétractables d’accès à des bus, ascenseurs en panne). Mais, faute de communication des AOT sur l’existence d’un tel dispositif, celui-ci reste, en pratique, peu utilisé par les usagers.

En ce qui concerne la voirie, la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991(art. 2) prévoit que la « voirie publique ou privée ouverte à la circulation publique doit être aménagée pour permettre l’accessibilité des personnes handicapées selon des prescriptions techniques fixées par décret (…) » mais ne fixe pas d’obligation générale de mise en accessibilité. En effet, en application de la réglementation et en contradiction avec le principe d’accessibilité de la chaîne de déplacement, les prescriptions en matière d’accessibilité de la voirie ne s’appliquent que dans le cas de réalisation de voies nouvelles, d’aménagements ou de travaux réalisés sur la voirie. Certes, les plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE) contribuent, lorsqu’ils existent, à favoriser la mise en accessibilité de la voirie. Mais contrairement à ce qu’affirme le rapport de l’État, seules les communes de plus de 1 000 habitants sont tenues d’élaborer un PAVE. Or, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), sur les 36 529 communes de France métropolitaine, plus d’une sur deux (54%) compte moins de 500 habitants15.

Sur l’accessibilité des systèmes et technologies de l’information et de la communication (v. § 56) et sur l’accessibilité des médias (§ 58).

Article 10 – Droit à la vie

Aux termes de la Convention, l’État doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer aux personnes handicapées la jouissance effective du droit à la vie sur la base de l’égalité avec les autres. Comme le mentionne le rapport de l’État, il existe dans le droit national un corpus juridique destiné à encadrer l’effectivité de ce droit, notamment en matière bioéthique. Mais on note aussi des risques de surmortalités liés aux situations de handicap.

23. Les questions liées au début et à la fin de vie

La France est le premier pays à s’être doté, dès 1983, d’un organisme indépendant, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), chargé de « donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ». Il s’est prononcé plusieurs fois sur le diagnostic prénatal et préimplantatoire. Ces derniers comprennent des techniques désormais non invasives permettant le dépistage généralisé d’un nombre grandissant d’affections et d’anomalies génétiques, dont certaines, comme la mucoviscidose et la trisomie, relèvent du handicap. Les avis successifs du CCNE relèvent que le libre choix laissé aux parents de continuer ou d’interrompre la grossesse est fortement influencé par le caractère inclusif ou non de la société à l’égard du handicap.

S’agissant des questions liées à la fin de vie, les lois « Claeys-Léonetti » de 2005 et de 2016 prévoient de respecter les droits et de rechercher au maximum la volonté de la personne et instituent, à cette fin, des procédures pour éviter « l’obstination déraisonnable », choisir une personne de confiance et favoriser la rédaction de « directives anticipées ».

La loi (art. L. 1111-11 du code de la santé publique) prévoit que « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou du refus de traitement ou d’acte médicaux ». Mais s’agissant des personnes sous tutelle, la loi dispose qu’elles ne peuvent rédiger des directives anticipées qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion.

24. Le suicide et autres risques de surmortalité des personnes handicapées

En France, comme dans d’autres pays, le taux de suicide a diminué depuis les années 1980. L’Observatoire national des suicides, dans son rapport de 2014, a néanmoins signalé que les personnes handicapées ont fait l’objet de peu de travaux et mériteraient une attention particulière. La feuille de route « Santé mentale et psychiatrie 2018 » du gouvernement en tient compte en évoquant le handicap psychique parmi les autres facteurs de fragilité.

Selon une idée reçue, suicides et accidents expliqueraient la surmortalité parmi les personnes souffrant de troubles mentaux. Une étude menée par l’agence Santé publique France, parue en 2017, montre que sont en cause, avant tout, les maladies cardiovasculaires et respiratoires, le suicide et les accidents ne venant qu’après. Il semble, en effet, que ces personnes échappent en partie aux campagnes de prévention contre le tabagisme et les autres addictions, et au dépistage de cancers16. Ce phénomène se retrouve sans doute, dans un cadre plus large, pour l’ensemble des personnes handicapées.

En 2018, le CCNE, dans son avis sur Les enjeux éthiques du vieillissement, s’inquiète des conséquences de la concentration des plus âgés et des moins aisés dans un environnement institutionnalisé peu inclusif : « Quel sens aura la vie des personnes si le vieillissement, la maladie et le handicap se doublent d’une perte de l’autonomie, d’une réduction de leurs libertés et d’une diminution des ressources ? ». Chaque année, un tiers des suicides sont le fait de personnes de plus de 65 ans (3 000 cas).

Au-delà de 85 ans, le taux de suicide est le plus élevé de la population. 70% des personnes ainsi décédées souffraient de manifestations de dépression, méconnues ou non traitées. La solitude et l’isolement ressentis et/ou réels des personnes âgées sont accentués par la surmédicalisation, la sur-hospitalisation et la sur-institutionnalisation.

Article 11 – Situations de risque et d’urgence humanitaire

Aux termes de la Convention, les États sont tenus de prendre, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées dans les situations de risque. Dans son rapport, l’État se dit attentif « à la nécessité de mettre en place des réponses adaptées aux besoins des personnes vulnérables, en particulier les personnes handicapées, lors de situations de risque ou d’urgence humanitaire ». Pour autant, des lacunes subsistent, notamment en matière d’accueil aux urgences et d’accueil des migrants, et la prise en compte des besoins spécifiques des personnes handicapées peine encore à être appréhendée par les pouvoirs publics, comme l’a récemment démontré la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid 19.

25. L’accueil aux urgences et l’organisation des secours

Les associations dénoncent régulièrement la mauvaise qualité de l’accueil des personnes handicapées aux urgences du fait, notamment, d’une méconnaissance des handicaps et d’un manque de formation des soignants, de leurs difficultés à communiquer (sur la douleur, ou en l’absence d’un interprète en langue des signe) et du manque de logistique. D’où une absence de diagnostic efficace, un manque d’anticipation de la prise en charge et une aggravation de l’état des patients. Le rapport sur L’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées17 a confirmé, en 2013, le retard de la France sur ce point par rapport à d’autres pays européens.

Inscrite dans la loi depuis 2005 (article 78 de la loi du 11 février 2005), l’obligation d’accessibilité des services publics de l’urgence (Samu, police, gendarmerie, sapeurs-pompiers) aux personnes déficientes auditives, s’est traduite, en 2011, par la création d’un numéro national d’appel d’urgence, le 114, permettant aux personnes ayant des difficultés à entendre ou à parler de signaler une urgence par fax ou sms. Ce n’est que très récemment, le 22 février 2019, que la « plateforme de conversation totale » (audio, vidéo, texte), répondant aux exigences d’accessibilité prévues par la loi de 2005, évoquée par l’État dans son rapport initial (article 9), a été mise en place. Ce numéro est désormais accessible, 24h/24 et 7j/7, via une application smartphone « Urgence 114 », un site Internet « www. urgence114.fr » ainsi que par sms et fax. Mais ce service reste, à ce jour, inaccessible à certaines personnes handicapées, comme les sourdaveugles, qui dénoncent le non-respect des normes basse vision et braille (absence de contraste, couleurs inadaptées, difficulté à trouver le bouton d’appel et la zone de texte, impossibilité de modifier l’interface et absence de braille excepté par courriel et SMS).

26. Les conditions d’accueil des migrants handicapés

À l’occasion de saisines et de son enquête précédant son rapport intitulé Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais18, publié en décembre 2018, le Défenseur des droits a constaté de graves carences dans les conditions d’accueil des migrants, y compris des réfugiés et demandeurs d’asile, en particulier les plus fragiles, parmi lesquels des personnes handicapées : refus d’hébergement d’urgence et absence de soins médicaux pour des enfants handicapés atteints de pathologies graves… Des cas identiques apparaissent pour l’installation, la gestion et l’évacuation des campements de migrants intra-européens comme les Roms. S’agissant des demandeurs d’asile, les procédures d’examen de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) prévoient pourtant, depuis 2015, par transcription d’une directive européenne, d’accorder une attention particulière aux plus vulnérables.

27. La gestion des risques sanitaires ou climatiques et des risques majeurs

La surmortalité due à l’épisode caniculaire de l’été 2003 a provoqué une prise de conscience en France et les plans de prévention et de gestion des risques climatiques tiennent désormais compte de la situation des personnes vulnérables. Mais la crise sanitaire liée à la Covid 19 a, une nouvelle fois, mis en évidence les difficultés, pour les pouvoirs publics, à concilier les enjeux de santé publique avec la nécessité d’une réponse appropriée aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap afin de préserver à la fois leur santé, mais aussi leurs droits et libertés. Les associations ont ainsi exprimé leurs inquiétudes quant au risque de discriminations à l’égard des personnes handicapées face à l’insuffisante prise en compte de la réalité multiforme du handicap dans la gestion de la pandémie. Ces différentes préoccupations ont été relayées par le Défenseur des droits auprès du gouvernement et de la mission de suivi de la commission des lois du Sénat relative au contrôle des mesures mises en œuvre par le Gouvernement pour lutter contre l’épidémie de Covid 19 (avis n° 20-03 du 27 avril 2020).

Certes, l’adoption, par le gouvernement, de plusieurs mesures destinées à prendre en compte la situation particulière des personnes handicapées, méritent d’être saluées. Parmi elles : – l’adaptation des conditions et modalités de sorties pendant le confinement, par exemple :  la dispense d’attestation dérogatoire pour les personnes déficientes visuelles, l’assouplissement des règles de sortie pour les personnes autistes, la publication d’une attestation en version « Facile à lire et à comprendre », … ; – l’accès aux informations et communications relatives à l’épidémie, par exemple : la traduction en LSF et sous-titrage de la plupart des discours et interventions des membres du gouvernement, la mise en place d’une Foire aux questions dédiée aux problématiques rencontrées par les personnes handicapées ; – la prorogation automatique des droits et prestations liés au handicap. Mais il faut, par ailleurs, déplorer : – une approche sanitaire du handicap ayant eu pour effet d’assimiler a priori les personnes handicapées à des personnes « à risque », s’agissant, en particulier, des conditions d’accès aux soins d’urgence et de réanimation, des annonces relatives aux mesures de déconfinement ; – le manque de réponses adaptées, telles que l’absence de solutions de répit, de matériel de protection pour les aidants, l’interruption des soins et de l’accompagnement indispensables au handicap, … entraînant la fragilisation des personnes handicapées et de leur entourage.

Article 12 – Reconnaissance de la personnalité juridique

L’article 12 de la Convention affirme le droit pour les personnes handicapées à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique ainsi qu’à la jouissance de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres. Pour le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD), le fait qu’une personne soit reconnue comme une personne handicapée ou souffre d’une incapacité ne saurait justifier qu’elle soit privée de sa capacité juridique ni, par conséquent, d’aucun des droits prévus par la Convention.

28. Un régime de protection contraire à la Convention

Début 2017, plus de 725 000 personnes étaient, en France, placées sous un régime de protection judiciaire de type tutelle, curatelle et plus rarement sauvegarde de justice.

La défense des droits fondamentaux des publics les plus vulnérables, notamment des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d’autonomie, placées sous régime de protection en raison d’une altération de leurs facultés, est au cœur des missions et des actions du Défenseur des droits. Ainsi, en septembre 2016, il a publié un rapport sur La protection juridique des majeurs vulnérables en France, au regard des droits fondamentaux énoncés par la Convention. Ce rapport rappelle que le paradigme « de la volonté et des préférences » doit remplacer celui « de l’intérêt supérieur ». Cela suppose de passer d’un système de décisions de substitution (type tutelle), qui prive la personne de sa capacité juridique, à un système de décisions accompagnées. Les mesures de protection doivent être proportionnées, adaptées à chaque situation, graduées, limitées dans le temps et contrôlées périodiquement.

Le rapport initial de l’État se contente de décrire le droit en vigueur, sans questionner son effectivité. Or, si les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité des mesures de protection juridique ont, pour l’essentiel, été traduits par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le Défenseur des droits observe, qu’en pratique, leur mise en œuvre n’est pas assurée. En effet, la graduation des mesures de protection, avec un recours parcimonieux aux mesures de représentation, est loin de s’être concrétisée : la majorité des mesures prononcées sont encore aujourd’hui des mesures privatives de la capacité juridique. La Cour des comptes partage ces constats, dans un rapport de 201619. Une enquête récente de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), en 2018, confirme ainsi que sur les 77 486 mesures nouvelles ouvertes en 2016, 41 582 sont des tutelles (soit 54% des cas, une tendance constante), 34 415 des curatelles et 1 489 des sauvegardes autonomes20.

Selon l’article 415 du code civil : « Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ». Mais, comme le souligne le Défenseur des droits, le déni de la capacité juridique aux personnes placées sous régime de protection se traduit, en réalité, par la négation ou la privation de certains droits fondamentaux garantis par la Convention.

Le Défenseur des droits déplore également l’absence de pilotage de cette politique publique. Le manque de données précises et fiables sur la situation des majeurs protégés en France en est l’un des exemples.

29. Une prise de conscience récente restant à concrétiser

Dans ce contexte, en 2018, une mission interministérielle a été constituée en vue d’élaborer, avec l’appui d’un groupe de travail associant tous les acteurs de la protection des majeurs vulnérables, des propositions de réforme du système de protection juridique conformes aux principes de la Convention. Les conclusions de la mission ont été publiées, en septembre 201821, dans un rapport intitulé L’évolution de la protection juridique des personnes – Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables contenant plus d’une centaine de propositions parmi lesquelles : la création d’un cadre juridique cohérent qui rende effective la reconnaissance de la capacité de la personne et l’expression de sa volonté, de ses choix et de ses préférences à chaque fois qu’elle est possible, sans enfermer ni stigmatiser la personne ; la consolidation du « bloc des droits fondamentaux » de la personne juridiquement protégée ; la création d’une mesure de protection unique fondée sur une présomption de capacité du majeur protégé. Ces propositions n’ont été que très partiellement reprises dans loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le Défenseur des droits salue l’avancée majeure que constitue la pleine reconnaissance, par la loi, pour tous les majeurs protégés, du droit de voter, de se marier, de se pacser et de divorcer sans autorisation préalable du juge. Néanmoins, dans ses avis au Parlement22, il regrette que ces évolutions ne soient pas venues s’inscrire dans une réforme plus globale permettant une reconnaissance pleine et effective de l’ensemble des droits fondamentaux reconnus pas la Convention. En effet, il apparaît clairement que tel n’est pas le cas aujourd’hui. À titre d’exemple, comme l’a constaté le Défenseur des droits, les conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d’identité (CNI), prévues par la règlementation, sont contraires aux principes généraux et aux droits reconnus par la CIDPH en ce qu’elles interdisent actuellement à tout majeur sous tutelle d’engager seul les démarches pour obtenir une carte nationale d’identité (décision n° 2020-027 du 20 mai 2020). De même, l’article 475 du code civil conditionne l’action en justice des personnes sous tutelle à l’autorisation du juge ou du conseil de famille. En apportant des conditions à leur accès direct au juge, la législation nie le droit de toute personne handicapée de jouir de sa capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres.

30. Un droit limité à l’accès aux services bancaires et aux crédits financiers

L’article 12.5 de la Convention rappelle le droit qu’ont les personnes handicapées de contrôler leurs finances et d’avoir accès, dans les mêmes conditions que les autres personnes, aux prêts bancaires, hypothèques et autres crédits financiers. Or, les saisines adressées au Défenseur des droits montrent que ces droits ne sont pas toujours respectés. Ainsi, à titre d’exemples : – le refus opposé par un établissement bancaire de délivrer à un majeur protégé une carte de paiement lui permettant d’effectuer ses dépenses quotidiennes. Suite à l’intervention du Défenseur des droits, la banque a révisé ses procédures internes et la personne dispose désormais d’une carte de paiement (décision n° 2018-103 du 19 avril 2018) ; – les conditions restrictives de fonctionnement et de gestion des comptes en ligne des majeurs protégés mises en place par un établissement bancaire (consultation des comptes sur internet, virement de compte à compte, opposition sur carte, chéquiers, prélèvement, etc.). Suite à l’intervention du Défenseur des droits, la banque a amélioré les services bancaires télématiques proposés aux majeurs protégés (décision n° 2018-115 du 3 mai 2018) ; – le refus de crédit opposé aux personnes handicapées en raison de la nature et du niveau de leurs ressources, en l’occurrence la perception de l’allocation aux adultes handicapés (décision n° 2018-088 du 29 mars 2018).

Article 13 – Accès à la justice

En application de l’article 13, l’État a l’obligation d’assurer l’accès effectif des personnes handicapées à la justice sur la base de l’égalité avec les autres. Cela suppose de leur reconnaître la capacité d’ester en justice et qu’elles puissent effectivement accéder à une représentation juridique, connaître leurs droits, contester les décisions les concernant et être entendues en qualité de témoin. Le rapport initial de l’État ne traite le sujet que partiellement en se limitant à décrire certains dispositifs, sans faire état de leur application effective. Or, les personnes handicapées sont aujourd’hui confrontées à de nombreux obstacles de nature à entraver leur accès effectif à la justice.

31. Les obstacles à l’accès effectif à la justice par les personnes handicapées

Comme le précise le rapport initial de l’État, des aménagements procéduraux ont été prévus par l’article 76 de la loi du 11 février 2005 pour les personnes atteintes de surdité, les personnes déficientes visuelles et les personnes aphasiques. Or, ces aménagements ne sont pas toujours respectés en pratique. Ainsi, lors d’une audience devant le tribunal administratif de Paris, un requérant atteint de surdité a demandé à être assisté, conformément à la loi, par un interprète en langue des signes. Le tribunal lui a refusé cette assistance et s’est borné à l’inviter à venir, accompagné d’une personne de son choix. Dans cette affaire, le Conseil d’État a jugé que le fait de ne pas fournir aux personnes atteintes de surdité l’assistance nécessaire lors des audiences est susceptible d’entraîner l’annulation du jugement rendu (CE, 15 mars 2019). En outre, le cadre juridique prévu par la loi de 2005 est insuffisant car il ne prévoit pas d’adaptation des procédures pour les autres formes de handicap. En particulier, pour les personnes avec une déficience intellectuelle, il manque l’accès aux informations relatives à la procédure via des supports facilement lisibles et compréhensibles ainsi que la possibilité, pour les personnes handicapées, d’être accompagnées à tous les stades de la procédure par une personne de leur choix.

L’accès à l’aide juridictionnelle, mentionné dans le rapport de l’État, se trouve en réalité entravé par le bas niveau des plafonds de ressources prévus pour bénéficier de ce dispositif. Les personnes lourdement handicapées qui, par exemple, bénéficient à la fois du versement de l’allocation aux adultes handicapés et d’un complément de ressources voient leurs revenus dépasser le seuil d’octroi de l’aide juridictionnelle totale. Mais le faible niveau de leurs revenus, cumulé à une aide juridictionnelle partielle, ne leur permet pas pour autant le recours à un avocat.

Par ailleurs, ainsi que le rappelle l’État, des permanences juridiques et des « points d’accès aux droits » ont été prévus pour répondre aux besoins particuliers des personnes handicapées mais ils restent insuffisants. À cet égard, le Défenseur des droits participe à remédier au déficit d’information des justiciables handicapés sur leurs droits et à contrer les logiques de renonciation qui en découlent en contribuant, via son réseau de délégués répartis sur l’ensemble du territoire national, à renseigner et orienter les personnes handicapées. Il convient également de souligner le rôle important joué par les associations de personnes handicapées dans ce domaine.

Les saisines reçues par le Défenseur des droits révèlent une pratique largement répandue au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui consiste à ne pas motiver leurs décisions de refus d’ouverture d’un droit. Ces pratiques, outre qu’elles sont illégales, ont comme conséquence de priver les personnes handicapées de la possibilité de fonder leur recours de manière pertinente. Interpellées par le Défenseur des droits, les MDPH concernées ont ponctuellement modifié leurs pratiques.

Pour autant, le Défenseur des droits considère que des mesures doivent être prises afin d’encadrer clairement, au niveau national, les pratiques illégales des MDPH en matière de motivation de leurs décisions.

L’inaccessibilité des bâtiments, évoquée sous l’article 9 du présent rapport, constitue également un frein pour l’accès à la justice, tant pour les justiciables que les auxiliaires de justice handicapés. En effet, la participation des personnes handicapées au système judiciaire autrement que comme justiciable est un critère retenu par le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD). Saisi par une avocate handicapée en raison du préjudice subi dans l’exercice de sa profession du fait de l’inaccessibilité des tribunaux, le Conseil d’État a jugé23, en 2010, que l’État était tenu de prendre des mesures appropriées pour permettre aux avocats handicapés d’exercer leur profession. Ces mesures « doivent inclure, en principe, l’accessibilité des locaux de justice, y compris celles des parties non ouvertes au public mais auxquelles les avocats doivent pouvoir accéder pour l’exercice de leurs fonctions (…) ». Pourtant, cette accessibilité n’est pas toujours effective, comme a pu le constater le Défenseur des droits dans une autre affaire dont il a été saisi (décision n° 2018-036 du 27 juillet 2018). C’est également le cas des commissariats de police (décision n° 2019-245 du 16 octobre 2019).

32. La formation des professionnels concourant à l’administration de la justice

L’absence de formation au handicap des professionnels concourant à l’administration de la justice est à l’origine de comportements stigmatisants ou de décisions discriminatoires fondés sur une représentation négative du handicap, selon lesquels la personne handicapée est nécessairement incapable de comprendre ce qu’on lui explique, d’assurer la garde de son enfant, … ou encore, donne lieu à une analyse erronée du comportement d’un enfant comme étant lié à un mauvais traitement alors qu’en réalité il s’agit de manifestations de son handicap.

En dépit d’initiatives positives qui ont été prises, au niveau national, dans le sens d’un meilleur accueil des personnes en situation de handicap dans les services publics, à l’instar du référentiel Marianne, le Défenseur des droits constate un manque patent de formation et de sensibilisation au handicap chez les fonctionnaires de police en charge de l’accueil du public et de l’enregistrement des plaintes au sein des commissariats (décision n° 2019-245 du 16 octobre 2019), se traduisant par des comportements parfois inappropriés de nature à freiner la libération de la parole des victimes et à les dissuader de poursuivre leur démarche.

Le corpus juridique en matière de handicap, constitué de l’ensemble des normes juridiques spécifiques applicables aux personnes handicapées, se caractérise par sa grande complexité du fait, notamment, du nombre important de textes, de l’imbrication des normes spécifiques avec le droit général, de droits particuliers liés aux différents régimes de protection sociale, de la technicité des dispositifs, etc. Or, à ce jour, cette matière juridique n’est que très peu enseignée dans le cadre de la formation initiale ou continue des professionnels du droit, qui indiquent rencontrer de réelles difficultés dans le traitement des dossiers. En pratique, le conseil et la défense des personnes handicapées devant les juridictions sont, la plupart du temps, assurés par les associations représentatives des personnes handicapées qui ont développé une compétence et une expertise en la matière.

Dans ce contexte, le Défenseur des droits a soutenu, en 2016, une proposition d’amendement au projet de loi « Égalité et citoyenneté » visant à introduire dans la formation initiale et continue des professionnels de justice, une formation obligatoire aux spécificités de l’accueil et de l’accompagnement des justiciables handicapés. Or, cet amendement a été rejeté par la commission spéciale du Sénat. Ainsi, cette formation n’est toujours pas obligatoire pour les magistrats alors même que la réforme de l’organisation judiciaire a rattaché, depuis 2019, les contentieux sociaux (contentieux général et technique de la sécurité sociale et contentieux de l’aide sociale), jusqu’alors de la compétence de juridictions spécialisées, aux juridictions de droit commun.

Article 14 – Liberté et sécurité de la personne

Aux termes de la Convention, les États veillent à ce que les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, jouissent du droit à la liberté et à la sûreté de leur personne, ne soient pas privées de leur liberté de façon illégale ou arbitraire et, si elles sont privées de leur liberté à l’issue d’une procédure, à ce qu’elles aient droit aux garanties prévues par le droit international des droits de l’homme. Or, en dépit du cadre juridique rappelé par le rapport de l’État qui, par ailleurs, n’offre pas toutes les garanties, des violations aux droits et libertés des personnes sont régulièrement constatées.

33. Le dispositif des soins sans consentement

Le rapport de l’État rappelle les aménagements apportés par les lois n° 2011803 du 5 juillet 2011 et n° 2013-869 du 27 septembre 2013 en vue de réformer les conditions de prise en charge des personnes « jusqu’alors hospitalisées sans consentement » afin d’adapter les modalités à l’état de santé de chaque patient et à ses évolutions. Or, plusieurs rapports24 pointent de graves défaillances en matière de garantie des libertés individuelles, dans la mise en œuvre de ce dispositif qui, il convient de le préciser, concernait 93 740 personnes en 2016. Ils relèvent, notamment, une diversité de pratiques peu respectueuses des droits fondamentaux en matière d’information des patients sur leurs droits, d’établissement des certificats médicaux, de mise en isolement ou sous contention, de déroulement de l’audience, celles-ci variant selon les territoires, les établissements, les services et les juridictions. Depuis 2011, la loi impose un contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention (JLD) pour toute mesure d’hospitalisation complète sans consentement.

Or, en moyenne, au niveau national, seule une saisine sur dix aboutit à une mainlevée de la mesure et ces taux varient de façon significative entre les départements car l’investissement des magistrats s’avère en pratique très inégal. En outre, ce contrôle judiciaire n’existe pas pour les soins ambulatoires sans consentement qui, en 2015, concernaient près de 37 000 personnes, soit 40 % du nombre total de personnes en soins sans consentement.

Comme le mentionne l’État, dans son rapport initial, l’isolement et la contention sont désormais encadrés par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 sur la modernisation du système de santé. Pour autant, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL)25 et le Comité contre la torture de l’ONU (CAT)26 ont constaté que les garanties posées par cette loi ne sont pas toujours respectées dans la pratique. Ils relèvent le recours fréquent à l’isolement avec ou sans contention ; le registre exigé par la loi est souvent inexistant ; le recours à la contention mécanique n’obéit pas toujours aux mêmes critères, sa durée est variable et les patients concernés par les mesures ne sont pas toujours informés de leurs droits et des voies de recours.

Sur la base de ces constats, le Défenseur des droits a émis un avis sur le projet de protocole additionnel à la Convention sur la protection des droits de l’homme et la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux en matière de placement et de traitement involontaires (Oviedo). Le Défenseur des droits considère qu’en dépit de l’objectif recherché – à savoir prévenir le recours à des mesures abusives et arbitraires de placement ou de traitement involontaires à l’égard de personnes souffrant d’un handicap psychosocial – les solutions proposées s’avèrent, en pratique, inefficaces et sources d’abus.

En effet, l’insertion de garanties dans les textes de loi n’empêche pas, en soi, les abus, puisque, même dans les pays où ces garanties sont déjà prévues juridiquement, comme c’est le cas de la France, des violations aux droits des personnes persistent. Dès lors, le Défenseur des droits encourage les organes du Conseil de l’Europe à trouver une solution permettant d’assurer une application plus uniforme par les États membres des mesures volontaristes en psychiatrie, dans l’esprit de la CIDPH (avis n° 2018-29 du 5 décembre 2018).

34. Le statut problématique des Unités pour malades difficiles (UMD)

Ces services psychiatriques spécialisés d’hospitalisation sécurisée, au nombre de 10 en France, sont destinés à des personnes considérées comme dangereuses (art. R. 3222-1 du code de la santé publique). Le CGLPL y observe un degré plus rigoureux de privation de liberté individuelle et des autres droits fondamentaux27. Et, comme la frontière entre les catégories de « patient dangereux » et de « patient difficile » est ténue, la politique d’admission de chaque UMD reste largement à la discrétion du psychiatre chef de service. Le CGLPL, en outre, a pu constater que des patients restaient en UMD alors même que la commission de suivi médical et le préfet s’étaient prononcés en faveur de leur sortie. À ce jour, c’est un décret28 qui règlemente les UMD. Or, ce texte est incomplet et ne prévoit pas une protection suffisante. Ainsi, la réglementation ne fixe pas de critères d’application de la mesure, ces derniers relevant de bonnes pratiques ne faisant pas consensus entre professionnels29. Les lacunes du cadre juridique sont régulièrement comblées par la jurisprudence. Le Conseil d’État30 a ainsi affirmé le droit à être assisté par un avocat lors des séances des commissions de suivi médical et la fin du huis clos dans lequel ces commissions siégeaient et statuaient sur le sort des patients.

35. L’aménagement des peines pour raison de santé

L’État invoque l’existence d’une possibilité d’aménagement de peine pour des raisons de santé31 mais n’indique pas qu’il s’agit, en réalité, d’un dispositif très peu appliqué. En effet, les critères d’octroi de cette mesure sont souvent appréciés de manière trop restrictive par les juges qui exigent que le pronostic vital de la personne soit engagé. Comme le précise le CGLPL, dans son avis du 22 novembre 2018 relatif à La prise en compte des situations de perte d’autonomie dues à l’âge et aux handicaps physiques dans les établissements pénitentiaires : « En pratique, la suspension de peine est le plus souvent décidée au bénéfice de personnes en fin de vie et rarement au motif de l’incompatibilité de l’état de santé d’une personne avec ses conditions de détention ». De plus « la recherche d’un hébergement adapté à la sortie de détention est complexe et constitue un obstacle majeur à l’octroi d’un aménagement ou d’une suspension de peine ». Au-delà de l’aménagement des peines, le Défenseur des droits rappelle également que les mesures alternatives doivent être privilégiées chaque fois que les conditions de détention ne permettent pas de répondre aux exigences fixées par le droit international et la loi pénitentiaire s’agissant d’un égal accès aux droits et au respect de la dignité32.

36. Les étrangers en situation de rétention administrative

La rétention administrative permet de maintenir dans un lieu fermé un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de son renvoi forcé. Contrairement à la détention, il n’existe en droit français aucune disposition concernant la situation spécifique des personnes dont l’état est incompatible avec leur enfermement en rétention33. Si la circulaire du 7 décembre 1999 met en avant la fragilité psychologique des personnes enfermées en rétention et le rôle prépondérant du médecin de l’Unité médicale du centre de rétention administrative (UMCRA), elle ne renseigne toutefois pas sur la procédure à suivre en cas d’incompatibilité de l’état d’une personne avec son enfermement.

Dès lors, les réponses administratives varient fortement d’un centre de rétention à l’autre.

Par ailleurs, la pratique d’isolement d’un étranger malade en application de la procédure destinée à préserver la sécurité et l’ordre public, en lieu et place d’une prise en charge sanitaire adaptée, a été dénoncée par le CGLPL. Suite à ses recommandations, le ministère de l’Intérieur a publié une circulaire34 encadrant l’usage de ces pratiques et distinguant les motifs du placement en isolement.

Lorsqu’il s’agit d’un motif sanitaire, le médecin de l’UMCRA doit intervenir en urgence et décider des mesures les plus appropriées. Malgré ces précisions, des usages détournés de placement en isolement ont encore cours, ainsi que le rappelle le Défenseur des droits dans un rapport intitulé Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer, publié en 2019.

Article 15 – Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Le rapport initial de l’État évoque l’interdiction de la torture dans le droit pénal français et mentionne que, contrairement à la maltraitance, les mécanismes de contrôle nationaux et internationaux ne signalent pas de telles pratiques. L’absence de stratégie nationale de prévention semble ainsi justifiée. Or, le rapport de l’État n’évoque pas plusieurs questions importantes, liées aux conditions matérielles de mesures privatives de liberté, qui sont constitutives de traitements inhumains et dégradants à l’égard des personnes handicapées au sens de l’article 15 de la Convention.

37. Les conditions d’arrestation et de contrôle

Les interventions des forces de l’ordre sont marquées par un manque de préparation, de formation et d’équipement adéquats pour faire face au handicap. Cette situation peut être à l’origine d’actes attentatoires à l’intégrité et de mauvais traitements. L’usage immodéré de la force sur des personnes vulnérables a plusieurs fois fait l’objet de saisines et d’enquêtes de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) puis du Défenseur des droits. Sont en cause, l’insuffisance de formation des agents de sécurité au handicap, notamment aux troubles mentaux, et les carences de la coordination entre les différents acteurs impliqués35. La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2017, dans une affaire relative au décès d’une personne atteinte de troubles mentaux suite à l’intervention d’agents de police36.

La Cour a considéré que, même si l’intention d’humilier ou faire souffrir la victime n’était pas présente, le traitement infligé – des gestes violents, répétés et inefficaces, pratiqués sur une personne vulnérable – a atteint un seuil de gravité suffisant pour constituer un mauvais traitement.

38. Les conditions de détention

Les mauvaises conditions de détention sont un sujet majeur en France. Si les atteintes aux droits fondamentaux, liées notamment à la surpopulation carcérale, à l’absence d’activités et de programmes de réinsertion, à la difficulté d’accès aux soins, sont communes à tous les détenus, la situation des personnes handicapées ou en perte d’autonomie en prison reste très préoccupante, selon l’avis du CGLPL du 22 novembre 2018 : les conditions de détention « des personnes touchées par un handicap ou des difficultés liées à l’âge ne sont pas suffisamment, voire, pas du tout prises en compte ». Cette situation n’est pas récente et a donné lieu à plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour traitement inhumain et dégradant (Raffray Taddei c. France, n° 36435/07, 21 déc. 2010 ; G. c. France, n° 27244/09, 23 févr. 2012 ; Helhal c. France, n° 10401/12, 19 févr. 2015).

Le droit français prévoit une obligation d’accessibilité des établissements pénitentiaires neufs et, dans une certaine mesure, existants. Outre que cette obligation est loin d’être effective (v. § 20), les normes prévues concernent les seules personnes atteintes de déficience motrice ou visuelle. Saisi par l’Observatoire international des prisons des conditions de détention d’une personne atteinte de surdité profonde, le Défenseur des droits a ainsi considéré que l’absence de mesures propres à assurer l’accessibilité des établissements pénitentiaires à toutes les personnes handicapées, quel que soit le handicap, est contraire aux dispositions de l’article L.111-7 du code de la construction et de l’habitation et aux obligations qui incombent à l’État au vu de ses engagements internationaux, s’agissant en particulier de l’article 15 de la Convention. Dans l’avis précité, le CGLPL appelle l’administration pénitentiaire à « adapter les conditions de détention sur tous les aspects de la prise en charge » et invite le législateur à imposer la mise en place des aménagements raisonnables.

Par ailleurs, le Défenseur des droits constate, via son réseau de délégués « référents prison », de réelles difficultés liées aux relations avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) s’agissant, notamment, des délais d’instruction des dossiers et de la carence d’évaluation in situ des besoins du détenu37. Au-delà, comme le note le CGLPL, les détenus se heurtent à une insuffisance, voire, une absence de réponses adaptées à leurs besoins d’accompagnement. Les établissements pénitentiaires peuvent solliciter les dispositifs de droit commun mais en pratique les personnes détenues concernées sont davantage aidées par un codétenu (45 %) que par un intervenant extérieur (32 %), et une part importante n’est pas prise en charge (23 %).

39. Le handicap psychique et mental dans les lieux de privation de liberté

C’est une réalité désormais chiffrée et décrite dans les rapports de l’IGAS : « Les pathologies et troubles mentaux sont surreprésentés en milieu carcéral : une personne détenue sur 25 répond aux critères diagnostics de schizophrénie (soit quatre fois plus qu’en population générale), plus d’une personne détenue sur trois est atteinte de syndrome dépressif, une sur 10 est atteinte de dépression mélancolique à haut risque de suicide, une sur six a une phobie sociale, une sur trois une anxiété généralisée »38. Or, ces structures ne sont ni un lieu de soins ni adaptées pour prendre en charge les troubles mentaux. Maintenir une personne en prison quand sa place est dans une structure de soins, équivaut à lui infliger des mauvais traitements : tel était le raisonnement de la Cour européenne des droits de l’homme, lors de la condamnation de la France en 201239.

De fait, la politique de désinstitutionnalisation conduite en France ces dernières années, s’est traduite par une diminution importante de la capacité d’accueil dans les services hospitaliers psychiatriques, sans pour autant que des services de proximité prennent le relais. Cette réduction a vraisemblablement favorisé la précarisation des patients les moins bien insérés socialement qui, faute d’une prise en charge adaptée, entrent dans un cercle vicieux : petite délinquance, prise en charge ponctuelle en milieu libre et passages en prison, à la suite de procédures de jugement accélérées telles que les comparutions immédiates. Le pourcentage de personnes déclarées irresponsables pénalement ne cesse de diminuer et, même si aucune étude ne le confirme, les observateurs de la justice témoignent d’une sévérité pénale accrue des juridictions à l’égard des personnes dont le discernement aurait été altéré. Les établissements pénitentiaires sont dès lors contraints de les prendre en charge. Nombre d’entre eux, afin de protéger ces détenus contre les violences de leurs codétenus, choisissent de les regrouper à l’écart, ce qui a pour effet de renforcer la stigmatisation. Beaucoup de malades difficiles, considérés comme indisciplinés, subissent des mesures d’isolement à titre de sanction.

Le handicap psychique et mental est également surreprésenté dans les centres de rétention. Conséquence du manque de prise en considération des situations individuelles par les préfectures, la vulnérabilité de certaines personnes retenues est complètement occultée lors de la décision de placement en rétention. Le nombre d’actes désespérés ne cesse de grandir. L’association La Cimade, dans son rapport de 2017, observe ainsi une augmentation nette des automutilations, des scarifications, des tentatives de suicide.

Article 16 – Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance

L’article 16 de la Convention impose à l’État des mesures de protection, de prévention et de sensibilisation, des mécanismes de signalement et de contrôle, la prise en charge des victimes. Si, comme le mentionne le rapport initial de l’État, il existe de nombreux dispositifs contre les maltraitances, ils sont peu opérationnels et le cadre juridique pour lutter contre les maltraitances est, à bien des égards, inefficient.

40. Les carences des dispositifs de lutte contre les maltraitances

Le Défenseur des droits constate, ces dernières années en particulier, une augmentation de la fréquence et de la gravité des saisines liées à des maltraitances dans les établissements hospitaliers et médicosociaux40. Ces réalités préoccupent le Comité des droits de l’enfant et le Comité des droits de l’homme qui les évoquent dans leurs Observations finales de 2015 et de 2016 sur les rapports périodiques français41. Les situations sont diverses. Il peut s’agir d’abus et de négligence, d’un défaut de prise en charge, d’atteintes au droit à la vie privée, à l’intimité et à la liberté d’aller et venir. Ces actes peuvent être isolés, individuels, mais les structures peuvent être, elles-mêmes, à l’origine de maltraitances en raison, notamment, de l’insuffisance de leurs moyens humains et financiers pour assurer leurs missions dans le respect des droits fondamentaux des personnes accueillies, mais aussi de leur inertie à remédier à des situations de maltraitance identifiées. Si l’un des freins pour lutter contre les maltraitances est la difficulté des institutions à reconnaître leurs propres défaillances, un autre est le caractère dilué des responsabilités.

En matière de prévention, si les services centraux diffusent des directives et des outils de  sensibilisation, la Haute autorité de santé (HAS), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et les associations observent que les établissements ne s’en saisissent pas assez pour les faire connaître à leurs personnels, dont la formation initiale et continue demeure insuffisante42. Sur le repérage des situations et des facteurs de risques, les Agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux ont diffusé des outils locaux, mais il n’existe pas d’outil national diffusé à grande échelle.

Le rapport initial de l’État évoque le rôle des Agences régionales de santé (ARS) dans le contrôle des établissements et services médico-sociaux (ESMS), publics et privés, missions qu’elles partagent avec les services des conseils départementaux au titre de leurs compétences respectives. Ces contrôles varient selon le type d’établissement et les compétences des différents acteurs. Une ordonnance du 18 janvier 2018 a précisé et renforcé les contrôles par les autorités administratives. Mais le Défenseur des droits constate, dans les situations dont il est saisi, qu’en pratique, ils ne sont pas toujours efficients.

41. L’inefficience du cadre légal pour lutter contre les maltraitances

La loi pénale impose une obligation de signalement43 à quiconque a eu connaissance de privations, mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison, entre autres, de son handicap44. Par ailleurs, depuis 2015, la loi impose aux établissements et services médico-sociaux, l’obligation de signaler sans délai les évènements graves, dont les cas de maltraitance présumée, aux autorités administratives45 ainsi qu’au procureur de la République et, s’il s’agit d’un majeur protégé, au juge des tutelles46. Enfin, tout professionnel de santé doit signaler à l’Agence régionale de santé les évènements indésirables graves liés aux soins47. Le rapport initial de l’État présente les systèmes de transmission d’information mis en place. Mais le Défenseur des droits constate que la loi ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de cette procédure. De plus, dans la pratique, le dispositif est très compliqué à mobiliser, compte tenu du trop grand nombre d’acteurs concernés : selon les cas, les particuliers ou professionnels ont le choix de signaler une situation de maltraitance à près d’une dizaine de structures ou interlocuteurs institutionnels différents48 qui ne sont ni coordonnés ni capables d’assurer la transmission des alertes entre eux49.

Parallèlement à ces obligations, le droit français prévoit une protection pour les auteurs des signalements, dans le cadre de la protection des lanceurs d’alerte instituée par la loi du 9 décembre 201650 et de la protection spécifique prévue par le code de l’action sociale et des familles à l’égard des professionnels des établissements médico-sociaux51. De plus, dans ces cas de figure, le code pénal délie des conséquences liées à l’atteinte portée à un secret protégé par la loi, comme le secret professionnel52. Mais ces procédures sont particulièrement méconnues, engendrant des fausses idées et des obstacles à la protection effective. La peur des représailles est souvent mise en avant par les professionnels des établissements et services médico-sociaux témoins d’actes de maltraitance, révélant les limites, en pratique, de la protection prévue par le droit. Le droit pénal envisage la question de la maltraitance du point de vue de la violence individuelle et peine à la saisir sous l’angle institutionnel.

L’État reconnaît, dans son rapport, que la technique du « packing », pratiquée en établissement sur des enfants et adultes atteints de troubles du spectre autistique (TSA), est un acte de maltraitance. Une circulaire de 201653 affirme que « cette pratique doit être considérée comme une mise en danger de la santé, de la sécurité et du bien-être moral et physique des personnes accompagnées par ces établissements et doit donc faire l’objet des mesures appropriées54 ». Ce texte conditionne, de plus, la signature de contrats d’objectifs et de moyens avec les établissements médico-sociaux à l’absence d’une telle pratique55. Pour autant, l’usage du « packing » n’est pas expressément interdit par la loi.

42. La mise en place d’un plan d’action de lutte contre les maltraitances

En février 2018, la ministre des solidarités et de la santé et la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées ont installé la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables, prévue par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015. La commission a remis son rapport Pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie, en janvier 2019. Les orientations proposées reposent sur trois axes : – comprendre les situations et phénomènes de maltraitance ; – mieux y réagir collectivement ; – prévenir leur survenance par une profonde transformation des approches. À partir de ces travaux, le gouvernement a annoncé la mise en place, en 2019, d’un plan national d’action de lutte contre les maltraitances. Mais ces annonces n’ont pas été suivies d’effet.

Article 17 – Protection de l’intégrité de la personne

Selon la Convention, « Toute personne a droit au respect de son intégrité physique et mentale sur la base de l’égalité avec les autres ». Pourtant, le consentement des personnes placées sous régime de protection juridique se heurte, en pratique, à des difficultés, qu’il s’agisse pour elles de consentir aux actes médicaux ou de s’opposer à des mesures de stérilisation à visée contraceptive.

43. Le consentement aux actes médicaux

La législation applicable aux personnes placées sous régime de protection juridique pose de nombreuses difficultés en pratique, comme le souligne le rapport de mission interministérielle L’évolution de la protection juridique des personnes – Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, publié en 2018. Selon ce rapport, les professionnels de santé s’interrogent régulièrement sur le champ d’intervention de chacun des organes de la protection, plus particulièrement en présence d’un curateur, au regard du secret médical. De même, la ligne de démarcation entre la nécessité d’obtenir l’autorisation du tuteur et celle du juge ou du conseil de famille reste floue et entraîne des pratiques diverses selon les professionnels de santé. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice répond partiellement à ces difficultés, en modifiant les règles en matière de consentement aux soins pour les majeurs protégés. Désormais, le recours au juge est limité aux seuls cas de désaccord entre le majeur protégé et son tuteur. La question principale à résoudre porte sur l’articulation entre le principe de l’autonomie du majeur protégé, dès lors que son état lui permet de prendre une décision éclairée, et les pouvoirs de la personne chargée de la mesure de protection. En effet, si comme le rappelle le rapport initial de l’État, le code civil fait primer l’autonomie du majeur, il apparaît que le code de la santé publique privilégie, quant à lui, la protection du majeur en évoquant une représentation quasi systématique par le tuteur. Une harmonisation des textes, dans le respect des principes posés à l’article 12 de la Convention, apparait donc nécessaire. Cette réponse est apportée par l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020. Désormais, le principe est celui de la primauté au consentement du majeur protégé, chaque fois que celui-ci est apte à exprimer sa volonté. L’information nécessaire à la prise de décision devra lui être délivrée directement et être adaptée à ses facultés de compréhension afin qu’il puisse consentir personnellement. Mais l’autorisation de la personne chargée de sa protection reste requise en matière de recherche médicale, pour les soins psychiatriques sans consentement ou encore les essais thérapeutiques. Cette réforme entrera en vigueur au plus tard le 1er octobre 2020.

44. Le consentement à la stérilisation à visée contraceptive

Si, comme le précise le rapport initial de l’État, la loi encadre le recours à la stérilisation des filles et des femmes handicapées, afin de les protéger contre la stérilisation forcée qui a pu se pratiquer en France jusqu’au début des années 2000, elle ne l’interdit pas pour autant. Ainsi, l’article L. 2123-2 du code de la santé publique prévoit que la stérilisation à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne majeure placée sous régime de protection juridique (tutelle ou curatelle) que « lorsqu’il existe

une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement ». L’intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles. Lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté, la loi précise que « son consentement doit être systématiquement recherché et pris en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension. Il ne peut être passé outre à son refus ou à la révocation de son consentement ». Le juge se prononce après avoir entendu ses parents ou son représentant légal et toute personne dont l’audition lui paraît utile, et recueilli l’avis d’un comité d’experts médicaux et de représentants d’associations de personnes handicapées.

Mais au-delà des garanties offertes par le cadre légal, les associations de personnes handicapées dénoncent des difficultés tenant, notamment, à la recherche du consentement de la personne handicapée, à la place donnée aux avis de l’entourage et des professionnels et aux moyens insuffisants accordés aux juges des tutelles pour exercer leurs missions, dans un contexte où la sexualité et la parentalité des personnes handicapées restent encore des sujets sensibles en France. 

Article 18 – Droit de circuler librement et nationalité

Contrairement à ce qu’affirme le rapport de l’État, en France, le droit pour les personnes handicapées à la nationalité et le droit de circuler librement, sur la base de l’égalité avec les autres personnes, sont entravés par de multiples discriminations indirectes fondées sur le handicap.

45. Le droit au séjour et à la nationalité des étrangers handicapés

Conformément à l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), les étrangers justifiant de cinq années de séjour régulier sous couvert d’un titre autorisant à travailler se voient délivrer une carte de résident, valable 10 ans, à la condition de percevoir des ressources suffisantes d’un montant au moins égal au salaire minimum de croissance (SMIC). Cette condition a pour effet d’exclure les personnes handicapées bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), puisque son montant est inférieur au SMIC. Le Défenseur des droits l’ayant dénoncée comme constitutive d’une discrimination, le législateur a introduit, en 2016, une dérogation à la condition de ressources mais en faveur des seuls bénéficiaires de l’AAH justifiant d’un taux d’incapacité au moins égal à 80% ou d’une allocation supplémentaire d’invalidité. En revanche, les personnes dont le taux d’incapacité est compris entre 50 et 79% demeurent soumises à la condition de ressources alors même que, pour bénéficier de l’AAH, elles doivent justifier d’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », autrement dit de l’incapacité de travailler et donc d’accéder à un revenu au moins égal au SMIC. En outre, les exonérations prévues par la loi sont sans effet sur la situation des étrangers handicapés relevant non pas du CESEDA mais d’accords bilatéraux, par exemple, l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles.

Par ailleurs, tout étranger primo-arrivant souhaitant s’installer durablement en France est tenu de conclure avec l’État un contrat d’intégration républicaine par lequel il s’engage à suivre les formations prescrites suite à l’entretien individuel et personnalisé avec un auditeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Ces formations comprennent un volet civique et un volet linguistique. Or, cette condition, neutre en apparence, peut dans les faits conduire à désavantager particulièrement les personnes handicapées lorsque celles-ci, en raison de leur handicap ne peuvent suivre l’ensemble des formations prévues par ce contrat. De même, en matière de naturalisation, le code civil (art. 21-24) dispose que « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en conseil d’État, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ». En pratique, cette procédure peut constituer un frein à la naturalisation pour les personnes handicapées. Ainsi, bien que la règlementation prévoit une dispense pour les personnes dont le handicap rend toute évaluation linguistique impossible, une personne handicapée s’est vue refuser sa demande de naturalisation au motif de son niveau insuffisant de connaissance du français. Saisi de cette situation, le Défenseur des droits a interpellé le ministère de l’Intérieur sur ce refus discriminatoire : se fonder sur la seule circonstance que la réclamante présente des difficultés de langage, lesquelles sont la conséquence directe de son handicap, a pour effet de la priver de toute possibilité d’accéder à la nationalité française. Le ministère a finalement fait droit à la demande de naturalisation.

Le Défenseur des droits a également été saisi de la situation des personnes handicapées étrangères accueillies dans les établissements en Belgique, faute de places en France (v. § 50). Elles peuvent, en effet, rencontrer des difficultés à conserver leur droit au séjour dans la mesure où celui-ci est subordonné à une condition de résidence sur le territoire national. Ces interruptions du droit au séjour emportent, à leur tour, des ruptures de droits sociaux et entravent la prise en charge des frais de soins dans ces établissements.

Enfin, la loi permet aux étrangers atteints de maladies graves et ne pouvant recevoir de traitement dans leur pays d’origine de bénéficier de plein droit d’un titre de séjour. Pour cela, une procédure spécifique est prévue, incluant une phase médicale au cours de laquelle un médecin se prononce sur l’état de santé de l’étranger, puis une phase administrative, au cours de laquelle le préfet statue, au regard de l’avis médical rendu, sur le droit au séjour de la personne. Or, la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 a profondément modifié cette procédure, notamment par le transfert de la compétence de la rédaction des avis médicaux à des médecins placés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur – alors que cette compétence relevait auparavant de médecins placés sous la tutelle du ministère de la santé. Dans son rapport sur Les droits fondamentaux des étrangers en France de 2016, le Défenseur des droits avait émis d’importantes réserves à l’égard de cette réforme. Deux ans après son entrée en vigueur il constate, dans son rapport Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer, publié en 2019, au travers des réclamations dont il est saisi, que ses craintes n’étaient pas infondées et que la réforme de la procédure « étrangers malades » est effectivement à l’origine de nombreuses défaillances et atteintes aux droits.

46. Les effets de la nouvelle carte mobilité inclusion

La France a décidé de créer une carte mobilité inclusion avec mention « stationnement pour personnes handicapées » (CASF article L. 241-3). Elle est venue remplacer, à compter de 2017, l’ancienne carte de stationnement, harmonisée à l’échelle européenne, qui permettait une reconnaissance et une acceptation automatique dans tous les pays membres. Ce nouveau modèle de carte français n’étant pas reconnu par les autres États, leurs titulaires se trouvent désormais confrontées à des difficultés de stationnement lorsqu’ils circulent sur le territoire européen. Interpellé par des parlementaires, le gouvernement a précisé avoir engagé des démarches auprès des instances européennes et des autres États membres en vue d’assurer une large information sur la CMI »56. Le Défenseur des droits considère regrettable que ces difficultés n’aient pas été appréhendées avant la mise en service de la nouvelle carte.

Article 19 – Autonomie de vie et inclusion dans la société

Afin de garantir l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société des personnes handicapées, la Convention invite les États à développer des politiques inclusives consistant à agir, de manière conjuguée, sur les facteurs environnementaux et sur les facteurs personnels afin d’apporter des réponses appropriées aux besoins de chaque personne (v. § 1). Or, le droit pour chaque personne handicapée à bénéficier d’une compensation des conséquences de son handicap connait, dans sa mise en œuvre, de nombreuses entraves qui contreviennent aux principes de dignité intrinsèque, d’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et d’indépendance des personnes, prônés par la Convention.

47. La mise en œuvre du droit à compensation par la MDPH

La loi du 11 février 2005 (article 11) a consacré le principe d’un droit à compensation pour toute personne handicapée, quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. Cette compensation, appréhendée de manière globale dans sa définition (article L. 114-1-1 du CASF), a vocation à répondre aux besoins de chaque personne handicapée, en considération de ses aspirations et de son projet de vie, à tous les stades et dans tous les domaines de sa vie.

La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) constitue un acteur central dans la mise en œuvre du droit à compensation. Mais, outre des problèmes récurrents liés aux délais de traitement, à l’origine de nombreuses ruptures de droits, le Défenseur des droits souligne les inégalités territoriales induites par la diversité des modes de fonctionnement et des moyens des MDPH, s’agissant, en particulier : – des modalités d’évaluation des besoins et/ou d’instruction des dossiers ; – de la variabilité de la lecture du droit d’une MDPH à l’autre ; – du manque de transparence dans l’attribution des prestations (ex : nombre d’heures variables de prestation de compensation du handicap d’un département à l’autre à situation comparable ; remise en cause du nombre d’heures accordé à situation inchangée) ; – du manque de coordination entre les MDPH (ex : rupture de droits consécutive à un déménagement). En dépit de la volonté et des actions développées par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) afin de garantir l’égalité de traitement entre les usagers sur le territoire national, notamment par l’élaboration d’outils d’aide à la décision et d’harmonisation des pratiques, les disparités demeurent. Le rôle d’agence de la CNSA dans l’animation et la coordination des MDPH devrait donc être renforcé afin de réduire l’hétérogénéité des pratiques et garantir l’égalité territoriale.

48. Les limites de la prestation de compensation du handicap (PCH)

L’une des illustrations majeures du droit à compensation est la création, par la loi de 2005, de la prestation de compensation du handicap (PCH). Sa vocation est d’apporter une réponse adaptée à chaque personne handicapée, sur la base d’une évaluation individualisée de ses besoins de compensation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), afin de couvrir les surcoûts spécifiques liés à son handicap en matière d’aide humaine, d’aide technique ou animalière, d’aménagement du logement ou du véhicule, ou à la compensation de charges spécifiques ou exceptionnelles.

Toutefois, ainsi que le reconnaît le rapport de l’État, cette prestation présente des limites en termes de réponse aux besoins réels de compensation. Ces limites concernent, notamment, les critères d’accès à la prestation, les besoins de compensation couverts, les outils d’évaluation des besoins, les tarifs applicables, le reste à charge pour les bénéficiaires. Régulièrement dénoncées par les associations de personnes handicapées, elles ont également été identifiées par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2016.

Certaines réponses sont apportées par une loi du 6 mars 2020 (L. n° 2020-220 du 6 mars 2020) dont l’ambition affichée est « d’améliorer les conditions d’accès à la prestation de compensation du handicap ». Il en va ainsi de la suppression de la barrière d’âge de 75 ans pour demander à bénéficier de la PCH dès lors que la personne remplissait les conditions de handicap avant l’âge de 60 ans, ou encore la possibilité de bénéficier de la PCH « à vie » lorsque le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. D’autres problématiques, en revanche, restent sans réponse. Parmi celles régulièrement invoquées auprès du Défenseur des droits figurent, en premier lieu, l’inadéquation des tarifs de la PCH pour couvrir les besoins réels des personnes handicapées et le reste à charge qui en découle.

En effet, le montant de la PCH « aide humaine » étant insuffisant pour couvrir les charges liées à l’emploi d’une auxiliaire de vie sur la base du droit du travail en vigueur (qualification, ancienneté, congés payés, indemnités de licenciement, …), les bénéficiaires de la PCH se trouvent face à une alternative : soit ponctionner leur revenu d’existence (AAH) pour couvrir leurs besoins de compensation, soit minorer le nombre d’heures d’aide humaine qui leur est nécessaire. Par ailleurs, le Défenseur des droits constate une tendance à une diminution des droits en nombre d’heures accordées au titre de la PCH par les MDPH à besoins inchangés. S’y ajoute que seules les aides destinées à répondre aux besoins « essentiels » de l’existence sont prises en charge, au mépris des besoins réels des personnes pour participer activement à la vie publique, sociale et culturelle.

Concernant la PCH « aide technique », les tarifs de remboursement prévus par la règlementation sont globalement très insuffisants pour couvrir le coût réel, d’où un « reste à charge » important. Le Défenseur des droits a ainsi été saisi de la situation de Monsieur A., tétraplégique. Son handicap justifie l’acquisition d’un fauteuil roulant électrique performant avec conduite au menton d’un montant de 47 240 €.  Il a bénéficié des aides suivantes pour financer son achat : 15 562 € au titre de la PCH ; 3 650 € accordés par le fonds de compensation de la maison départementale des personnes handicapées ; 2 000 € par le centre communal d’action sociale (CCAS) ; 5 901 € accordés par un organisme de prévoyance. Il reste en conséquence une somme de 20 125 € à sa charge. L’intéressé ne perçoit actuellement qu’une pension de retraite s’élevant à 820 €. Monsieur A. est donc dans l’impossibilité d’acquérir son fauteuil roulant.

En instaurant la PCH, la loi de 2005 (article L. 146-5 du CASF) avait prévu de plafonner le « reste à charge » pour les bénéficiaires, à 10% de leurs ressources, après intervention du fonds départemental de compensation. Or, malgré une condamnation de l’État sous astreinte par le Conseil d’État (CE, 24 février 2016, n° 383070), les textes d’application n’ont jamais été publiés, de sorte que le plafonnement prévu par la loi est resté inopérant. Sous couvert de remédier à cette situation, la loi du 6 mars 2020 susvisée a institué un nouveau dispositif qui repose sur la capacité financière des fonds de compensation. Or, en pratique, cette capacité restera disparate et limitée en raison de l’abondement facultatif des fonds par les différents contributeurs. Dès lors, ce nouveau dispositif apparaît davantage comme un moyen de sécuriser juridiquement les pratiques des fonds départementaux que comme une réponse aux réels besoins de compensation des personnes handicapées.

49. Les obstacles au libre choix du lieu de vie

Le libre choix du lieu de vie suppose de développer une offre couvrant un large spectre de réponses adaptées aux besoins de chaque personne, quel que soit son handicap.

L’adaptation de l’habitat et de l’environnement constitue un enjeu majeur et grandissant de la société afin de répondre au souhait largement partagé des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d’autonomie de vivre le plus possible à domicile. Or, le Défenseur des droits observe de nombreux freins à l’autonomie et à l’inclusion des personnes handicapées ou en perte d’autonomie liés, notamment, dans le parc privé, aux refus récurrents des copropriétaires de réaliser les travaux nécessaires à la mise en accessibilité des bâtiments d’habitation et ce, même lorsque les travaux ouvrent droit à un financement. Quant à l’offre de logement social, déjà insuffisante pour l’ensemble de la population, elle l’est encore davantage pour les personnes handicapées qui, bien que reconnues prioritaires57, subissent des délais d’attribution plus longs du fait de l’insuffisance de l’offre de logements accessibles. En matière de logement, le handicap constitue ainsi le deuxième motif de discrimination (juste après l’origine) de l’ensemble des réclamations adressées au Défenseur des droits.

En réponse à la demande de nombreuses personnes handicapées, désireuses de vivre à domicile, l’État a récemment lancé un important programme de transformation de l’offre médico-sociale, orienté vers l’individualisation des réponses dans une approche inclusive. Si l’objectif ainsi poursuivi mérite d’être salué, il ne doit pas pour autant se réaliser au détriment des réponses spécifiques devant continuer à être apportées aux besoins des personnes les plus « lourdement » handicapées et à leur entourage.

Les établissements spécialisés et les services d’accompagnement à l’autonomie présentent, en France, une très grande diversité de réponses aux besoins. Toutefois, comme l’ont montré de nombreux rapports des corps d’inspection ou du Parlement, l’insuffisance ou la rigidité de l’offre conduit trop souvent à un accueil dans un lieu éloigné de la famille ou dans un établissement inadapté au handicap de la personne. Par ailleurs, un nombre indéterminé d’enfants et d’adultes se trouvent sans aucune solution, malgré les nombreux plans de création de places qui ont été déployés depuis plusieurs décennies, d’autres subissent des ruptures de parcours. D’autres encore, bien que jeunes adultes, sont maintenus, faute d’alternatives, dans des établissements pour enfants (amendement Creton), au détriment de l’accueil de jeunes enfants.

Ce n’est que très récemment que l’État a engagé, suite au rapport Zéro sans solution de 201458, une politique coordonnée destinée à répondre aux situations critiques, par la mise en œuvre du dispositif « une réponse accompagnée pour tous » (RAPT). Il prévoit que chaque personne en difficulté, du fait de l’absence d’un accompagnement médico-social adapté, peut bénéficier d’un plan d’accompagnement global (PAG) qui détermine les mesures nécessaires pour proposer une réponse immédiate, construite en fonction de l’offre locale, sur laquelle toutes les parties prenantes s’engagent. Ce dispositif, porté par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), généralisé à l’ensemble du territoire national en janvier 2018, apparaît encore aujourd’hui, au vu des situations portées à la connaissance du Défenseur des droits, peu mobilisé.

50. Les Français accueillis dans des établissements en Belgique

Environ 6 450 adultes et 1 430 enfants handicapés français (au 31 décembre 2018) sont accueillis dans des établissements belges pour pallier les carences de l’offre médicosociale en France. Ces départs, le plus souvent contraints, ont lieu sur orientation des MDPH et donnent lieu à un financement, par les autorités françaises, estimé à environ 400 millions d’euros. Le rapport initial de l’État aborde ce sujet dans son introduction, sous le titre neutre « La coopération régionale et bilatérale », tout en la jugeant, à juste titre, « préoccupante », et y revient dans ses annexes.

De multiples rapports et enquêtes (IGAS, Sénat, Autisme France en Belgique, UNAPEI…) dénoncent cette situation anormale depuis de nombreuses années. Comme l’a constaté le Défenseur des droits dans son rapport La protection juridique des majeurs vulnérables (2016) et dans le cadre d’une action commune avec le Défenseur des enfants belge, cette situation entraîne, en outre, la violation de libertés et droits fondamentaux inscrits dans la Convention : libre choix du lieu de résidence, droit à une vie familiale et privée, droits sociaux et à la retraite, accès à la justice, accès au juge des tutelles pour les majeurs protégés, droit à ne pas être soumis à maltraitance. Elle peut aussi compliquer la situation fiscale et donc l’accès à des services financiers de droit commun ainsi que, pour les personnes d’origine étrangère, leur droit au séjour en France (v. § 45). Un accord franco-wallon adopté fin 2011 (entré en vigueur seulement en 2014) vise à encadrer les conditions d’accueil et de contrôle, sans pour autant lever tous les obstacles en matière d’atteintes aux droits. Plusieurs programmes se sont succédés, ces dernières années, afin d’endiguer les départs contraints vers la Belgique, sans produire, jusqu’à présent, les effets escomptés.

51. Le statut encore précaire des aidants

L’absence de réponse adaptée aux besoins des personnes handicapées est souvent lourde de conséquences pour les aidants. L’enquête, réalisée par la mission nationale « Accueils de loisirs et handicap » en 2018, révèle ainsi que 88% des parents sont impactés dans leur emploi faute de mode d’accueil adapté, parmi eux 81% des mères (contre 16% des pères) cessent toute activité, réduisent leur temps de travail ou changent d’orientation professionnelle. Par ailleurs, comme le souligne la note d’orientation Pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie de 2019 (v. § 42), l’épuisement des aidants peut être à l’origine d’actes de maltraitance involontaires envers les personnes aidées.

Si l’importance du rôle des aidants est aujourd’hui reconnue, il n’existe pas à proprement parler de véritable statut de l’aidant. Celui-ci se construit peu à peu mais souffre d’une absence de vision globale. Les droits des aidants se caractérisent par une multiplicité de dispositifs disparates et peu coordonnés, souvent mal connus des potentiels bénéficiaires, et restent globalement insuffisants pour répondre aux besoins. Ainsi, les droits à congés sont peu favorables et les conditions d’aménagement du temps de travail varient selon le secteur (public/privé) et la branche d’activité ; les droits en matière de compensation accordés à l’aidant diffèrent selon que la personne aidée est une personne âgée en perte d’autonomie ou une personne handicapée, enfant ou adulte. Le droit au répit n’a été reconnu qu’en 2015, par la loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, pour les seuls aidants de personnes âgées dépendantes et ne commence à être expérimenté qu’en 2019 pour les aidants de personnes handicapées. Le Défenseur des droits, en outre, souligne la nécessité de développer la formation des aidants.

Article 20 – Mobilité personnelle

Conformément à l’article 20 de la CIDPH, les États parties sont tenus de prendre des mesures efficaces pour assurer la mobilité personnelle des personnes handicapées, dans la plus grande autonomie possible. Il s’agit, audelà de l’accessibilité de la totalité de la chaîne de déplacement (v. § 19 et s.), de lever les différents obstacles qui limitent leur mobilité dans la vie quotidienne. Or, les saisines adressées au Défenseur des droits mettent en évidence de multiples entraves à la mobilité des personnes handicapées.

52. L’accès aux dispositifs de transports spécifiques

Des associations et collectifs de personnes en situation de handicap ont saisi le Défenseur des droits sur les difficultés résultant d’un recours contraint, pour les personnes handicapées, aux « transports à la demande » en lieu et place des « transports de substitution ». Alors que la loi du 11 février 2005 avait prévu la mise en place de transports de substitution pour pallier l’impossibilité technique avérée de mise en accessibilité des réseaux de transport collectifs existants, la loi n° 2015-988 du 5 août 2015, ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26

septembre 2014, est venue limiter l’obligation de créer des transports de substitution aux seuls cas où les arrêts identifiés comme prioritaires font l’objet d’une impossibilité technique de mise en accessibilité (article L. 1112-4 du code des transports). De ce fait, les autres points d’arrêts, non prioritaires, qui ne sont pas accessibles ne donnent plus lieu à une obligation de création de transports de substitution et obligent les personnes handicapées à recourir aux transports à la demande. Selon la loi, la tarification des transports de substitution doit être la même que celles des transports collectifs et leurs conditions d’accès identiques.

Ainsi, en principe, un transport de substitution ne doit pas entraîner de surcoût pour ses usagers et n’est a priori pas soumis à une obligation de réservation. Fonctionnant sur le même principe qu’un transport collectif, il doit être ouvert à toutes les personnes handicapées.

Les transports à la demande, quant à eux, visent à pallier l’absence de solutions de transports pour les personnes handicapées, y compris au moyen de transports de substitution, en offrant un service de « porte à porte ». Ils se développent à l’initiative des collectivités qui en définissent librement les conditions de réservation et de tarification. La collectivité limitrophe pouvant définir d’autres critères, les déplacements transversaux de l’une à l’autre se révèlent très complexes, voire impossibles : un transport à la demande peut être limité, par exemple, aux seuls résidents d’une agglomération.

Le Défenseur des droits constate une tendance des autorités organisatrices de transport (AOT) locales à utiliser les transports à la demande en lieu et place des transports de substitution qu’elles sont théoriquement tenues de mettre en place. Or, devoir y recourir pour assurer les déplacements quotidiens pose de nombreuses difficultés aux utilisateurs, en raison : des horaires et jours imposés non modifiables, de la durée supérieure des trajets et des retards liés au covoiturage, de l’obligation de réservation, des longues listes d’attente … autant de sujétions contraires aux exigences liées à une activité professionnelle et à une vie sociale sur la base de l’égalité avec les autres. En outre, il existe une atteinte à la vie privée des personnes handicapées au regard des critères d’admission aux services de transport à la demande. Pour octroyer ce service, certaines AOT imposent de justifier du motif du déplacement, des revenus, du type de handicap, voire, de se soumettre au passage devant une commission médicale.

Dans un avis au parlement sur le projet de loi d’orientation sur les mobilités (avis n° 19-05 du 25 février 2019), le Défenseur des droits a recommandé au législateur de clarifier les conditions de recours aux transports à la demande et de prévoir un encadrement des critères d’accès à ce type de transport. Mais ces recommandations n’ont été que partiellement entendues. En effet, la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a élargi la palette des solutions susceptibles d’être apportées par les AOT en introduisant, à côté des « transports de substitution », la possibilité de mettre en place des « mesures de substitution » de nature humaine, organisationnelle ou technique, sans pour autant ni les définir, ni clarifier l’articulation entre les différents dispositifs existants. Par ailleurs, la loi pose le principe du plein accès aux transports adaptés mais pour les seules personnes handicapées titulaires d’une carte mobilité inclusion (CMI) « mention invalidité », laissant ainsi la possibilité aux collectivités locales de fixer, pour les autres personnes handicapées, des conditions restrictives d’accès aux services (condition de résidence et passage devant une commission médicale locale).

53. L’accès des chiens d’assistance aux lieux ouverts au public

Les chiens guides d’aveugle ou d’assistance qui accompagnent une personne handicapée sont admis dans les transports, les lieux ouverts au public, ainsi qu’à ceux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative (article 88 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987). Leur en interdire l’accès est passible d’une amende allant de 150 à 450 € (art. R. 241-23 CCAS). Mais les policiers appelés ne se déplaçant pas, les infractions ne sont quasiment jamais verbalisées. Le Défenseur des droits est régulièrement saisi de tels refus depuis des années. En 2013, saisi par une réclamante atteinte de cécité, il a réalisé une opération de test de discrimination : sur 30 taxis testés, 13 n’acceptaient pas les chiens guides. Le Défenseur des droits avait alors recommandé aux acteurs du secteur de se mobiliser pour mettre fin sans délai à de telles pratiques.

Depuis, plusieurs enquêtes menées par des associations ont mis en évidence les difficultés rencontrées par les personnes handicapées pour accéder aux lieux recevant du public. En 2018, des témoignages sur ces phénomènes récurrents, relayés par les médias et des interpellations adressées par les parlementaires au gouvernement ont conduit ce dernier à annoncer un plan d’action et de communication pour faire cesser ces atteintes aux droits des personnes handicapées59. Ces travaux devaient voir une traduction opérationnelle en cours d’année 2019 mais n’ont toujours pas abouti.

54. Les atteintes au droit à la mobilité liées au forfait post-stationnement

Les personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement (carte mobilité inclusion mention « stationnement » ou carte européenne de stationnement) ouvrent droit, depuis 2015, à la gratuité du stationnement de leur véhicule. Cependant, depuis l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2018, de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles organisant la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant, les réclamations adressées au Défenseur des droits montrent que, en dépit de l’apposition de la carte sur le pare-brise de leur véhicule, de nombreuses personnes en situation de handicap se voient destinataires d’un avis de paiement de forfait de post-stationnement (FPS). Elles doivent alors engager des recours pour en contester le bienfondé. Or, la loi prévoit des conditions de recevabilité très strictes : pour contester les éventuelles erreurs de l’administration devant le juge, il faut d’abord s’acquitter du FPS. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme, à Paris, sur les 111 800 FPS contestés, 17 400 portent sur des FPS dressés à l’encontre de personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement. Le Défenseur des droits est intervenu auprès du législateur et du gouvernement pour dénoncer cette situation.

Dans son avis au Parlement sur le projet de loi d’orientation sur les mobilités (avis n° 19-05 du 25 février 2019) et dans son rapport La défaillance du forfait de poststationnement : rétablir les droits des usagers de janvier 2020, il constate, une nouvelle fois, que les personnes en situation de handicap sont parmi les laissés pour compte de cette réforme, de sorte que leur droit à la mobilité personnelle dans la plus grande autonomie possible s’en trouve aujourd’hui particulièrement compromis.

55. L’accès aux aides techniques à la mobilité

Il ressort de plusieurs rapports de l’IGAS60 que le système français n’est pas dépourvu d’aides financières destinées à l’acquisition, l’aménagement, la maintenance et le remplacement des aides techniques à la mobilité. Mais les « guichets » sont multiples, les procédures complexes, les mesures de compensation insuffisantes et le reste à charge souvent très lourd (v. § 48). De plus, la connaissance et la régulation des marchés sont insuffisantes, tant au niveau national qu’européen.

De l’aveu même du gouvernement : « En 2019, accéder à une aide technique adaptée à leur besoin relève d’un parcours du combattant pour un grand nombre de citoyens »61. Dans l’objectif de réduire le coût d’acquisition des fauteuils roulants, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a prévu, d’une part, une réforme de la procédure de prise en charge fondée sur un « référencement sélectif » de matériels (à partir de critères de qualité des produits et de conditions tarifaires) et, d’autre part, le remboursement des fauteuils roulant d’occasion remis en état. Mais ce dispositif suscite l’inquiétude de certaines associations qui considèrent qu’il aura pour effet de limiter le choix des fauteuils roulants, notamment pour les personnes ayant des besoins spécifiques. Parallèlement, une mission nationale a été mise en place, en décembre 2019, dans l’objectif d’améliorer l’accès et la qualité d’usage des aides techniques. Mais les mesures qui pourraient en découler et leur délai de mise en œuvre restent, dans le contexte actuel de la crise sanitaire, incertains alors que ces aides sont essentielles pour l’autonomie des personnes en situation de handicap.

Article 21 – Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information

Si, comme le mentionne le rapport de l’État, les personnes handicapées ont un droit à la liberté d’expression et d’opinion, au même titre que les autres, l’effectivité de ce droit comme celui d’accès à l’information et à la communication peut être largement entravée, en pratique, par le manque d’accessibilité des systèmes d’information et de communication mis à la disposition du public.

56. L’accessibilité des systèmes et technologies de l’information et de la communication

La Convention prévoit que lorsque des biens, produits ou services, y compris les systèmes et technologies de l’information et de la communication, sont offerts ou fournis au public, ils doivent être accessibles aux personnes handicapées.

La transition vers le numérique a vocation à offrir de nombreuses opportunités pour les personnes handicapées en matière de communication et d’accès à l’information. La dématérialisation des services publics peut, notamment, favoriser l’accès des personnes handicapées à leurs droits. Mais elle peut également constituer un obstacle majeur à l’accès aux droits dès lors que l’accessibilité des systèmes d’information et de communication n’est pas pleinement assurée et ce, dans un contexte de dématérialisation « à marche forcée » des démarches administratives engagée par le gouvernement, celui-ci ayant fixé un objectif de 100% de dématérialisation des services publics d’ici 2022. Les insuffisances de l’accessibilité des sites internet publics sont d’autant plus graves lorsqu’aucune alternative ne subsiste.

L’article 47 de la loi du 11 février 2005 introduit, conformément à la Convention, une obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne des « organismes du secteur public ». Toutefois, comme le reconnaît le rapport initial de l’État sous l’article 9, le bilan de ces mesures est extrêmement décevant et préoccupant, la grande majorité des sites restant inaccessibles et les sanctions prévues, dérisoires et jamais appliquées.

Dès lors, au vu de ces constats, le Défenseur des droits regrette, dans son rapport Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics, publié en janvier 2019, que l’État français ait fait le choix de n’opérer, par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 (art. 80), qu’une transposition a minima de la directive européenne du 26 octobre 201662 fixant les conditions minimales d’accessibilité que doivent remplir ces services. Le Défenseur des droits constate, en effet, que le dispositif prévu par la loi reste, à ce jour, peu contraignant, tant en termes d’obligations que de réalisation et de sanctions, et qu’il ne permet pas d’assurer aux personnes handicapées un accès effectif aux sites internet des services publics. Concernant les services gérés par le secteur privé, l’article 47 de la loi du 11 février 2005 prévoit que les obligations en matière d’accessibilité ne s’appliquent qu’aux grandes entreprises dont le chiffre d’affaires annuel excède un certain seuil, fixé à 250 millions d’euros par la règlementation. Ainsi, s’agissant du secteur public comme du secteur privé, l’État ne répond que très partiellement à ses engagements au titre de la Convention.

Dans son rapport L’accessibilité numérique, entre nécessité et opportunité : une obligation légale vis-à-vis des citoyens, un levier stratégique, publié en janvier 2020, le Conseil national du numérique (CNNum) partage les mêmes constats, considérant que l’accessibilité numérique des services publics « demeure l’exception et non la norme. Dans un contexte de dématérialisation de l’administration, les conséquences sont considérables pour l’accès aux droits des personnes en situation de handicap ». Pour améliorer cette situation, le CNNum propose plusieurs recommandations, parmi lesquelles : – la création d’une Délégation ministérielle de l’accessibilité numérique (DMAN) ; – la mise en place d’une plateforme en ligne de signalement à destination des usagers auprès de la DMAN, chargée du traitement et de la centralisation des plaintes ; la formation initiale et continue des professionnels du numérique à l’accessibilité numérique.

En ce qui concerne, par ailleurs, les services téléphoniques, le cadre légal et règlementaire existant reconnaît un droit d’accès des utilisateurs sourds, malentendants, sourdaveugles et aphasiques à ces services et définit les modalités à mettre en place pour en garantir l’accessibilité. Mais ce droit n’est pas effectif pour tous. Il en va ainsi, notamment, des personnes sourdaveugles et aphasiques. En effet, bien que les services de relais téléphoniques soient une obligation légale depuis le 8 octobre 2018 et que les conditions techniques de cette accessibilité soient aujourd’hui connues, aucun n’est à ce jour accessible aux utilisateurs sourdaveugles et aphasiques. Ce non-respect concerne aussi bien les télécommunications pour les particuliers, que pour les grandes entreprises et services publics. Il appartient à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de contrôler et de sanctionner les manquements à ces obligations. Mais aucune mesure n’apparaît avoir été prise pour remédier à cette situation.

57. Le choix des moyens de communication dans les relations avec les services publics

L’article 78 de la loi de 2005 prévoit que « dans leurs relations avec les services publics, qu’ils soient gérés par l’État, les collectivités territoriales ou un organisme les représentant, ainsi que par des personnes privées chargées d’une mission de service public, les personnes déficientes auditives bénéficient, à leur demande, d’une traduction écrite simultanée ou visuelle de toute information orale ou sonore les concernant selon des modalités et un délai fixé par voie règlementaire. Le dispositif de communication adapté peut notamment prévoir la transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété ». Toutefois, le décret d’application prévu par la loi n’a jamais été publié.

Certes, la Charte Marianne qui, depuis 2005, harmonise les conditions d’accueil dans les services publics, contient, dans sa réactualisation de 2016, un engagement spécifique sur l’accueil des personnes en situation de handicap et la formation des agents dédiés63. Par ailleurs, un guide, rédigé avec plusieurs associations de personnes handicapées, est mis à disposition des agents depuis 201464. Il détaille les différents moyens de communication utilisés : braille, langue des signes (LSF), facile à lire et à comprendre (FALC)… Pour autant, ici encore, des principes à la réalité, la distance est grande. Ainsi, les associations de personnes sourdes ou malentendantes observent que leurs adhérents doivent souvent recourir, à leurs frais, à l’assistance d’un interprète en langue des signes. Seuls quelques organismes, comme les caisses d’allocations familiales (CAF), proposent un service mutualisé d’accueil en LSF par visioconférence. L’utilisation du FALC reste très peu répandue, malgré quelques initiatives éparses. Quant à l’expression et à la communication des personnes polyhandicapées, la prise de conscience et les moyens (communication améliorée et alternative…) sont encore balbutiants.

58. L’accessibilité des médias

Les dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ont été successivement modifiées afin de définir les conditions d’accessibilité des programmes de télévision aux personnes sourdes ou malentendantes (loi du 11 février 2005) et aveugles ou malvoyantes (loi n°2009-258 du 5 mars 2009). Néanmoins, l’obligation d’accessibilité n’est que partielle. Sous-titrage et audiodescription doivent être mis à disposition des personnes aveugles ou malvoyantes, en particulier aux émissions de grande écoute. Les services de télévision dont l’audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % sont tenus d’adapter tous leurs programmes, à l’exception des messages publicitaires, de manière à les rendre accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Des dérogations peuvent cependant être accordées en fonction des caractéristiques de certains programmes.

Dans son rapport annuel sur L’accessibilité des programmes de télévision aux personnes handicapées et la représentation du handicap à l’antenne, rendu public en juillet 2019, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) relève une baisse des volumes annuels de programmes sous-titrés pour dix des onze chaînes ayant l’obligation de sous-titrer l’intégralité de leurs programmes et une baisse des volumes annuels de programmes audiodécrits inédits pour onze chaînes sur quatorze. Mais note que des efforts ont été réalisés par certains diffuseurs concernant la qualité des flux d’accessibilité ainsi que des progrès concernant l’accessibilité des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

Article 22 – Respect de la vie privée

Aux termes de la Convention, aucune personne handicapée, quel que soit son lieu de résidence ou son milieu de vie, ne peut être l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée. Il appartient, par ailleurs, aux États de protéger la confidentialité des informations personnelles les concernant. Le rapport de l’État se limite à l’énoncé des grands principes inscrits dans la loi, sans les confronter aux réalités vécues par les personnes handicapées. Pourtant, les personnes handicapées accueillies en établissement et service médico-social, les personnes handicapées psychiques ou placées sous régime de protection juridique sont surexposées à de tels risques.

59. Les atteintes aux droits à la vie privée des personnes vivant en institution

La vie privée des personnes handicapées vivant en établissement médico-social présente un risque accru d’immixtions arbitraires. Dans son rapport La protection juridique des majeurs vulnérables, publié en 2016, le Défenseur des droits constatait de graves atteintes à la vie privée : l’interdiction de sortir de l’établissement sans qu’aucune contre-indication médicale soit posée, de nombreuses limitations – voir interdiction complète – de visites ou encore la mise en place d’un système de vidéosurveillance dans la chambre du résident. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a également pu constater le développement de la surveillance en continu des chambres d’isolement. Dans nombre de ces situations, le Défenseur des droits déplore la carence des autorités de tutelles (Agences régionales de santé, conseils départementaux) en matière de contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes accueillies.

60. Les données à caractère personnel

Les établissements et services médicosociaux collectent, traitent, partagent et stockent chaque jour, sous format papier et numérique, un grand nombre de données concernant les personnes accueillies et accompagnées. S’il doit être strictement encadré, le partage des données personnelles des personnes accompagnées entre les professionnels est également essentiel pour assurer la qualité de leur accompagnement. De ce point de vue, il convient de souligner comme positive, l’adaptation de la législation française au nouveau cadre juridique européen65 (la loi n° 2018-493 du 20 juin 201866) qui est venue renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et adapter ses missions à la nouvelle logique de responsabilisation et d’accompagnement des acteurs traitant des données personnelles.

S’agissant des personnes placées en soins psychiatriques, le décret du 23 mai 201867 prévoit la mise en œuvre, par les Agences régionales de santé (ARS), de traitements de données à caractère personnel, dénommés « HOPSYWEB », ayant pour finalité le suivi des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement. La CNIL s’est interrogée, lors de l’examen du projet de décret, sur la durée de conservation de ces données (allongée à 3 ans), leurs destinataires (notamment les personnes habilitées par le ministre de la santé), l’absence de mention des conditions d’information des personnes concernées par le traitement, la sécurité des données et la traçabilité des actions68. Elle a formulé plusieurs recommandations au gouvernement qui n’ont pas été suivies d’effet. Par ailleurs, un décret du 6 mai 2019 autorise désormais explicitement la mise en relation entre les données enregistrées dans le fichier HOPSYWEB et celles du fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Plusieurs associations ont dénoncé, en vain, ce dispositif qui crée, selon elles, un amalgame entre personnes handicapées psychiques et terroristes.

La Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée69 rappelle, entre autres, la liberté des relations personnelles, le droit au respect des liens familiaux, à la protection du logement et des objets personnels. Les risques peuvent notamment venir du mandataire chargé de la mesure de protection, qui a accès à toutes les informations personnelles, par exemple sur la santé70 de la personne protégée.

Au vu de ces risques, la CNIL a adopté une délibération71 par laquelle elle rappelle que « ces données à caractère personnel ne peuvent être collectées et traitées que si elles sont strictement nécessaires aux finalités poursuivies par les traitements mis en œuvre (…) ».

Article 23 – Respect du domicile et de la famille

Aux termes de l’article 23 de la Convention, les États sont tenus de prendre les mesures efficaces et appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des personnes handicapées dans tout ce qui a trait au mariage, à la famille, à la fonction parentale et aux relations personnelles. Le rapport de l’État se concentre sur les prestations d’aide accordées aux parents d’enfants handicapés sans évoquer les droits attachés à la personne handicapée. Or, comme l’État le reconnait, le droit des personnes handicapées à avoir une vie de couple ou à fonder une famille se trouve, à bien des égards, entravé par les dispositifs en vigueur.

61. Le droit des majeurs protégés à avoir une vie de couple

Selon la Convention, le principe d’égalité suppose de reconnaître à toutes les personnes handicapées, à partir de l’âge nubile, le droit de se marier et de fonder une famille sur la base du libre et plein consentement des futurs époux. Or, jusqu’alors, le code civil français interdisait au majeur placé sous régime de protection (tutelle ou curatelle) de se marier ou de conclure un pacte civil de solidarité (Pacs), sans autorisation préalable, selon le cas, du curateur, du juge ou du conseil de famille. Idem en matière de divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage. En 2016, dans son rapport sur la Protection juridique des majeurs vulnérables, le Défenseur des droits a considéré que le code civil français était contraire à la Convention et a recommandé à l’État de modifier la législation. Les associations de personnes handicapées dénoncent aussi, depuis des années, ces atteintes aux droits. Tirant les conséquences de ces recommandations et jugeant « cette réalité inacceptable », le gouvernement a engagé en 2018 les réformes nécessaires, concrétisées par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Désormais, l’autorisation préalable est supprimée. La personne chargée de la protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur et peut s’y opposer dans les conditions de droit commun.

62. Les freins à une vie de couple liés aux conditions d’attribution de l’AAH

Lorsque le bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapées (AAH) est marié, vit en concubinage ou est lié par un pacte civil de solidarité (Pacs), les ressources de son conjoint sont prises en compte pour le calcul de l’allocation, l’ensemble des ressources du foyer ne devant pas dépasser un certain plafond. Au-delà, l’AAH n’est plus versée. Comme le souligne un rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale72, « la prise en compte des ressources du conjoint aboutit à des situations intolérables de dépendance financière pour les personnes concernées », contraires au droit à l’autonomie reconnu par la Convention. En effet, à la différence d’autres minima sociaux, l’AAH ne peut être considérée comme une allocation provisoire ou temporaire, eu égard à la durabilité et à l’irréversibilité de certaines situations de handicap. Or, cette situation de dépendance financière a été aggravée en 2018. Alors que le plafond applicable aux couples était auparavant majoré de 100%, il a été progressivement réduit pour n’être plus, depuis le 1er novembre 2019, majoré que de 80%. Selon le Défenseur des droits, cette réforme pénalise les personnes handicapées qui souhaitent fonder une famille et va à l’encontre des dispositions de l’article 23 de la Convention. Plusieurs propositions de lois envisageant la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l’AAH ont été déposées mais n’ont pas été suivies d’effet.

63. Le soutien à la parentalité des personnes handicapées

Cette question n’est pas réellement prise en compte en France. Même si, comme le rappelle le rapport de l’État, des initiatives ont été mises en œuvre, la prise en compte des besoins reste largement insuffisante et il n’existe pas de véritable politique de soutien à la parentalité. Par exemple, les besoins de compensation liés à l’éducation d’un enfant par un parent handicapé ne sont pas pris en compte au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH). De même, l’allocation versée au parent qui cesse ou réduit son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant (prestation partagée d’éducation de l’enfant – PRÉPARE –) n’est pas cumulable avec la pension d’invalidité accordée au titre du handicap du parent. Les associations de personnes handicapées réclament, depuis de nombreuses années, l’adoption de mesures en faveur de la parentalité des personnes handicapées. Elles semblent enfin avoir été entendues. La Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, présentée le 14 octobre 2019, a en effet prévu de développer le soutien à la parentalité pour les parents en situation de handicap en prenant en compte leurs besoins spécifiques dans les politiques publiques de soutien à la parentalité (suivi de grossesse adapté, accompagnement dans les gestes de la vie quotidienne, développement des services d’accompagnement à la parentalité). Par ailleurs, lors de la Conférence nationale du handicap du 11 février 2020 a été annoncée une réforme de la PCH, à horizon 2021, afin d’y intégrer la prise en compte des besoins spécifiques attachés à la parentalité.

64. Les insuffisances des allocations accordées aux parents d’enfants handicapés

Des prestations sont accordées aux parents afin de compenser les frais supplémentaires liés au handicap de leur enfant âgé de moins de 20 ans. Ils peuvent ainsi, au choix, bénéficier de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), composée d’un montant de base auquel s’ajoute éventuellement un complément qui varie en fonction de la nature et de la gravité du handicap, ou opter pour la prestation de compensation du handicap (PCH). Par ailleurs, les parents isolés qui assument seuls la charge d’un enfant handicapé ont droit à une majoration spécifique. Mais, comme le souligne un rapport de l’IGAS de juillet 201673, l’AEEH, bien que couvrant une large gamme de besoins, « ne répond pas de manière adéquate à toutes les situations et la diversité des modes de traitement des demandes engendre des inégalités (…). L’impression générale de la mission est que, bien qu’utile et légitime aux yeux des usagers, il [le dispositif] ne leur donne que partiellement satisfaction, laissant des familles sans réponse adaptée à leurs besoins, dont certaines de manière criante et injustifiée. Ce constat tient moins à la nature de l’AEEH qu’aux pratiques d’évaluation des situations et d’attributions des compléments et qu’aux difficultés observées pour articuler le service avec les autres prestations ». Parmi ces difficultés, la coexistence de la PCH avec l’AEEH. Les familles ont un « droit d’option » qui, en pratique, est tout sauf effectif, tant la comparaison entre les deux prestations est complexe. Complexité qui se traduit par les dossiers à remplir et une charge de travail disproportionnée pour les agents de la MDPH. De surcroît, la PCH enfant est inadaptée, car calquée sur celle des adultes. Enfin, on observe, à l’approche de l’âge adulte, des ruptures dans les aides conçues pour les enfants. Dans un objectif de simplification des démarches administratives, un décret du 27 décembre 2018 a prévu d’accorder l’AEEH de base jusqu’aux 20 ans de l’enfant pour ceux d’entre eux dont le taux d’incapacité est au moins égal à 80 % et dont le certificat médical ne mentionne pas de perspectives d’amélioration de son état (stabilité ou aggravation). Reste que cette mesure, qui ne concerne pas les compléments d’AEEH, s’en trouve de ce fait limitée dans sa portée.

65. Les entraves au maintien des liens familiaux liées à l’absence de réponses de proximité

La protection de la vie familiale passe aussi par le maintien des liens familiaux. En effet, le Comité des droits des personnes handicapées rappelle que « l’absence de soutien et de services à ancrage local peut engendrer des pressions et contraintes financières pour la famille de la personne handicapée ; les droits consacrés à l’article 23 sont essentiels pour éviter que les enfants soient retirés à leur famille et placés en institution, de même qu’ils sont essentiels pour aider les familles eu égard à la vie en société ». Or, nombreuses sont les personnes handicapées, parmi lesquelles des milliers d’enfants handicapés, placées dans des établissements médico-sociaux dans des lieux très éloignés du domicile familial faute de réponses adaptées à proximité, qui se trouvent de ce fait privées de véritable liens familiaux. En 2015, le juge administratif a reconnu, pour la première fois, le préjudice moral subi par un enfant autiste éloigné de sa famille en raison d’un placement en Belgique, et a condamné l’État à verser un dédommagement en réparation du préjudice subi du fait de sa carence dans la mise en œuvre des moyens nécessaires à une prise en charge adaptée (TA Paris, 1ère ch., 15 juill. 2015, n° 1416876/2-1).

L’inaccessibilité des établissements pénitentiaires (v. § 20) a également des répercussions négatives sur le maintien des liens familiaux des personnes handicapées. Faute d’établissement accessible à proximité, les personnes handicapées incarcérées se voient transférées dans un lieu éloigné du domicile familial, ce qui limite, en pratique, les possibilités de visites par les proches. Le problème de l’inaccessibilité de certains parloirs empêche également les personnes handicapées de rendre visite à un proche incarcéré.

66. La situation des personnes handicapées d’origine étrangère bénéficiaires de l’AAH

Les conditions d’accès au regroupement familial sont prévues par l’article L. 411-5 du CESEDA. L’étranger doit notamment justifier de ressources stables et suffisantes d’un montant au moins égal au SMIC. Pendant longtemps, cette exigence a exclu de facto les bénéficiaires de l’AAH, son montant étant inférieur au SMIC. Mais depuis la loi n° 2016274 du 7 mars 2016, les bénéficiaires de l’AAH sont exonérés de cette condition de ressources, quel que soit leur taux d’incapacité (jusqu’à cette loi, seuls les bénéficiaires de l’AAH justifiant d’un taux d’incapacité d’au moins 80 % étaient concernés). Cette évolution est le résultat d’actions soutenues, pendant une dizaine d’années, par le Défenseur des droits et les associations représentatives devant les juridictions afin de faire reconnaître la discrimination. Toutefois, les étrangers qui ne relèvent pas du CESEDA mais d’accords bilatéraux, tel que l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, sont toujours tenus de justifier d’un taux d’incapacité au moins égal à 80 % pour pouvoir ouvrir droit au regroupement familial. Cette discrimination est régulièrement dénoncée par le Défenseur des droits.

Le Défenseur des droits est également saisi de nombreux refus de visas court séjour pour visite familiale ou privée. En effet, la délivrance de ce titre suppose, pour la personne étrangère qui souhaite venir en France, de présenter un justificatif d’hébergement, appelé attestation d’accueil. Ce document, établi par la personne qui l’accueillera à son domicile lors de son séjour, est délivré par la mairie sous certaines conditions, notamment, l’engagement de l’hébergeant à subvenir aux frais de séjour de l’étranger. Or, certaines mairies excluent les prestations sociales, et notamment l’AAH, dans le calcul des ressources prises en compte pour délivrer une attestation d’accueil. Le Défenseur des droits considère cette pratique comme illégale et constitutive d’une discrimination en raison du handicap car elle prive la personne bénéficiaire de l’AAH de toute possibilité d’obtenir, en qualité d’hébergeant, une attestation d’accueil et, ce faisant, de son droit à une vie familiale à égalité avec les autres.

Article 24 – Éducation

Il est indéniable, comme l’indique le rapport de l’État, que l’accès à la scolarisation et à l’enseignement des élèves handicapés n’a cessé de progresser ces dernières années en France. Ce bilan, bien que globalement positif, est toutefois à nuancer au regard de difficultés persistantes rencontrées par certains élèves handicapés. Le Défenseur des droits reçoit de nombreuses réclamations sur les atteintes aux droits des enfants en situation de handicap à bénéficier d’une éducation inclusive, le cas échéant aux moyens d’aménagements de leur scolarité, et plus généralement à obtenir des réponses adaptées à leurs besoins74. Ces constats sont corroborés par une récente commission d’enquête parlementaire sur l’inclusion des élèves handicapés75.

67. Le droit à l’éducation pour tous

L’égal accès à l’instruction, garanti par la Constitution française, est rappelé dans le code de l’éducation en ces termes : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun ». Dès 1975, la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées a reconnu l’obligation éducative pour les enfants et adolescents handicapés. Mais, c’est la loi du 11 février 2005 qui a donné une véritable impulsion à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire en prévoyant, notamment, que tout enfant ou adolescent handicapé est, de droit, inscrit dans l’école ou l’établissement d’enseignement le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence. Ainsi, chaque école, chaque collège ou lycée a vocation à accueillir, sans discrimination, les élèves handicapés, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond à leurs besoins. Cet objectif a été réaffirmé par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République qui inscrit, dans le code de l’éducation, le principe selon lequel le service public de l’éducation nationale veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction. Puis, plus récemment, par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance qui prévoit diverses mesures pour « le renforcement de l’école inclusive ».

L’impulsion en faveur de l’école inclusive se reflète dans les statistiques. À la rentrée scolaire 2005-2006, 151 500 enfants et adolescents handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire. Ils étaient environ 360 000 à la rentrée 2019-2020 à être scolarisés dans les établissements publics et privés de l’éducation nationale. Parallèlement, le nombre d’élèves scolarisés en établissement médico-social, de l’ordre de 70 000, reste relativement stable. Toutefois, comme le reconnaît le rapport de l’État, plusieurs milliers d’enfants, notamment polyhandicapés, ne sont pas scolarisés, ou bien ne le sont qu’à temps partiel. Il convient, sur ce point, de souligner que leur nombre exact reste à ce jour inconnu en raison de l’absence de système d’information de suivi des décisions d’orientation prises par les maisons départementales des personnes handicapées (v. art. 31).

L’État se fixe comme objectif pour le quinquennat 2017-2022 de créer 250 unités locales d’inclusion scolaire (ULIS) supplémentaires en lycée, de doubler le nombre des unités d’enseignement externalisées au sein de l’école (UEE), de créer 180 unités d’enseignement en maternelle pour l’autisme (UEMA) et 45 unités d’enseignement élémentaire « troubles du spectre autistique » (TSA). Mais, selon un rapport parlementaire (v. § 68), cela resterait en deçà des besoins réels. En effet, un récent rapport de l’IGAS, de l’IGEN et de l’IGAENR (v. § 68) établit que, sur la base du scénario d’augmentation annuelle de 7 % d’élèves en ULIS de 2018 à 2022, ce n’est pas 50 ouvertures supplémentaires qu’il faudrait chaque année, mais « 240 ULIS par an en moyenne », soit près de cinq fois plus que ce qu’envisage le gouvernement. En outre, ces unités sont de plus en plus confrontées à la prise en charge de situations de handicaps sévères, en raison notamment d’attentes de scolarisation en établissement médico-social spécialisé.

68. Les lacunes en matière d’accompagnement humain des élèves handicapés

Le nombre d’accompagnants auprès des élèves handicapés n’a cessé de croître ces dernières années pour répondre à des besoins en constante augmentation. Selon le ministère de l’éducation nationale, 200 000 enfants sont accompagnés aujourd’hui par des AESH, contre 26 000 en 2006. Sur l’année scolaire 2018-2019, 10 900 nouveaux emplois d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ont été créés, dont 6 400 accompagnants au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés en AESH et 4 500 recrutements directs supplémentaires d’AESH par les établissements. Pour 2019-2020, la loi de finances a prévu le financement de 12 400 nouveaux emplois d’AESH, dont 6 400 accompagnants supplémentaires au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés en AESH et 6 000 AESH supplémentaires financés au cours de l’année 2019 (1 500 recrutés en fin d’année 2018 et 4 500 recrutés en 2019) ; l’objectif annoncé par le gouvernement étant la création directe de 22 500 postes d’AESH à échéance 2022-2023.

Selon un rapport parlementaire76, outre la progression du nombre de reconnaissances de situation de handicap, la progression du recours à l’accompagnement humain est lié à deux facteurs : – d’une part, l’augmentation du nombre d’élèves handicapés qui poursuivent leurs études dans le second degré. En effet, pour ce qui est de la scolarisation en milieu ordinaire, elle a progressé de 66 % (de 96 300 élèves en 2004 à 160 000 en 2015) dans le premier degré et de 217 % (soit un triplement) dans le second degré (de 37 442 élèves en 2004 à 118 935 en 2015) ; – d’autre part, l’aide humaine pallie parfois les défaillances des réponses institutionnelles aux objectifs de l’inclusion scolaire. Selon un rapport conjoint des inspections générales des affaires sociales (IGAS), de l’éducation nationale (IGEN) et de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR)77, « cet accompagnement est devenu la réponse principale en faveur de l’inclusion des élèves en situation de handicap.

De fait, la scolarisation en classe ordinaire s’effectue en grande partie grâce à l’accompagnement humain qui concerne près des trois quarts des élèves du 1er degré et plus de 40 % des élèves du 2nd degré ». Ce constat est préoccupant car le principe de l’école inclusive impose également à l’école de s’adapter (formation des enseignants, aménagement de la scolarité, …), l’accompagnement humain ne devant pas être la seule réponse à l’inclusion des élèves handicapés.

En dépit de cette progression constante, nombre de situations traitées par le Défenseur des droits révèlent une absence de réponse aux besoins d’accompagnement des élèves en situation de handicap en milieu ordinaire, faute d’accompagnants, de nature à compromettre gravement, dans certains cas, la poursuite de leur scolarité. Le Défenseur des droits constate ainsi des difficultés récurrentes, lors de chaque rentrée scolaire, à recruter du personnel qualifié sur des postes considérés comme peu attractifs (temps partiels, niveau des rémunérations, …). Et la pénurie d’accompagnants s’est une nouvelle fois confirmée à la rentrée 2019 malgré l’adoption, dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, de plusieurs mesures destinées à sécuriser le statut des AESH et à asseoir leurs missions (durée du contrat initial, formation continue, place de l’AESH dans la mise en œuvre des adaptations et aménagements pédagogiques, mission d’appui référent de l’AESH) et le déploiement de pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) dont l’objectif est « la coordination des moyens d’accompagnement humains au sein des écoles et établissements scolaires » sur les temps scolaire et périscolaire.

69. Les lacunes en matière d’aménagement de la scolarité et d’aménagement des examens

Si, de manière générale, le Défenseur des droits se félicite de l’existence d’un dispositif relativement bien pensé, complet et précis, permettant de rétablir l’égalité des chances pour les élèves en situation de handicap, il note toutefois, dans le cadre des saisines qui lui sont adressées, des difficultés de mise en œuvre de ces aménagements, traduisant, le plus souvent, une méconnaissance du handicap chez les personnels de l’enseignement. En 2018, dans une douzaine de décisions et de nombreux règlements amiables, le Défenseur des droits a rappelé l’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap de l’enfant et, ce faisant, l’obligation faite aux différents acteurs de mettre en place des aménagements raisonnables, en évaluant au cas par cas, les besoins spécifiques de l’enfant. Le Défenseur des droits a notamment adressé des recommandations à un proviseur de lycée professionnel (décision n° 2018-035 du 26 février 2018), des chefs d’établissements scolaires privés sous contrat avec l’État et des directeurs diocésains (décisions n° 2018046 26 février 2018 et n° 2018-228 du 10 décembre 2018) ou encore un responsable de centre de formation des apprentis (décision n° 2018-231 du 12 septembre 2018).

Le Défenseur des droits constate, par ailleurs, un écart entre les aménagements accordés dans le cadre de la scolarité et ceux accordés dans le cadre des examens. Il est, sur ce point, plus particulièrement saisi de difficultés rencontrées par les enfants présentant un trouble du neurodéveloppement (« dys », trouble du comportement, autisme), bénéficiant d’un projet d’accompagnement personnalisé (PAP), qui se voient refuser des aménagements d’examens au motif qu’ils ne relèvent pas d’une orientation MDPH. Or, légalement, un enfant répondant à la définition du handicap (comme c’est le cas des enfants présentant un trouble du neurodéveloppement), mais n’ayant pas fait l’objet d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS), ne peut être exclu du dispositif d’aménagement des examens.

En outre, la complexité de la procédure d’aménagement des examens, menée parfois tardivement par défaut d’information des parents, ne permet pas toujours de mettre en place les aménagements et d’exercer les recours de manière utile avant le déroulement des épreuves contre des refus d’aménagements arbitraires. Le Défenseur des droits préconise de rendre systématique (sans nécessiter une demande expresse des familles) l’évaluation des besoins d’aménagement des examens pour les enfants en situation de handicap qui justifient, par ailleurs, d’un besoin d’aménagement de leur scolarité.

Les saisines adressées au Défenseur des droits traduisent, par ailleurs, très souvent un manque de formation et d’accompagnement des professionnels de l’éducation et de sensibilisation des organisateurs des examens et des jurys à la philosophie générale de ce dispositif, visant non pas à attribuer un avantage mais à rétablir l’égalité, et donnant lieu à des suspicions envers l’élève handicapé.

70. L’accès à l’enseignement supérieur

Comme le précise le rapport de l’État, l’accès aux études supérieures des élèves handicapés n’a cessé de progresser depuis la loi du 11 février 2005. Il augmente, en moyenne, de 13,5 % chaque année depuis la rentrée 2006. Selon une étude de la DARES de 2015, 49% des personnes handicapées sont sans diplôme ou ne possèdent que le BEPC, contre 28% de la population générale, 25% détiennent le bac, un brevet professionnel ou plus, contre 49% de la population totale. La hausse des effectifs est surtout manifeste en université, principalement au niveau licence, peu d’étudiants handicapés allant jusqu’au master.

Ces avancées ne doivent toutefois pas masquer la persistance de difficultés. Comme le souligne la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, dans son rapport pour 2017, les étudiants handicapés, plus encore que les étudiants valides, se heurtent de plein fouet à la rupture entre le monde scolaire et celui de l’enseignement supérieur. Ils rencontrent de multiples obstacles. Ils se voient opposer des refus d’aménagement d’examens (par exemple le recours à un logiciel de traitement de texte avec correcteur d’orthographe pour un étudiant « dys ») et ne bénéficient plus, à l’université, de l’accompagnement humain accordé dans le secondaire, alors que l’article L. 917-1 du code de l’éducation prévoit la possibilité de recruter des AESH auprès des étudiants pour lesquels une aide a été reconnue nécessaire par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées.

Par ailleurs, la prise en compte de la situation particulière des personnes handicapées, s’agissant des difficultés auxquelles elles peuvent être confrontées dans le cadre du processus d’orientation, suppose une vigilance constante, comme a pu le révéler la mise en place de la procédure de préinscription pour l’accès aux formations initiales de l’enseignement supérieur (Parcoursup), instituée par la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (loi Ore). Alerté par les associations sur les conséquences préjudiciables de ce nouveau dispositif pour les personnes handicapées, le Défenseur des droits s’est saisi d’office de cette question et a formulé des recommandations au gouvernement afin que des ajustements soient apportés à la procédure dans la perspective de sa reconduction (décision n° 2018-323 du 21 décembre 2018).

Article 25 – Santé

La Convention pose le principe selon lequel « les personnes handicapées ont le droit de jouir du meilleur état de santé possible sans discrimination fondée sur le handicap » et enjoint aux États de prendre les mesures appropriées pour leur garantir l’accès aux services de santé sur la base de l’égalité avec les autres. S’il est vrai, comme le rappelle le rapport initial de l’État, que des mesures ont été prises ces dernières années pour favoriser l’accès des personnes handicapées à la prévention et aux soins, de nombreux obstacles subsistent.

71. L’accès des personnes handicapées aux soins courants

Comme le reconnaît l’État, les personnes handicapées rencontrent de nombreuses difficultés pour accéder aux soins courants. L’une des difficultés récurrentes est celle de l’inaccessibilité des lieux de soins aux personnes handicapées, situation qui s’est aggravée depuis la réforme de 2015 relative à l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP). En effet, contrairement à ce que soutient l’État, la « mise aux normes d’accessibilité » n’est pas opposable aux ERP situés dans les copropriétés (v. § 20). Or, de nombreux cabinets médicaux sont implantés dans ces bâtiments. Par ailleurs, les difficultés liées à l’absence de mise en place de moyens adaptés pour répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées (équipements adaptés, temps supplémentaire d’accueil et d’information, formation des professionnels), signalées dans le rapport de l’État, restent d’actualité. Notons, sur ce point, comme positive, bien que tardive, la mesure annoncée au Comité interministériel du handicap de 2018 consistant à intégrer un module « Handicap » dans la formation initiale des médecins.

S’y ajoutent des difficultés liées au non recours aux soins en raison de la méconnaissance des dispositifs de prise en charge, comme la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), de la complexité des démarches administratives mais surtout de l’existence de restes à charge potentiellement importants sur certains soins courants, comme en atteste un rapport, paru en 2018, sur L’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité78. Selon ce rapport, les personnes en situation de handicap ou de précarité sont beaucoup plus exposées aux maladies psychiatriques, au diabète, aux maladies cardio-vasculaires. La fréquence des maladies psychiatriques est par exemple 2,1 fois plus élevée pour les bénéficiaires de la CMU-C que pour les autres assurés du régime général. Elle est 6,2 fois plus élevée pour les bénéficiaires de l’ACS. Pour le diabète, le risque est deux fois plus élevé que pour le reste de la population. L’étude montre de surcroît que la fréquence plus élevée des pathologies au sein des bénéficiaires de l’ACS se concentre sur les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou d’une prestation d’invalidité. En outre, l’espérance de vie des personnes vivant avec des troubles psychiques est écourtée de 10 à 20 ans par rapport à la population générale, et leur taux de mortalité est trois à cinq fois supérieur (OMS, 2015). Les maladies cardiovasculaires et celles liées au tabac représentent les principales causes de leur décès. Par exemple, une personne pour laquelle un diagnostic de schizophrénie ou de troubles bipolaires a été établi aurait 2 à 3 fois plus de risques de mourir d’une maladie cardiovasculaire que la population générale. En outre, le rapport souligne que « Malgré ces constats alarmants sur l’état de santé des personnes en situation de handicap, les bases de données de l’assurance maladie ne permettent pas d’identifier de façon directe et exhaustive l’ensemble des personnes concernées ».

Dans un objectif de simplification et pour limiter les renoncements aux soins, le gouvernement a annoncé, qu’à compter du 1er novembre 2019, la CMU-C sera étendue aux personnes handicapées, aujourd’hui éligibles à l’ACS. Elle restera gratuite jusqu’aux plafonds de ressources de la CMU-C (soit environ 734 euros mensuels pour une personne seule) et soumise à une participation financière réduite, selon l’âge du bénéficiaire, jusqu’au plafond de l’ACS (qui est de 991 euros mensuels). Selon le gouvernement « cet élargissement du public éligible à la CMU-C assurera à ses bénéficiaires la prise en charge complémentaire de la totalité des frais pour un panier de soins élargi (…) ce sera le cas pour les fauteuils roulants, les sondes ou les pansements. Cette extension va donc limiter les renoncements aux soins ».

72. L’accès aux soins des personnes handicapées accueillies en établissement ou service médicosocial

Le rapport initial de l’État n’évoque pas la problématique du « panier de soins » applicable aux établissements et services médico-sociaux (ESMS) pourtant source de difficultés majeures dans l’accès aux soins des personnes handicapées accueillies dans ces structures. Selon le rapport de juillet 2018, précité (§ 71) : « La clarification du panier de soins des établissements sanitaires et médicaux sociaux est indispensable. La situation actuelle qui perdure n’est pas acceptable. L’impact est majeur sur le parcours des personnes. (…). Le contenu réel des services et activités financés par l’enveloppe soin dans le budget des établissements médico-sociaux n’est pas clair et source de nombreuses polémiques ».

Le Défenseur des droits a ainsi été saisi de plusieurs réclamations émanant de parents confrontés à des difficultés pour la prise en charge des soins complémentaires de leurs enfants en situation de handicap accueillis en services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), en centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) et en centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP). Ces services sont financés dans le cadre d’une dotation globale ou d’un prix de journée par l’assurance maladie, afin de leur permettre d’assurer les soins liés à leur mission. Ce budget a vocation à couvrir les interventions des praticiens salariés de la structure mais aussi celles des praticiens libéraux extérieurs avec lesquels une convention a été passée ainsi que les frais de transports associés à cette externalisation des soins. Toutefois, les besoins de soins des enfants pris en charge peuvent justifier le recours à d’autres professionnels de santé. Or, certaines caisses d’assurance maladie refusent d’accorder cette prise en charge, considérant que les budgets des structures doivent permettre d’assumer cette dépense. En l’absence de remboursement, ces frais sont supportés par les familles. Le Défenseur des droits a recommandé au gouvernement de prendre toutes les mesures pérennes de nature à remédier aux difficultés rencontrées par ces familles. Un premier pas, dans ce sens, a été franchi par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (L. n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, article 56) qui prévoit, à titre expérimental, la création d’un « forfait santé » dans les ESMS, à compter du 1er juillet 2020, dont seraient désormais exclus les soins médicaux relevant de la maladie, liés ou non au handicap.

73. L’accès aux soins des personnes handicapées détenues en établissement pénitentiaire

Il convient également de souligner les carences dans l’accès aux soins des personnes handicapées détenues en établissement pénitentiaire. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), au fil de ses rapports, pointe ainsi les graves défaillances relatives à l’accès aux soins psychiatriques des détenus et dénonce, notamment, les concernant, l’état d’abandon dans lequel ils se trouvent, enfermés sans soin en cellule, ou encore, la surmédicalisation, administrée dans un souci de sécurité plutôt que de santé. Le Comité contre la torture (CAT), dans ses Observations finales concernant le 7e rapport périodique de la France (10 juin 2016), s’est également montré préoccupé par les conditions d’accès aux soins psychiatriques dans les prisons. Il s’agit plus particulièrement de : – l’insuffisance de l’offre, du manque de personnel médical psychiatrique dans les unités de soins des établissements pénitentiaires ; – du recours fréquent à l’isolement des détenus présentant des pathologies psychiatriques ; – des conditions matérielles inadéquates de leur détention ; – du placement en chambres d’isolement et de contention lorsqu’ils sont transférés dans les hôpitaux de rattachement. Par ailleurs, la France a été condamnée par la CEDH pour avoir failli durant plusieurs années à permettre au requérant, paraplégique, de bénéficier des séances quotidiennes de kinésithérapie recommandées par les médecins (CEDH, Helhal c. France, 19 février 2015).

74. Les refus de soins discriminatoires

Le cadre juridique sanctionnant les refus de soins discriminatoires a évolué en 2016. En effet, jusqu’à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, ces discriminations n’étaient couvertes que par le code pénal, ce qui avait pour effet de priver les personnes handicapées de possibilités d’actions efficaces en cas de refus de soins lié au handicap en raison des difficultés à apporter la preuve de la discrimination. Désormais, la loi prévoit une action civile contre toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur le handicap, en matière de santé (v. § 5). Cette voie de recours, qui reconnaît les discriminations indirectes, apparaît particulièrement adaptée pour prendre en compte les situations de discriminations dont sont victimes les personnes handicapées dans ce domaine. Au vu des réclamations adressées au Défenseur des droits, rares sont en effet les refus de soins intentionnels directement fondés sur le handicap ou, en tout cas, exprimés comme tels. Plus courants sont, en revanche, les refus liés au bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) et de l’aide médicale de l’État (AME).

En décembre 2016, le Défenseur des droits a ouvert une enquête sur les difficultés d’accès aux soins pour les bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME en raison de mentions discriminatoires sur des sites de prise de rendez-vous médicaux en ligne. Observées sur les profils de professionnels de santé, ces mentions imposaient pour ces bénéficiaires des conditions spécifiques pour la prise de rendez-vous et pour la consultation (horaires limités, demande d’un nombre plus important de justificatifs administratifs, etc.) ou exprimaient un refus direct de prise en charge. Au terme de son enquête menée auprès de plusieurs médecins et de deux exploitants de plateformes de prise de rendez-vous en ligne, le Défenseur des droits a constaté un encadrement légal insuffisant du fonctionnement de ces plateformes. Dans une décision-cadre (n° 2018-269 du 22 novembre 2018), il souligne le caractère discriminatoire et/ou stigmatisant de toutes les mentions visant expressément les bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME et condamne les refus de soins dont ils sont victimes ; il recommande aux plateformes de respecter le principe de non-discrimination afin d’éviter les refus de soins discriminatoires directs ou indirects via les profils des professionnels de santé ; il a recommandé aussi la mise en place d’un contrôle des informations mises en ligne et une possibilité de signalement pour les utilisateurs en cas de refus de soins.

Article 26 – Adaptation et réadaptation

En France, de nombreux dispositifs spécifiques visent, au sens de la Convention, à « permettre aux personnes handicapées d’atteindre et de conserver le maximum d’autonomie, de réaliser pleinement leur potentiel physique, mental, social et professionnel et de parvenir à la pleine intégration et à la pleine participation à tous les aspects de la vie ».

Dans ce domaine, comme dans d’autres, les principales difficultés résident dans la lisibilité des différents dispositifs existants et leur effectivité ainsi que dans le respect des droits fondamentaux des personnes handicapées.

75. La formation et la réadaptation professionnelles des personnes handicapées

Le faible niveau de qualification des personnes handicapées représente, comme le mentionne le rapport de l’État (sous l’article 27), le principal frein à leur accès et à leur maintien dans l’emploi. Elles se voient, le plus souvent, cantonnées à des emplois sous qualifiés. Dans un contexte d’évolution permanente des métiers et du marché du travail, la formation professionnelle des personnes handicapées tout au long de la vie apparaît donc comme un enjeu majeur. Plusieurs dispositifs contribuent à répondre à cet objectif.

Aux termes de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (art. L. 6112-3 du code du travail), les personnes handicapées bénéficiaires de l’obligation d’emploi « ont accès à l’ensemble des dispositifs de formation dans le respect du principe d’égalité de traitement, en prenant les mesures appropriées. Elles bénéficient, le cas échéant, d’actions spécifiques de formation ayant pour objet de permettre leur insertion ou leur réinsertion professionnelle ainsi que leur maintien dans l’emploi, de favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle et de contribuer au développement économique et culturel et à la promotion sociale ». Mais les réclamations adressées au Défenseur des droits montrent que les personnes handicapées rencontrent, en pratique, certaines difficultés pour accéder aux formations « de droit commun », liées notamment : – au défaut de procédure d’évaluation objective de l’aptitude des personnes handicapées à suivre la formation (décision n° 2018-112 du 11 mai 2018) ; – à l’absence d’évaluation ou à l’évaluation tardive des besoins d’aménagements de la personne handicapée pour suivre la formation ; – au refus de l’organisme de formation de prendre les mesures appropriées nécessaires au suivi de la formation (décision n° 2017-055 du 3 mars 2017).

Notons également l’existence d’un réseau de réadaptation professionnelle – constitué des centres de pré-orientation (CPO), des centres de réadaptation professionnelle (CRP) et des UEROS destinés aux personnes cérébrolésées (AVC, traumatisme crânien) – destiné à accompagner la reconversion professionnelle des personnes en situation de handicap qui ne peuvent plus exercer leur ancien métier en raison d’une maladie ou d’un accident. Des rapports récents79 recommandent une révision de leur cadre d’intervention afin qu’ils soient mieux coordonnés avec la formation professionnelle de droit commun et les nouvelles mesures d’accompagnement à l’emploi. Sont également pointés le fort besoin de CPO (seuls la moitié des départements français en sont pourvus), les longs délais d’attente pour l’accueil en CRP, leur inadéquation avec certains handicaps mais aussi certains secteurs du marché du travail.

La loi « Avenir professionnel », du 5 septembre 2018, a prévu plusieurs mesures destinées à aménager les dispositifs de droit commun afin de tenir compte de la situation particulière des travailleurs handicapés en matière de formation professionnelle, et notamment : la majoration du compte personnel de formation (CPF), l’aménagement du dispositif CPF pour les travailleurs handicapés en ESAT, une dérogation à la condition d’ancienneté pour accéder au CPF de transition, la reconnaissance des compétences acquises par les élèves et étudiants handicapés ayant suivi une formation professionnelle ou technologique par la délivrance d’une attestation de compétences, l’aménagement du dispositif de l’apprentissage et, dans ce cadre, des missions des centres de formation par l’apprentissage afin de prendre en compte les besoins d’accompagnement particuliers des apprentis en situation de handicap. Si ces mesures vont dans le bon sens, il est encore trop tôt pour pouvoir en apprécier l’efficacité.

76. Les établissements et services d’aide par le travail (ESAT)

Comme le rappelle le rapport initial de l’État, sous l’article 27, les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) sont très développés sur le territoire national80. Ils constituent une véritable opportunité d’insertion professionnelle pour plusieurs milliers de personnes handicapées dont la capacité de travail réduite ne leur permet pas de travailler en milieu ordinaire, en leur offrant des possibilités d’activités diverses à caractère professionnel, ainsi qu’un soutien médico-social et éducatif, en vue de favoriser leur épanouissement personnel et social. Ces structures se caractérisent par leur statut hybride lié, d’une part, à leur vocation médicosociale, réaffirmée par la loi du 11 février 2005, et d’autre part, à leur activité économique, de production de biens et services marchands. Des rapports parlementaires81 ont mis en évidence les difficultés des ESAT à concilier leur vocation première d’accompagnement médico-social des travailleurs handicapés avec les contraintes structurelles, économiques et budgétaires auxquelles ils doivent faire face.

En effet, les dotations qui leur sont accordées ne leur permettent pas toujours de faire face à l’augmentation des charges liées, notamment, à la nécessaire adaptation de leurs activités et de leurs outils de production pour répondre à la concurrence. Cette situation a pour effet de conduire les ESAT à des orientations de gestion fondées sur des exigences de productivité et de compétitivité pouvant se révéler contraires aux droits fondamentaux des travailleurs handicapés accueillis. Le Défenseur des droits a ainsi été saisi de la décision prise par un ESAT de baisser unilatéralement, pour des raisons économiques, sa participation financière à la part de rémunération garantie accordée aux travailleurs handicapés (décision n° 2019220 du 18 septembre 2019). Si les personnes handicapées accueillies en ESAT ont le statut d’usager d’établissement et service médico-social, elles doivent néanmoins être considérées comme des travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, comme l’ont rappelé la CJUE (arrêt Fenoll c/ APEI d’Avignon, 26 mars 2015, n° C-316/13) et la Cour de cassation (Cass. soc., 16 déc. 2015, n° 11-22376). Il appartient, dès lors à l’État, conformément à l’article 27 de la Convention, de prendre les mesures appropriées pour leur garantir la même protection qu’aux autres travailleurs. Or, la situation portée à la connaissance du Défenseur des droits a permis d’identifier plusieurs carences : – l’absence de critères de fixation de la rémunération garantie, celle-ci relevant, pour la part qui lui revient, de la seule responsabilité de l’ESAT qui n’est contraint par aucun barème ; – la faculté donnée aux Agences régionales de santé de contrôler la politique de rémunération garantie des ESAT à l’occasion de l’examen de leur rapport d’activité est, de l’aveu même du secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, peu utilisée en pratique. Par conséquent, la rémunération minimum garantie devient la variable d’ajustement de la santé économique de l’ESAT au détriment des travailleurs handicapés.

Par ailleurs, comme le rappelle le rapport de l’État, les ESAT doivent favoriser, autant que possible, l’accès des personnes handicapées au milieu ordinaire de travail. Mais, selon un rapport IGAS/IGF sur Les établissements et services d’aides par le travail (ESAT), publié en octobre 2019, le passage des travailleurs d’ESAT vers le milieu ordinaire de travail ne concerne que 500 personnes par an, soit un taux de sortie de 0,47% représentant, en moyenne, 1 à 2 personnes par an et par ESAT. Selon la mission, l’augmentation du taux de sortie vers le milieu ordinaire supposerait la levée préalable d’une série de freins financiers, psychologiques et juridiques.

Mais, comme le souligne la mission, « la sortie vers le milieu ordinaire n’est pas la seule aune à laquelle doit être mesurée la contribution des ESAT à l’inclusion des travailleurs handicapés » et il importe d’appréhender les ESAT « comme ayant une double fonction : espace de transition pour les uns et lieu pérenne d’accueil pour les autres ».

Article 27 – Travail et emploi

La Convention reconnaît aux personnes handicapées le droit de travailler sur la base de l’égalité avec les autres. En France, l’emploi des personnes handicapées constitue, depuis de nombreuses années, un axe majeur des politiques du handicap. Pourtant, dans un contexte d’emploi globalement dégradé, leur situation s’avère particulièrement préoccupante : taux de chômage deux fois supérieur à celui de l’ensemble de la population active, durée de chômage plus longue, taux de retour à l’emploi plus faible, … Mais les indicateurs de taux d’activité, d’emploi et de chômage des personnes en situation de handicap, mentionnés dans le rapport initial de l’État, ne sauraient constituer à eux seuls des données suffisantes pour apprécier la situation de l’emploi des personnes handicapées. Les réclamations adressées au Défenseur des droits montrent, en effet, qu’elles sont, plus que les autres, confrontées à de multiples obstacles, liés notamment aux préjugés sur leur niveau de compétences, à la discrimination et aux réticences des employeurs à prévoir des aménagements raisonnables.

77. L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés : un dispositif nécessaire mais pas suffisant

Selon le rapport initial de l’État, la réponse à « la pleine égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées », en matière d’emploi, repose sur des mesures d’action positive spécifiques et, en particulier, sur l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), instituée par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987. Celle-ci impose aux employeurs des secteurs privé et public, dont l’effectif est au moins égal à 20 équivalents temps plein (ETP), un quota minimum d’emploi de travailleurs handicapés à hauteur de 6%. Toutefois, ce dispositif n’a jamais atteint son objectif. En effet, en 2017, alors que ce quota s’élevait en moyenne à 5,49% dans la fonction publique, il n’atteignait dans le même temps que 3,4% dans le secteur privé. Et encore, cet écart est à relativiser puisque, si le taux d’emploi était de 6,62% dans la fonction publique territoriale et de 5,55% dans la fonction publique hospitalière, il n’atteignait que 4,52% dans la fonction publique d’État (avec notamment un taux de 3,5% dans l’éducation nationale). En outre, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un référé du 8 décembre 2017, les règles applicables à la fonction publique sont plus souples que dans le secteur privé : pour atteindre le taux de 6 %, les employeurs publics peuvent comptabiliser, en plus des catégories bénéficiaires de l’obligation d’emploi visées à l’article L. 5212-13 du code du travail, les titulaires d’un emploi réservé, les agents qui bénéficient d’une allocation temporaire d’invalidité et les agents reclassés. Mais dans tous les cas, qu’il s’agisse du secteur public ou du secteur privé, ce taux d’emploi « légal » ne reflète pas le taux d’emploi direct de personnes handicapées.

Dans ce contexte, une réforme du dispositif de l’OETH a été opérée par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avec l’ambition, pour le gouvernement, « de lui redonner tout son sens pour qu’il soit un vrai levier pour l’emploi direct des personnes handicapées ». Si cet objectif semble partagé par tous, les mesures adoptées pour y parvenir soulèvent quant à elles de nombreuses inquiétudes.

Tout d’abord, le Défenseur des droits relève que le texte ne répond pas à une incohérence originelle du dispositif de l’obligation d’emploi, à savoir, l’effet de ciseaux mécanique du taux d’emploi sur la contribution des employeurs et le financement, par ce biais, des mesures d’accompagnement des travailleurs handicapés vers et dans l’emploi. En effet, selon la loi, les employeurs qui n’atteignent pas leur quota d’emploi direct sont tenus de verser une contribution à un organisme. Les fonds ainsi récoltés permettent de financer diverses actions destinées à favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Revers de la médaille, plus le taux d’emploi augmente, plus ces fonds diminuent alors même que les besoins de financement ne tarissent pas pour autant, voire augmentent. Aussi, le Défenseur des droits s’interroge-t-il sur les effets, à terme, de la clause de révision quinquennale du taux d’emploi de 6%, introduite par l’article 67 de la loi. Il considère que cette disposition est de nature à fragiliser davantage encore ce dispositif.

Par ailleurs, le Défenseur des droits a été alerté par un collectif regroupant des acteurs engagés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées sur les effets négatifs, à terme, de cette réforme sur l’emploi des plus fragiles. Ils dénoncent notamment : – la suppression de la possibilité, qui était jusqu’alors offerte aux employeurs, de déduire de la contribution due au fonds, certaines dépenses engagées pour favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi (partenariats avec des associations agissant pour l’insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap, accompagnement et sensibilisation du collectif de travail, …) ; – l’extinction programmée des accords agréés et avec eux les actions développées par les entreprises pour accompagner les situations les plus complexes ; – la moindre valorisation des travaux de sous-traitance confiés par les entreprises au secteur du travail protégé et adapté et aux travailleurs indépendants handicapés. À cela s’ajoute la réforme des entreprises adaptées qui devront, pour répondre à l’objectif qui leur est fixé de favoriser les passerelles vers les entreprises « ordinaires », recruter des personnes handicapées plus qualifiées, au détriment des personnes les plus éloignées de l’emploi en raison de leur handicap.

78. L’interdiction des discriminations fondées sur le handicap en matière de travail et d’emploi

Le Défenseur des droits tient à rappeler que si l’OETH a permis, à bien des égards, de favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, elle ne suffit pas, à elle seule, à garantir l’égalité de traitement des personnes handicapées en matière d’accès à l’emploi, d’emploi, de formation professionnelle et de travail. Au vu des réclamations reçues par le Défenseur des droits, nombreuses sont les personnes handicapées qui, bien que bénéficiaires de l’obligation d’emploi, s’estiment discriminées dans l’exercice de leur activité professionnelle et leur déroulement de carrière (promotion, accès à la formation, maintien dans l’emploi, …). De plus, les situations portées à la connaissance du Défenseur des droits montrent que la quête du quota d’emploi peut parfois être à l’origine de pratiques stigmatisantes, voire discriminatoires, de la part de certains employeurs, consistant notamment : – à inciter fortement leurs salariés et agents handicapés, déjà en poste, à se « faire reconnaître » administrativement comme travailleur handicapé ; – à limiter le recrutement des personnes handicapées aux seules catégories administratives bénéficiaires de l’obligation d’emploi ; – à n’ouvrir aux travailleurs handicapés que certains emplois « fléchés », la plupart du temps sous qualifiés, pendant que les autres emplois ne leur sont que très rarement ouverts. Pour les employeurs, répondre à l’obligation légale d’emploi des travailleurs handicapés tout en respectant l’obligation générale de non-discrimination est souvent vécu comme une « injonction paradoxale ». Le Défenseur des droits a publié, en juin 2019, un guide intitulé Recruter sans discriminer afin de répondre aux principales interrogations des employeurs et des intermédiaires de l’emploi sur ce sujet.

L’interdiction des discriminations fondées sur le handicap en matière d’emploi est encadrée par divers textes : loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 (articles 1 et 2. 2°) ; article L. 1132-1 du code du travail ; loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 (article 6) ; articles 225-1 à 225-3 du code pénal. Par ailleurs, l’obligation d’aménagement raisonnable est mentionnée à l’article L. 5213-6 du code du travail et à l’article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983. Comme souligné sous l’article 5 du présent rapport, le cadre juridique de l’aménagement raisonnable en emploi est incomplet, en ce qu’il ne vise pas tous les secteurs d’activité. De plus, l’article 6 sexies susmentionné ne précise pas que le refus de mettre en place des aménagements raisonnables est constitutif d’une discrimination, et devrait donc être complété en ce sens, ainsi que l’a rappelé le Défenseur des droits dans un avis au parlement sur le projet de loi de transformation de la fonction publique (avis n° 19-07 du 26 avril 2019).

Dans son rapport, l’État ne fait aucune mention de l’interdiction des discriminations fondées sur le handicap dans tout ce qui a trait à l’emploi, alors qu’il s’agit d’une problématique majeure. En effet, les réclamations adressées au Défenseur des droits révèlent que l’emploi constitue le premier domaine dans lequel s’exercent les discriminations fondées sur le handicap : 37% des réclamations relatives au handicap concernent l’emploi (16% concernent l’emploi privé ; 21% concernent l’emploi public). La 10e édition (2017) du Baromètre annuel de la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), le confirme : près d’une personne sur deux (49%) en situation de handicap déclare avoir été discriminée dans l’emploi public et privé (contre 31% des personnes non concernées par un handicap). La situation de handicap multiplie par trois la probabilité d’expériences de discrimination (entendues comme le traitement défavorable subi au travail) et constitue donc un facteur particulièrement aggravant, indépendamment du sexe, de l’âge ou de l’origine.

L’analyse des réclamations adressées au Défenseur des droits révèle des problématiques récurrentes, parmi lesquelles : –  le refus de l’employeur de confirmer l’embauche de la personne handicapée à l’issue de la période d’essai, au motif de son incapacité professionnelle, alors que les mesures d’aménagement de poste justifiées par le handicap n’ont pas été prises ou ne l’ont été que trop tardivement ; – le refus de l’employeur de procéder aux aménagements de postes recommandés par le médecin du travail, avec pour conséquence une dégradation des conditions de travail et une altération de l’état de santé de la personne handicapée pouvant aboutir à son inaptitude et, par suite, à son licenciement ; – le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement de la personne handicapée reconnue inapte ; – le refus d’affectation ou de promotion de la personne handicapée au motif de l’inaccessibilité des locaux de travail ; – l’impact négatif de la mise en place des aménagements raisonnables sur les éléments de rémunération.

Dans la plupart de ces situations, le Défenseur des droits constate un manquement des employeurs à leur obligation d’aménagement raisonnable et conclut à une discrimination.

Bien qu’inscrite dans la législation nationale depuis la loi du 11 février 2005 (v. § 6), l’obligation d’aménagement raisonnable, prévue par la Convention, reste largement méconnue des employeurs et plus généralement des acteurs de l’insertion professionnelle et donc peu respectée en pratique. Le Défenseur des droits (et, avant lui, la Halde) a largement contribué à sensibiliser les employeurs et à préciser les contours de cette obligation, en présentant notamment des observations devant les juridictions en qualité d’amicus curiae dans les affaires dont il est saisi. Ces dernières années, plusieurs décisions de principes ont ainsi été prises par les juridictions et ont permis de construire une jurisprudence82. Constatant, par ailleurs, qu’il n’existait aucun cadre de référence pour la mise en œuvre de cette obligation, le Défenseur des droits a publié, en décembre 2017, un guide intitulé Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable à destination de tous les acteurs impliqués dans l’emploi. Illustré de nombreux exemples issus de la jurisprudence et d’étude de cas, il a pour objectif d’expliciter le contenu de l’obligation d’aménagement raisonnable, son articulation avec les législations existantes en matière d’emploi et les conséquences qui peuvent résulter de son défaut de mise en œuvre.

Dans ce sens, il convient de saluer l’initiative du gouvernement de faire de « l’appréhension de la notion d’aménagement raisonnable des lieux de travail et sa mise en pratique par les employeurs » l’un des axes de travail de la concertation, lancée au début 2019, sur la rénovation de l’offre de service relative au soutien à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi à destination des personnes handicapées et des employeurs.

Article 28 – Niveau de vie adéquat et protection sociale

Selon une enquête de la DREES, parue en mars 2017, le niveau de vie annuel médian des personnes handicapées âgées de 15 à 64 ans s’élevait, en 2010, à 18 500 euros, soit 2 000 euros de moins que celui des personnes sans handicap. Le niveau de pauvreté est d’autant plus important que la déficience est sévère. Comme le souligne le Conseil économique et social environnemental (CESE), dans un avis de 2017, les personnes en situation de handicap sont particulièrement exposées au risque de précarité, en raison, notamment, d’importantes difficultés d’accès et de maintien dans l’emploi (v. § 77 et s.).

79. Un revenu minimum d’existence en deçà du seuil de pauvreté

Instituée par la loi d’orientation du 30 juin 1975, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) a pour objet de garantir, au titre de la solidarité nationale, un revenu minimum d’existence aux personnes qui, en raison de leur handicap, ne peuvent subvenir à leurs besoins et qui ne peuvent prétendre, au titre d’un autre régime de protection sociale, à une prestation d’un montant au moins équivalent. Selon une étude de la DREES, publiée en octobre 2018, le nombre de bénéficiaires de l’AAH a doublé entre 1990 et 2017 et concernait, à la fin de l’année 2017, 1,3 million de personnes.

Pour ouvrir droit à l’AAH, la personne handicapée doit justifier soit d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 %, soit d’un taux d’incapacité compris entre 50% et 80% et, dans ce cas, justifier également d’une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE). Son versement est soumis à un plafond de ressources dont le montant varie selon la situation familiale du bénéficiaire.

Afin de répondre aux constats préoccupants concernant le niveau de vie des personnes handicapées et améliorer leur pouvoir d’achat, le gouvernement a décidé de procéder à une revalorisation exceptionnelle de l’AAH, au-delà de l’augmentation classique : – au 1er novembre 2018, le montant mensuel de l’AAH à taux plein a été porté à 860 euros par mois ; – au 1er novembre 2019, il a été porté à 900 euros. Par ailleurs, dans un objectif de simplification des démarches administratives des personnes handicapées, il a été décidé que l’AAH serait attribuée sans limitation de durée aux personnes présentant un taux d’incapacité d’au moins 80 % et dont les limitations d’activité ne sont pas susceptibles d’évolution favorable, compte tenu des données de la science. Ces mesures, bien que positives, restent insuffisantes pour permettre aux bénéficiaires de l’AAH de franchir le seuil de pauvreté (estimé à 1026 € par mois).

Elles doivent de plus être nuancées au regard d’autres mesures prises de manière concomitante qui constituent, quant à elles, un véritable recul. Ainsi, auparavant, la personne handicapée justifiant d’une incapacité d’au moins 80% pouvait percevoir, sous certaines conditions, en complément de son AAH : – soit la garantie de ressources pour les personnes handicapées (GRPH), d’un montant de 179 € par mois, dès lors que sa capacité de travail était inférieure à 5% ; – soit une majoration pour la vie autonome (MVA), d’un montant de 104 € par mois, pour lui permettre de couvrir les dépenses supplémentaires pour les adaptations nécessaires à une vie autonome. Mais la GRPH a été supprimée, à compter du 1er décembre 2019. Par conséquent, les personnes les plus lourdement handicapées, dans l’incapacité de travailler, voient leur niveau de ressources réduit d’environ 75 € par mois83. En outre, dans une logique de rapprochement des règles d’appréciation des revenus des bénéficiaires de l’AAH de celles des autres minima sociaux, il a été décidé de réviser, à la baisse, la majoration du plafond de ressources applicable aux couples. Alors que le plafond applicable aux couples était auparavant majoré de 100%, il a été progressivement réduit pour n’être plus majoré, depuis le 1er novembre 2019, que de 80%. Comme le souligne un rapport parlementaire, cette modification du plafond de ressources « exclut de facto les bénéficiaires en couple des effets de cette hausse [revalorisation exceptionnelle de l’AAH] » et a pour effet de renforcer leur dépendance financière à l’égard de leur conjoint (v. § 62).

À cela s’ajoutent d’autres difficultés récurrentes. Le Défenseur des droits constate en effet, dans les situations dont il est saisi, une tendance affirmée à la remise en cause du droit à l’AAH lors de l’examen des demandes de renouvellement par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), à situation inchangée, tant du point de vue de l’incapacité de la personne que de son employabilité. Par ailleurs, les personnes atteintes d’une incapacité inférieure à 80% qui accèdent à une activité professionnelle au-delà d’un mi-temps, voient leur droit à l’AAH supprimé au motif qu’elles ne remplissent plus les conditions « de restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi » et se trouvent de ce fait pénalisées dans leur démarche d’insertion professionnelle.

80. Les droits à la retraite

Comme le mentionne le rapport de l’État, les travailleurs handicapés peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’une retraite anticipée à taux plein (sans décote), dès l’âge de 55 ans. Pour y ouvrir droit, les assurés handicapés doivent justifier d’une durée minimale d’assurance, dont une partie au moins doit avoir donné lieu à cotisations à leur charge. Ils doivent également justifier avoir été atteints d’un taux minimal d’incapacité permanente durant toute la durée d’assurance requise. Fixé à l’origine à 80 %, ce taux d’incapacité permanente a été ramené à 50 % par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 ; en contrepartie, la loi a supprimé la possibilité d’ouvrir droit à une retraite anticipée sur le critère d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), qui avait été introduit par la loi en 2010. L’ensemble de ces conditions sont néanmoins difficiles à réunir, ce qui rend ce dispositif en partie inopérant. En effet, dans certaines situations, somme toute assez fréquentes eu égard aux saisines adressées au Défenseur des droits, les assurés, pourtant en situation de handicap, ne sont pas en mesure d’attester administrativement de leur incapacité permanente sur la totalité de leur carrière. Pour en tenir compte, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a prévu, pour les personnes justifiant d’un taux d’incapacité au moins égal à 80% au moment de la demande, une possibilité de réexamen de leur situation. Le Défenseur des droit est intervenu auprès du législateur afin de recommander l’application de cette procédure à tous les travailleurs handicapés justifiant d’un taux d’incapacité d’au moins 50% au moment de la demande, mais n’a pas été entendu.

Par ailleurs, la loi permet aux assurés titulaires d’une pension d’invalidité qui se voient privés momentanément d’emploi, avant l’âge légal de la retraite, de poursuivre leurs démarches de retour à l’emploi sans suppression de leur pension d’invalidité. Ce mécanisme ne concerne que les hypothèses où la perte d’emploi est antérieure à l’âge légal de retraite. Or, cette perte d’emploi peut également se situer postérieurement. Dans ce cas, l’article    L. 341-16 du code de la sécurité sociale (CSS) prévoit la transformation automatique de la pension d’invalidité en avantage vieillesse. Le Défenseur des droits a présenté des observations devant la Cour de cassation, considérant que cette disposition qui oblige l’assuré à liquider sa pension de vieillesse même s’il est apte à poursuivre une activité professionnelle, constitue une discrimination fondée sur le handicap. Dans cette affaire, la Cour de cassation a considéré que « la différence de traitement entre les assurés selon qu’ils exercent ou non une activité professionnelle [trouve] son origine dans la nécessaire coordination entre l’assurance invalidité et l’assurance vieillesse ». Le Défenseur des droit est intervenu auprès du législateur afin de demander une réforme de l’article L. 341-16 CSS, en vain.

Article 29 – Participation à la vie politique et à la vie publique

81. Le droit de vote

Aux termes de l’article 29 de la CIDPH, les États doivent assurer aux personnes handicapées une pleine participation à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres. Si le droit de vote est désormais accordé à toutes les personnes handicapées, la question de leur éligibilité reste entière.

En France, ce n’est que très récemment, en 2019, que le droit de vote a été reconnu, sans restriction, à toute personne handicapée, conformément à la Convention. En effet, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 avait maintenu un principe d’interdiction du droit de vote pour toute personne placée sous tutelle avec, néanmoins, une possibilité d’autorisation par le juge. Puis, la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 avait supprimé le principe de l’interdiction, tout en autorisant le juge à supprimer le droit de vote de la personne protégée à l’occasion de l’ouverture ou du renouvellement de la mesure de tutelle. L’État, dans son rapport initial, justifiait cette restriction en la considérant « d’autant plus raisonnable qu’elle n’est jamais automatique, mais décidée au cas par cas, en fonction des facultés de la personne concernée et par un juge ». En 2017, sur 380 000 personnes majeures placées sous tutelle, 83%, soit plus de 310 000 personnes, se sont ainsi vues retirer leur droit de vote par le juge.

Ces limites au droit de vote des personnes handicapées étaient dénoncées depuis de nombreuses années par les associations représentatives des personnes handicapées. Le Défenseur des droits, dans son rapport sur La protection juridique des majeurs vulnérables de 2016 puis la Commission nationale consultative des droits de l’homme en 2017 (avis du 26 janvier 2017) ont recommandé à l’État une mise en conformité de la législation nationale avec la Convention. Par suite, le rapport de la mission interministérielle sur L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables84 a engagé le gouvernement à adopter les réformes nécessaires.

Désormais, depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le droit de vote est reconnu à tous les majeurs protégés sans condition, le juge n’ayant plus la possibilité, à l’occasion de l’ouverture, du renouvellement ou de l’aggravation d’une mesure de tutelle, de priver la personne de son droit. La loi précise, par ailleurs, que le majeur protégé l’exerce personnellement. Afin de limiter les abus d’influence, il est prévu que le majeur protégé ne peut, le cas échéant, donner procuration ni au mandataire judiciaire, ni au gestionnaire de la structure dans laquelle il est hébergé, ni au salarié qui intervient à son domicile.

Si la reconnaissance du droit de vote pour toutes les personnes handicapées constituait une étape indispensable à la mise en conformité de la législation nationale avec la Convention, l’enjeu est maintenant d’en assurer l’effectivité. Les mesures prises, suite à la promulgation de la loi, afin de permettre aux personnes sous tutelle de voter dès les élections européennes de 2019, méritent de ce point de vue d’être soulignées : – décision d’accorder un délai supplémentaire aux personnes sous tutelle pour leur permettre de s’inscrire sur les listes électorales ; – demande de lever la contrainte qui empêchait, dans le répertoire électoral unique (REU), l’inscription des majeurs sous tutelle privés du droit de vote sur les listes électorales ; – instructions données aux mairies, via les préfectures, et diffusion d’un kit de communication sur la réforme. Malgré ces mesures, plusieurs personnes ont signalé au Défenseur des droits avoir rencontré des difficultés pour s’inscrire sur les listes électorales, d’autres ignoraient jusqu’à récemment avoir recouvré le droit de voter.

82. L’accessibilité du processus et des opérations de vote

Selon le rapport initial de l’État, le cadre normatif applicable à l’accessibilité des bureaux et des opérations de vote apparaît suffisant, mais il manque « un véritable référentiel pour compléter le code électoral ». Le Défenseur des droits partage le constat selon lequel, en pratique, cette accessibilité « est aléatoire selon les communes et selon les handicaps ». C’est ce qu’il ressort de son rapport sur L’accès au vote des personnes handicapées, publié en 2015, suite à un appel à témoignage national lancé en 2014, et d’un rapport parlementaire en 201485.

L’effectivité du droit de vote pour les personnes handicapées suppose également de garantir l’accessibilité des campagnes électorales. Or, comme le reconnaît le rapport de l’État, « beaucoup reste à faire en la matière ». Si les médias recourent de plus en plus souvent, durant ces périodes de consultation politique, à la langue des signes et au sous-titrage, l’accessibilité des informations pour l’ensemble des types de handicaps reste encore très parcellaire. Le Défenseur des droits avait ainsi proposé aux candidats à l’élection présidentielle de 2017 une série de mesures concrètes pour rendre leur campagne accessible aux personnes handicapées mais également, à un public électoral plus large, comme les personnes âgées en perte d’autonomie ou encore les personnes touchées par l’illettrisme.

Plusieurs mesures, adoptées dans la perspective des élections municipales de 2020, visent à améliorer l’accessibilité au vote des personnes handicapées, notamment : – la dématérialisation de la propagande électorale ; – l’obligation de compatibilité des professions de foi des candidats avec les logiciels de lecture d’écran ; – la possibilité pour les candidats de déposer leur propagande électorale en Facile à lire et à comprendre (FALC). Parallèlement, plusieurs collectivités territoriales ont développé des initiatives pour accompagner les personnes handicapées dans les différentes étapes du vote.

83. La participation des personnes handicapées aux affaires publiques

La participation des personnes handicapées à la vie publique ne va pas toujours de soi. Il a ainsi fallu plusieurs années pour que le service civique, en vigueur depuis 2010, s’adapte afin d’accueillir des jeunes en situation de handicap en prévoyant l’extension à trente ans de la limite d’âge et le financement de l’adaptation des postes de travail par le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) ou l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées). En 2017, ce sont ainsi 1 000 jeunes en situation de handicap qui ont pu accéder au service civique, soit deux fois plus qu’en 2015.

Autre exemple, jusqu’en 2017, il n’était prévu aucun aménagement lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC), organisée par le ministère de la Défense et obligatoire pour tous les jeunes. La seule option prévue pour les personnes handicapées, considérées comme inaptes à participer à cette journée, était en effet la possibilité d’en être exemptées. Saisi d’une réclamation relative à l’absence de dispositif particulier pour les personnes sourdes et malentendantes, le Défenseur des droits a recommandé aux services du ministère de la Défense, sur le fondement de la Convention, de prendre les mesures appropriées afin que toutes personnes handicapées, quel que soit leur handicap, souhaitant participer aux JDC puissent profiter du même enseignement que les autres participants. Suite à cette recommandation, le ministère a informé le Défenseur des droits qu’au-delà de la décision individuelle prise en faveur de la réclamante, en l’occurrence l’accès à un interprète en LSF, il prendrait les mesures nécessaires pour garantir à tous l’accès et le suivi des enseignements citoyens : – une mention spécifique sur les conventions invitant les intéressés à solliciter les aménagements d’accueil qui leur sont nécessaires ; – la prise en compte de l’accessibilité dans les opérations d’infrastructure à réaliser (salles de réunion et de restauration, etc.) ; – dès que le besoin en aura été signalé, un sous-titrage des séquences vidéos ; – le recours à un interprète en langues des signes assuré par le centre du service national compétent.

Article 30 – Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports

Selon l’article 30, les États doivent prendre les mesures appropriées pour permettre aux personnes handicapées de participer, sur la base de l’égalité avec les autres, à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports. Or, en dépit du cadre juridique existant, ces droits ne sont pas toujours effectifs.

84. Le droit de participer à la vie culturelle sur la base de l’égalité avec les autres

Trop longtemps, le droit des personnes handicapées à participer aux activités culturelles n’a pas été considéré comme un droit fondamental. Ainsi, la loi du 11 février 2005 demeure muette sur cette question. Il a fallu attendre la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine pour voir abordée explicitement, pour la première fois en droit français, la question de la participation des personnes handicapées à la vie culturelle. Selon cette loi, la politique en faveur de la création artistique a, notamment, comme objectifs de « Favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres en direction du public en situation de handicap et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle ».

Pour autant, malgré cette consécration récente, l’accès aux activités culturelles ne constitue toujours pas une priorité. Le Défenseur des droits constate ainsi que la commission « culture et handicap », évoquée dans le rapport initial de l’État comme un instrument précieux pour engager des améliorations et en assurer le suivi, ne s’est pas réunie depuis le 27 janvier 2016, alors qu’il est prévu qu’elle doit se réunir annuellement en application de son arrêté constitutif du 1er février 2001. Il en va de même concernant l’accessibilité des lieux d’activités culturelles. De fait, à ce jour, outre les effets négatifs liés au report de l’échéance de 2015 pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP), les textes définissant les normes applicables aux ERP qui fournissent une prestation visuelle ou sonore ne sont toujours pas publiés (v. § 20). S’y ajoute la question des tarifs applicables aux places de spectacles accessibles aux personnes handicapées à mobilité réduite. En effet, le Défenseur des droits a été saisi par plusieurs personnes handicapées qui se sont vues appliquer le tarif le plus élevé au motif que les emplacements accessibles se trouvaient situés dans la catégorie supérieure.

Un rapport du Sénat, Culture et handicap, une exigence démocratique de 2017, signale d’autres entraves : « Si les efforts entrepris ont permis d’enregistrer des progrès notables, le chemin à parcourir est loin d’être terminé. La cause doit en être probablement imputée au manque de moyens financiers, comme au caractère largement partenarial de cette politique, généralement conduite conjointement avec d’autres ministères, pour lesquels la dimension culturelle ne constitue évidemment pas la priorité de leur action ». Et d’ajouter, qu’en dépit d’une « multitude d’actions menées sur le terrain à la fois par les pouvoirs publics et les associations, l’accès des personnes en situation de handicap à la culture, en particulier à la pratique culturelle, n’est pas aujourd’hui pleinement assuré. Le manque de lisibilité de l’action publique, le manque de moyens humains et matériels, le manque de données précises sur les initiatives existantes comme le manque de visibilité de celles-ci sont autant de causes auxquelles il faut sans délai s’attaquer pour permettre aux personnes en situation de handicap de devenir enfin des acteurs de la culture à part entière ».

85. Le développement du potentiel créatif et artistique des personnes handicapées

Même si la contribution des personnes handicapées à la création artistique et culturelle est désormais reconnue par la loi du 7 juillet 2016, le rapport du Sénat précité (v. § 84) observe plusieurs freins. Par exemple, l’aide à l’insertion professionnelle, accordée par l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), n’est prévue que pour l’embauche d’un salarié en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d’au moins douze mois, excluant de fait les entreprises du spectacle, où la durée des contrats se mesure davantage en heures ou en semaines. De même, les règles actuelles de l’allocation adultes handicapés (AAH) ne sont pas adaptées au statut des intermittents du spectacle. Par conséquent, les personnes handicapées qui n’ont pas travaillé suffisamment pour bénéficier du régime de l’intermittence mais dont le montant des cachets est supérieur au plafond de ressources prévu pour percevoir l’AAH, est particulièrement difficile. Les associations relèvent également que les activités proposées dans les établissements d’aide par le travail (ESAT) ne sont que très rarement culturelles (une dizaine d’ESAT sur 1 400) et qui plus est, n’offrent que rarement de réelles passerelles pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans le milieu professionnel ordinaire des arts et de la culture.

86. Les exceptions aux droits de propriété intellectuelle

Le code de la propriété intellectuelle français prévoit une exception aux droits d’auteur pour permettre un accès élargi aux œuvres par les personnes handicapées empêchées d’y accéder dans leur format original. Cette exception est encadrée par une directive du Parlement européen et du Conseil du 13 septembre 2017. Cette directive met en œuvre les obligations qui incombent à l’Union européenne au titre du traité de Marrakech adopté en 2013 dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. L’article 81 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 la transpose dans le droit interne. Le Défenseur des droits souligne la nécessité d’augmenter considérablement le nombre des œuvres ainsi mises à disposition.

87. L’accès des personnes handicapées aux activités sportives

Malgré les actions conduites ces dernières années par le ministère chargé des sports pour favoriser l’accès des personnes handicapées aux activités sportives et lutter contre les discriminations, le Défenseur des droits continue de recevoir de nombreuses saisines : refus d’accès à des activités de jet ski opposé par un prestataire d’activités motonautiques en raison de la surdité des clients (décision n° 2017-232 du 28 juillet 2018) ; refus d’inscription à un stage d’initiation à la natation d’un enfant autiste (décision MSP-MLDMDE-2016-124 du 4 mai 2016 ) ; refus d’accès à un parcours acrobatique en hauteur d’une personne atteinte de trisomie (décision MLD2013-69 du 11 avril 2013). De façon générale, les clubs ou associations sportifs justifient ces refus par un motif de sécurité sans apprécier la capacité de la personne handicapée à pratiquer les activités, au besoin en mettant en place des aménagements raisonnables. Le Défenseur des droits relève également une pratique de certaines fédérations sportives consistant à renvoyer les personnes handicapées vers des dispositifs qui leur sont réservés plutôt qu’à aménager les conditions d’accès aux activités sportives dans une démarche inclusive (décision n° 2019-070 du 19 juillet 2019).

88. L’accès des enfants handicapés aux activités de loisirs

Les difficultés rencontrées par les enfants handicapés pour accéder, comme les autres enfants, aux activités de loisirs, dans le cadre périscolaire et extrascolaire, sont depuis de nombreuses années au cœur des préoccupations du Défenseur des droits. Dès 2012, il a adopté une recommandation générale (décision MLD 2012-167 du 30 novembre 2012) préconisant l’adoption d’un cadre normatif. En 2013, il a lancé un appel à témoignages : 65 % des enfants (sur 1146 répondants) n’avaient pas accès à ces activités. En 2016, le Défenseur des droits et le ministère de l’éducation nationale ont réalisé, à destination des élus locaux, une brochure d’information : Des temps d’activités périscolaires accessibles aux enfants en situation de handicap.

Malgré les mesures prises par l’État, mentionnées dans son rapport initial, les familles restent régulièrement confrontées à des refus d’accueil en centre de loisirs, comme l’attestent les nombreuses réclamations adressées au Défenseur des droits. Les motifs opposés sont principalement : – l’insuffisance de moyens pour financer un accompagnant individuel auprès de l’enfant ; – les craintes liées à la sécurité de l’enfant en situation de handicap et du groupe ; – l’absence de personnels qualifiés pour encadrer ces enfants ; – l’incompatibilité du handicap de l’enfant avec les activités proposées.

Dans de nombreuses décisions, le Défenseur des droits rappelle le caractère discriminatoire de ces refus au vu, notamment, de l’obligation d’aménagement raisonnable qui pèse sur les structures d’accueil.

En 2018, une « Mission nationale pour l’accès des enfants en situation de handicap aux accueils de loisirs » a été mise en place à l’initiative de la caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), sous le haut patronage du Défenseur des droits. Une enquête, réalisée dans ce cadre, montre que l’accueil de leur enfant handicapé sur les temps périscolaires et pendant les vacances est respectivement le souhait de 58% et 63% des parents mais ne se trouve exaucé que dans 19 et 22% des cas. Ces enfants, âgés de 3 à 11 ans, représentent 1,9% de leur classe d’âge, mais seulement 0,28% de la fréquentation au sein des 33 000 accueils de loisirs périscolaires et extrascolaires. Le rapport de la mission, remis au gouvernement en décembre 2018, rappelle le cadre juridique de l’accès aux loisirs des enfants handicapés, en application de la CIDE et de la CIDPH, et émet une vingtaine de propositions d’actions. Si l’enjeu semble désormais identifié par le gouvernement, les préconisations de la mission nationale restent à concrétiser.

Article 31 – Statistiques et collecte des données

Aux termes de la Convention, « Les États parties s’engagent à recueillir des informations appropriées, y compris des données statistiques et résultats de recherches, qui leur permettent de formuler et d’appliquer des politiques visant à donner effet à la présente Convention ». Comme le précise le rapport de l’État, « les données administratives sur le handicap et les enquêtes par dispositif sont nombreuses, émanant de différents ministères ». Significativement, le rapport de l’État se limite à un état des lieux, non exhaustif, de sources statistiques disparates. Il évoque la difficulté d’évaluer la population concernée par le handicap et la coexistence des approches physiologique, sociologique et administrative, mais ne dessine pas de perspectives nouvelles pour améliorer la coordination, le pilotage national, la mise en cohérence et la diffusion des données. À ce jour, il est impossible de répondre précisément à la question suivante : combien de personnes, en France, sont en situation de handicap ?

89. Une absence d’harmonisation des données existantes sur le handicap

S’il existe de multiples sources de données statistiques sur le handicap, la difficulté provient principalement de l’hétérogénéité des données recueillies, selon des périodicités et des finalités différentes. Cette situation tient, en partie, au fait que les diverses sources de données disponibles n’adoptent pas une approche harmonisée de la notion de « handicap ». Ainsi, par exemple, certaines données se fondent sur une définition « large » du handicap, en distinguant notamment « handicap reconnu », « handicap ressenti » et « handicap identifié », pendant que d’autres se limitent aux seules « reconnaissances administratives du handicap ». Dans ce dernier cas, les données référencées sont, en outre, bien souvent réduites aux ressortissants du régime de solidarité nationale relevant des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), alors qu’il conviendrait également de tenir compte des ressortissants des régimes de sécurité sociale (invalides, accidentés du travail), des accidentés de droit commun, des majeurs protégés, et des personnes âgées en perte d’autonomie. Autre exemple, concernant le recensement des élèves en situation de handicap : la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) reconnaît ne pas comptabiliser les élèves qui, bien que répondant à la définition du handicap, ne relèvent pas d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) mais d’un projet d’accompagnement personnalisé (PAP). Ainsi, un grand nombre d’élèves « dys » qui entrent dans ce dispositif ne sont pas recensés. De son côté, la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) confirme que seule la reconnaissance d’un handicap par la MDPH peut conduire l’éducation nationale à recenser un élève à ce titre.

90. Des lacunes dommageables en matière de données sur le handicap

Au-delà de l’hétérogénéité des données relatives au handicap, il convient de souligner le caractère dommageable de l’insuffisance, voire de l’absence de données dans certains domaines. Quelques exemples significatifs, déjà pour la plupart signalés dans le présent rapport, au fil de l’examen des articles de la Convention : inconnu, le nombre d’enfants sans solution de scolarisation ; inconnu, le nombre de décisions d’orientation prises par les MDPH non suivies d’effet ; inconnu, le nombre exact de personnes accueillies dans des établissements hors de France ; inconnus, les besoins en matière de compensation du handicap quel que soit l’âge et l’origine des personnes concernées ; insuffisantes, car trop éparses, les données disponibles sur la protection juridique des majeurs ; inexistantes, les données relatives aux personnes handicapées accueillies dans le cadre de dispositifs  qui ne sont pas spécifiquement dédiés au handicap : enfants handicapés relevant de l’aide sociale à l’enfance, adultes en difficulté sociale (sans domicile ou vivant en institution) ou détenus en établissement pénitentiaire.

Dans le cadre de ses compétences, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a été chargée, par la loi du 11 février 2005, de recueillir les données anonymisées concernant les personnes ayant déposé une demande auprès de la MDPH. Toutefois, cette mission n’a pas pu pleinement se concrétiser en raison de l’hétérogénéité des systèmes d’information des MDPH. Face à cette difficulté, la convention d’objectifs et de gestion 2016-2019 entre l’État et la CNSA a prévu la conception et la mise en œuvre d’un système d’information commun à l’ensemble des MDPH, dont le déploiement complet est programmé pour la fin 2020, soit 15 ans après la loi de 2005. Parallèlement, un système d’information de suivi des décisions d’orientation dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) est mis en place. Il permettra de disposer de données de pilotage sur l’adéquation entre les décisions d’orientation et les places offertes dans les établissements et services.

En outre, la prise en compte d’une approche intersectionnelle, c’est-à-dire du croisement du handicap avec d’autres facteurs de discrimination, apparaît encore trop peu développée alors qu’elle permettrait une connaissance plus fine des réalités vécues par les personnes en situation de handicap.

91. L’absence de pilotage et de coordination sur les données

La mise à disposition et la valorisation des informations statistiques et des études sur le handicap souffrent d’un manque de coordination et de pilotage national, d’où un manque de visibilité et de comparabilité des données produites au niveau national et a fortiori international. Cette carence est contraire aux Principes fondamentaux de la statistique officielle, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 janvier 2014, et à la volonté de la Commission européenne, depuis une quinzaine d’années, d’établir des systèmes permettant les comparaisons internationales.

On constate même, sur ce point, un recul par rapport à l’élan donné par le législateur en 2005, dans le domaine de la recherche et de la diffusion des données statistiques, en créant l’Observatoire national sur la formation, la Recherche et l’Innovation sur le Handicap (ONFRIH). En effet, celui-ci n’a rendu qu’un seul rapport, en 2011, et n’a plus, depuis, d’existence réelle. Par ailleurs, l’ouvrage Le Handicap en chiffres, publié en 2005 par le Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI), n’a jamais été actualisé depuis. La Maison des sciences sociales du handicap (MSSH), qui a succédé au CTNERHI en 2011, n’a pas été en mesure, faute de moyens, de réaliser une nouvelle édition. Quant au Collectif de Recherche sur le Handicap, l’Autonomie, Société Inclusive (CoRHASI), qui a remplacé la MSSH en 2018, il ne dispose pas de moyens propres.

Face à cette situation préoccupante, le Défenseur des droits a adopté, au visa de la Convention, le 26 septembre 2017, une décision-cadre (décision n° 2017-57 du 26 septembre 2017) dans laquelle il formule des recommandations générales destinées à améliorer la connaissance statistique de la situation et des besoins des personnes handicapées. Mais à ce jour, aucune perspective nouvelle ne semble se dégager pour améliorer la coordination et le pilotage national, notamment dans une approche interministérielle. En effet, même s’il faut se réjouir des évolutions prévues en matière de données produites par les MDPH, celles-ci n’ont pas vocation à couvrir l’ensemble des politiques du handicap.

Article 32 – Coopération internationale

La coopération internationale sur le handicap n’apparaît pas comme une préoccupation suffisamment importante pour l’État français. Le rapport initial ne l’aborde que de façon incomplète, en mentionnant quelques programmes spécialisés de l’Agence française du développement (AFD) et la création récente d’une division chargée de l’évaluation a posteriori des effets éventuellement négatifs de ses programmes sur les personnes les plus vulnérables. Il apparaît d’ailleurs significatif que l’une des ONG financées par l’AFD, comme l’indique le rapport initial, ait « sollicité l’Agence sur les outils de capitalisation et de valorisation afin que la thématique du handicap ne reste pas cantonnée à quelques divisions mais devienne une préoccupation partagée et intégrée aux projets ».

La conscience des enjeux régionaux et mondiaux est moins développée, par exemple, que pour l’autre priorité du quinquennat 2017-2022, l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a fait l’objet d’engagements du ministère des affaires étrangères en 2017 et qui constitue une priorité inscrite à la présidence française du G7 en 2019.

Et même dans ce cas, la France peine à prendre en compte le sujet sous l’angle de l’intersectionnalité en tenant compte de la situation des femmes handicapées.

Le Défenseur des droits, cependant, considère comme une avancée la signature par la France de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire (Istanbul, Sommet de 2016) et le fait que, contrairement aux précédentes, la stratégie humanitaire française 20182022, prévoit que la France, en collaboration avec ses partenaires nationaux, européens et internationaux « renforcera, de manière générale, ses efforts pour l’inclusion des personnes les plus vulnérables dans la réponse humanitaire – notamment des personnes handicapées ». Il serait donc souhaitable, qu’à partir de cet exemple, la diplomatie française opère une revue générale et systématique de sa coopération internationale en intégrant la question du handicap dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes.

Article 33 – Application et suivi au niveau national

92. Le dispositif national de coordination

Pour éviter une dilution des responsabilités ou un manque de coordination, la Convention exige des États qu’ils désignent un ou plusieurs points de contact responsables de la mise en œuvre de la Convention au sein de l’administration, et un dispositif de coordination. Le mandat des points de contact consiste à faire connaître la Convention au sein du ministère concerné, à promouvoir la participation à l’élaboration d’un plan d’action consacré à la Convention, à contrôler la mise en œuvre dans leur domaine de compétence et à en rendre compte. Leur mission doit être clairement centrée sur le développement et la coordination d’une politique nationale cohérente de mise en œuvre de la Convention. Par ailleurs, le point de contact doit être le moyen par lequel la société civile et les organisations de personnes handicapées peuvent communiquer avec l’administration à propos de la mise en œuvre de la Convention.

Comme le précise le rapport de l’État, des points de contact ont été mis en place, dès 2012, dans chaque cabinet ministériel et administration centrale. Par circulaire du 23 octobre 2017, le Premier ministre a demandé aux différents ministres et secrétaires d’État de désigner au sein du secrétariat général de leur ministère un « haut fonctionnaire en charge du handicap et de l’inclusion » qui a pour responsabilité de définir et de mettre en œuvre la politique du ministère en matière d’accessibilité universelle et de handicap, dans le cadre des orientations générales du gouvernement en la matière. La circulaire précise les missions confiées à ces hauts fonctionnaires :  – animer des échanges au sein du comité des directeurs du ministère ; – coordonner les travaux permettant de dresser l’état des lieux en matière de prise en compte du handicap dans l’ensemble des politiques relevant du ministère ; – coordonner, au sein du ministère, la préparation et le suivi des décisions des comités interministériels du handicap (CIH) et veiller en particulier à la mise en place et au suivi d’indicateurs d’inclusion précis ; – garantir la prise en compte de la question du handicap dans la préparation des textes législatifs et réglementaires ainsi que dans les indicateurs de performance des programmes du budget de l’État. En particulier, pour chaque projet de loi, il sera chargé de réaliser de manière systématique la fiche « diagnostic-handicap » destinée à nourrir l’étude d’impact de chaque projet de loi ; – prendre toutes initiatives utiles pour favoriser l’implication des services déconcentrés ainsi que des opérateurs placés sous leur tutelle dans la mise en œuvre de l’accessibilité universelle. En revanche, il faut noter et regretter que la circulaire ne fasse aucune référence à la Convention et au rôle susceptible d’être joué par ces hauts fonctionnaires dans ce cadre. Ces hauts fonctionnaires, au nombre de 18, ont été installés le 29 janvier 2018 par la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

L’animation et la coordination de ce réseau sont confiées au secrétariat général du Comité interministériel du handicap (SGCIH). Placé auprès du Premier ministre, le SG-CIH exerce également les fonctions de secrétariat du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Cette configuration permet de répondre au niveau national au cadre fixé par l’article 33.1 de la Convention. Une plus grande implication des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la Convention reste cependant à ce jour à développer.

93. Le mécanisme indépendant chargé du suivi de la Convention

En 2011, le gouvernement a désigné le Défenseur des droits comme mécanisme indépendant chargé du suivi de l’application de la Convention au titre de l’article 33.2. La désignation du Défenseur des droits en tant que mécanisme indépendant tire sa légitimité de son statut d’autorité administrative indépendante de rang constitutionnel, des missions transversales qui lui sont conférées par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, qui le placent au cœur des problématiques rencontrées par les personnes handicapées, de son expertise en matière de défense des droits des personnes handicapées, de ses liens directs avec les personnes handicapées qui le saisissent et avec lesquelles il est en relation au quotidien, via notamment son réseau de délégués territoriaux, de ses relations avec les associations représentatives des personnes handicapées dans le cadre, notamment, de son comité d’entente handicap. Il assure, à ces divers titres, une mission de protection, de promotion et de suivi de la Convention.

En 2012, le Défenseur des droits a pris l’initiative, en tant que mécanisme indépendant, de constituer un comité de suivi de l’application de la Convention, avec pour objectif de réunir, dans une instance nationale, les principaux acteurs impliqués dans le suivi de la Convention, dans une démarche de concertation et d’échange, en vue d’une meilleure effectivité des droits reconnus aux personnes handicapées. Le comité de suivi, coordonné par le Défenseur des droits, est constitué du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE), du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). L’État, représenté par le SG-CIH, n’est pas membre à part entière du comité de suivi mais peut être invité à participer à ses travaux avec le statut d’observateur. Le comité de suivi se réunit, en moyenne deux fois par an.

Il convient de souligner que le Défenseur des droits assure ces différentes missions de promotion, de protection et de suivi de la Convention sur ses ressources humaines et financières propres, aucun moyen supplémentaire spécifique ne lui ayant été accordé par l’État pour assurer ses missions de mécanisme indépendant.

94. La participation des personnes handicapées au suivi de la Convention

Conformément à l’article 33.3, les personnes handicapées participent au suivi de la Convention via deux instances : le Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE) et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), chacune de ces instances participant, par ailleurs, au suivi de l’application de la Convention dans le cadre du comité de suivi national, coordonné par le Défenseur des droits (v. § 93).

Le CFHE, fondé en 1993, a été désigné par le Collectif Handicaps (anciennement, Comité d’entente des associations représentatives des personnes handicapées) pour assurer, en son nom, la promotion et le suivi de l’application de la Convention. À ce jour, une quarantaine d’associations nationales, représentant les différentes familles de handicap, sont rassemblées au sein du CFHE. Il est le point de contact français au sein du Forum européen des personnes handicapées (FEPH), dont « la mission est de permettre aux personnes handicapées un accès complet aux droits fondamentaux par son implication active dans le développement de politiques en leur faveur et leur adoption en Europe ». Dans le cadre de ses missions, le CFHE développe de nombreuses actions de promotion et de suivi de la Convention, via notamment son site internet. Il anime la commission « Europe, International, Convention ONU » du CNCPH. À noter que la subvention d’aide au fonctionnement, accordée jusqu’alors par l’État au CFHE, a été supprimée en 2019.

Le CNCPH a été créé par la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 avec pour objet d’assurer la participation des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique les concernant. Son rôle dans la co-construction des politiques publiques et la place des personnes handicapées ont été renforcés à l’occasion de la nouvelle mandature qui a vu le jour en janvier 2020. Le nouveau CNCPH est composé de près de 160 membres, représentant la société dans sa diversité : – représentants des associations de personnes en situation de handicap ou leurs familles ; – représentants des associations ou organismes professionnels ; – personnes qualifiées ; – représentants des organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national et des organisations professionnelles nationales d’employeurs ; – organisations nationales et institutionnelles agissant notamment dans les domaines de la prévention, l’emploi, la protection sociale et la recherche ; – représentants des territoires, des organismes consultatifs nationaux et des assemblées parlementaires. En son sein, l’une des 9 commissions thématiques est plus particulièrement chargée de veiller à l’application des conventions internationales, dont la CIDPH.





Recommandations

Art. 1 à 4 – Objet, définitions, principes généraux et obligations

  1. Revoir la définition du handicap, inscrite à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles (CASF), afin de la rendre pleinement conforme à la Convention ;
  2. Développer des politiques inclusives consistant à agir, de manière conjuguée, tant sur les facteurs environnementaux que sur les incapacités afin d’apporter des réponses appropriées aux besoins de chaque personne handicapée et permettre ainsi la pleine et effective participation de toutes les personnes handicapées à la société ;
  3. Prendre, conformément à l’article 4 de la Convention, toutes les « mesures appropriées, d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus par la Convention » et « pour modifier, abroger ou abolir les lois, règlements et pratiques qui sont sources de discrimination envers les personnes handicapées » ;
  4. Garantir aux personnes handicapées, quel que soit leur âge et l’origine de leur handicap, une protection identique et une égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, conformément à la Convention ;
  5. Informer et sensibiliser l’ensemble des acteurs publics aux nouveaux enjeux liés à l’application de la Convention et veiller à la prise en compte de la Convention dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques ;
  6. Garantir l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire (métropole et outre-mer) en veillant au respect des droits fondamentaux des personnes handicapées, quel que soit le lieu où elles résident, et en renforçant le pilotage national des politiques liées au handicap.

Art. 5 à 30 – Droits spécifiques

Égalité et non-discrimination

  1. Modifier la définition de la discrimination prévue à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 afin :
  2. de prendre en compte les différentes formes de discriminations dont sont victimes les personnes handicapées (discrimination par association, discriminations multiples et intersectionnalité, …) ;
  3. et d’y inscrire, conformément à l’article 2 de la Convention, que « La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable » et d’assurer ainsi, de manière transversale, une protection des personnes handicapées dans l’ensemble des champs de discrimination ;
  4. Former et sensibiliser l’ensemble des acteurs publics et privés, y compris les professionnels du droit, à la notion d’aménagement raisonnable, en tant qu’élément consubstantiel du principe général de non-discrimination.
  5. Ouvrir l’action de groupe aux associations mais également à tout regroupement de victimes constitué pour les besoins de la cause dans tous les domaines visés par la loi sans exception.

Femmes handicapées

  1. Prendre en compte la situation des femmes handicapées dans les études, les politiques publiques et les plans en faveur de l’égalité Femme-Homme ;
  2. Introduire une dimension « genrée » dans toutes les données et statistiques relatives aux personnes handicapées ;
  3. Adopter des mesures efficaces afin de lutter contre les discriminations dont sont plus particulièrement victimes les femmes handicapées en matière de travail et d’emploi, ayant pour effet de limiter leurs choix d’orientation professionnelle et leurs possibilités d’accès, de maintien ou de retour à l’emploi ;
  4. Poursuivre les avancées récentes consistant à prendre en compte la situation des femmes handicapées dans les dispositifs destinés à lutter contre les violences faites aux femmes en veillant, en particulier, à une meilleure connaissance du phénomène par des études et des statistiques régulièrement actualisées, à l’intensification de la formation et de la sensibilisation de tous les acteurs, professionnels et bénévoles, au renforcement de l’autonomie professionnelle et financière des femmes en situation de handicap, et à la réalisation d’efforts concrets en termes d’accès aux soins, notamment gynécologiques, et d’accessibilité de la justice ainsi que des lieux d’hébergement d’urgence.

Enfants handicapés

  1. Mettre en place les outils statistiques permettant de recueillir des données fiables, ventilées a minima par sexe, tranche d’âge et typologie de handicap, et régulièrement actualisées sur le nombre d’enfants handicapés (en métropole, outremer ou accueillis hors de France) et leur situation au regard de l’effectivité de leurs droits en ce qui concerne, notamment, l’accès à la scolarisation, aux activités de loisirs, à un accompagnement médicosocial adapté ;
  2. Prendre, sans délai, les mesures inscrites dans la nouvelle Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement (TND) 2018-2022 et la Stratégie nationale de protection et de prévention de l’enfance 2020-2022 et garantir les moyens humains et financiers nécessaires à la réalisation des objectifs ;
  3. Adopter une approche transversale des politiques publiques en faveur des enfants en situation de handicap afin d’apporter des réponses adaptées aux besoins de tous les enfants, quel que soit leur handicap ;
  4. Prendre en compte la situation des enfants handicapés dans les études, les politiques publiques, les plans et programmes destinés à lutter contre les violences faites aux enfants.

Sensibilisation

  1. Organiser, dans les meilleurs délais, une grande campagne nationale de sensibilisation à destination de l’ensemble de la population afin de lutter contre les stéréotypes et préjugés à l’égard des personnes handicapées et promouvoir le respect de leurs droits selon une approche respectueuse de la Convention.

Accessibilité

  1. Sachant que l’accessibilité est une condition préalable essentielle à la jouissance effective des droits par les personnes handicapées, prendre sans délai les mesures législatives, réglementaires ou autres pour éliminer les obstacles existants et garantir l’accessibilité de l’environnement et de la totalité de la chaîne de déplacement aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap.

Et, à cet effet :

  1. Procéder à un recensement exhaustif et régulièrement actualisé de l’ensemble des établissements recevant du public (ERP) soumis à l’obligation d’accessibilité (de la 1ère à la 5e catégorie) et produire des données qualitatives sur leur situation au regard de cette exigence ;
  2. Mettre en œuvre les modalités de contrôle prévues par les textes afin de vérifier, pour l’ensemble des ERP, le respect des exigences en matière d’accessibilité et prendre les sanctions appropriées à l’encontre de ceux qui n’auraient pas respecté leurs obligations ;
  3. Rappeler, à l’ensemble des acteurs concernés, qu’en vertu du principe général de non-discrimination fondée sur le handicap, l’impossibilité avérée de rendre accessible, de manière définitive ou temporaire, impose une obligation d’aménagement raisonnable afin de permettre aux personnes handicapées un égal accès aux droits, prestations et services offerts ;
  4. Publier les textes d’application nécessaires à la mise en œuvre de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 concernant les normes d’accessibilité applicables aux enceintes sportives, aux établissements destinés à offrir au public une prestation visuelle ou sonore, aux centres de rétention administrative et aux locaux de garde à vue, aux chapiteaux, tentes et structures, aux établissements flottants et aux locaux de travail ;
  1. Abroger les dispositions de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN » en ce qu’elles méconnaissent les principes d’accessibilité et de conception universelle édictés par la Convention, et rétablir la règle du « tout accessible » applicable aux logements neufs, prévue par la loi du 11 février 2005 ;
  2. Modifier la loi afin d’y inscrire l’obligation d’accessibilité de l’ensemble des points d’arrêt du réseau de transport, y compris du réseau de transport scolaire, en prévoyant une programmation de leur mise en accessibilité de manière à garantir, à terme, l’accessibilité de la totalité de la chaîne de déplacement ;
  1. Inscrire, dans la loi, une obligation générale de mise en accessibilité de la voirie publique ou privée ouverte à la circulation publique, et ce indépendamment de tout projet de réalisation de voies nouvelles, d’aménagements ou de travaux réalisés sur la voirie.

Situations de risque et d’urgence humanitaire

  1. Assurer un accueil et une prise en charge de qualité des personnes en situation de handicap par les services d’urgence et hospitaliers et, à cette fin, former et sensibiliser les professionnels de la santé au handicap ;
  2. Prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès de toutes les personnes handicapées, y compris les personnes sourdaveugles et aphasiques, au numéro national d’appel d’urgence « 114 » ;
  3. Réaliser un bilan de la crise sanitaire liée à la Covid 19 afin d’établir un plan de prévention et de gestion des risques conciliant les enjeux de santé publique avec la nécessité de réponse appropriée aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap de manière à préserver non seulement leur santé, mais aussi leurs droits et libertés.

Reconnaissance de la personnalité juridique

  1. Procéder à un toilettage complet de la législation afin de rendre effective, dans tous les domaines, la reconnaissance de la capacité juridique et des droits fondamentaux des personnes handicapées placées sous régime de protection, conformément à la Convention ;
  2. Créer une mesure de protection unique fondée sur la présomption de capacité du majeur protégé et sur l’accompagnement de la personne dans le respect de sa volonté et de ses préférences ;
  3. Renforcer de manière substantielle les moyens alloués à la protection des majeurs afin de répondre à la situation de pénurie dans laquelle se trouvent la plupart des tribunaux et aux difficultés rencontrées par les mandataires judiciaires dans l’exercice de leur profession ;
  4. Mettre en place, à destination des acteurs chargés de l’accompagnement des majeurs protégés, y compris les familles, des formations axées sur le respect des droits fondamentaux, de la volonté et des préférences des personnes ;
  5. Renforcer, au niveau national, le pilotage des politiques publiques en matière de protection des majeurs par la création d’un Conseil national de la protection juridique des majeurs et la nomination d’un délégué interministériel.

Accès à la justice

  1. Prendre les mesures appropriées afin de rendre effectif l’accès à la justice aux usagers et auxiliaires de justice handicapés, quel que soit le handicap, et à cette fin :- Rendre accessibles, dans les meilleurs délais, les tribunaux et autres lieux concernés (commissariats, lieux de détention, …) ;
    – Aménager les procédures de justice pour les rendre accessibles à toutes les personnes handicapées et, pour cela, compléter l’article 76 de la loi du 11 février 2005 afin de garantir l’accès aux informations dans des formats accessibles à tous et permettre, à toutes les étapes de la procédure, à chaque personne, quelle que soit la nature de son handicap, d’avoir accès à l’assistance ou à l’accompagnement de son choix ;
    – Modifier les conditions de recours à l’aide juridictionnelle pour permettre aux personnes handicapées, compte tenu des prestations accordées au titre du handicap, d’accéder à une aide juridictionnelle totale ;
    – Développer, sur tout le territoire national, des permanences juridiques et des points d’accès aux droits répondant aux besoins des personnes handicapées ;
  2. Veiller, dans le cadre de la réforme de l’organisation de la justice, à mettre en œuvre des procédures garantissant des modalités de traitement adaptées aux besoins spécifiques des personnes handicapées, en termes de délais de traitement, d’expertise pluridisciplinaire, etc. ;
  1. Introduire, dans la formation initiale et continue des professionnels de justice, une formation obligatoire aux spécificités de l’accueil et de l’accompagnement des justiciables handicapés ainsi qu’un module spécifique sur les droits des personnes handicapées, selon une approche conforme à la Convention.

Liberté et sécurité de la personne

  1. Réformer le dispositif de prise en charge des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques afin de garantir le respect de leurs droits fondamentaux, en faisant notamment en sorte de :
  2. Rechercher, de manière effective, le consentement de la personne concernée avant toute mesure d’hospitalisation ou de traitements médicamenteux ;
  • Garantir aux patients l’accès à l’information sur leurs droits et l’exercice des voies de recours ;
  • Rendre effectif le contrôle judiciaire dans le cadre des mesures d’hospitalisation contraintes et l’étendre aux soins ambulatoires ;
  • Mettre fin au recours, encore trop fréquent, à l’isolement avec ou sans contention ;
  1. Encadrer le statut des Unités pour malades difficiles (UMD) s’agissant, en particulier, de définir les critères d’admission et les modalités de sortie ;
  2. Favoriser le recours au dispositif d’aménagement de peine ainsi qu’aux mesures alternatives à l’emprisonnement lorsque l’état de santé ou le handicap de la personne est incompatible avec les conditions de détention ;
  3. Prendre les mesures législatives et règlementaires appropriées pour garantir aux étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement et dont l’état de santé est incompatible avec un enfermement en centre de rétention, une prise en charge adaptée et respectueuse de leurs droits fondamentaux.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants

  1. Former et sensibiliser au handicap les personnels concourant à l’administration de la justice, s’agissant en particulier des personnels chargés de la sécurité, des personnels des établissements pénitentiaires et des centres de rétention ;
  2. Prendre les mesures appropriées pour garantir aux personnes handicapées incarcérées des conditions de détention adaptées à leur handicap et respectueuses de leurs droits fondamentaux, et pour cela :
    – Rendre accessibles les établissements pénitentiaires aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, y compris les espaces ouverts aux visiteurs ;
    – Permettre aux personnes concernées d’avoir accès à l’accompagnement et aux soins justifiés par leur handicap en levant, notamment, les obstacles à l’évaluation des besoins de compensation par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ;
    – Veiller à la mise en œuvre effective des aménagements raisonnables, chaque fois que nécessaire, pour répondre aux besoins des personnes handicapées ;
  3. Mettre fin aux mesures d’incarcération inadaptées des personnes atteintes de troubles mentaux en faisant en sorte qu’elles aient accès à une prise en charge adaptée à leurs besoins.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance

  1. Renforcer le cadre juridique et les dispositifs permettant de lutter contre les maltraitances à l’encontre des personnes handicapées et, à cet effet :
  2. Adopter une définition claire et partagée par les différentes législations de la notion de maltraitance ;
  • Rendre plus efficients les contrôles des établissements et services médicosociaux par les autorités compétentes ;
  • Simplifier les procédures de signalement des maltraitances et assurer une réelle protection des auteurs de signalement ;
  • Mettre en place un plan national d’actions de lutte contre les maltraitances, assorti d’échéances, comme annoncé en conclusion des travaux de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et promotion de la bientraitance des personnes âgées et des personnes handicapées.

Protection de l’intégrité de la personne

  1. Faire en sorte que la personne handicapée, dans toute décision touchant à son intégrité, puisse consentir personnellement et, à cette fin, que l’information nécessaire à la prise de décision lui soit délivrée directement et adaptée à ses facultés de compréhension.

Droit de circuler librement et nationalité

  1. Exonérer de la condition de ressources, pour l’octroi de la carte de résident, les étrangers bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire les personnes ayant un taux d’incapacité inférieur à 80 % et démontrant une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, et étendre les conditions d’exonération de ressources prévus par la loi aux étrangers handicapés relevant d’accords bilatéraux ;
  2. Supprimer toute forme de discrimination à l’égard des personnes handicapées étrangères souhaitant s’installer en France ou acquérir la nationalité française en veillant à aménager les procédures, de telle sorte qu’elles prennent en compte la situation de handicap, et à garantir le respect de ces aménagements par les autorités ;
  1. Prendre, sans délai, les mesures appropriées pour remédier aux difficultés rencontrées par les personnes handicapées étrangères, accueillies en Belgique faute de places en établissement et service médico-social sur le territoire national, pour conserver leur droit au séjour en France.

Autonomie de vie et inclusion dans la société

  1. Instaurer un dispositif d’évaluation globale permettant d’identifier, dans une approche inclusive, l’ensemble des mesures et réponses adaptées devant être mises en œuvre pour répondre aux besoins de chaque personne handicapée ;
  2. Rendre effectif le droit à la compensation des conséquences du handicap et, à cette fin, garantir à chaque personne handicapée, autant que nécessaire, l’accès à une compensation respectueuse de ses choix, couvrant l’ensemble de ses besoins, dans tous les domaines et aspects de sa vie ;
  1. Réformer le système des prestations accordées au titre de la compensation du handicap afin :
    – d’apporter une réponse appropriée aux besoins de chaque personne, quel que soit l’âge auquel survient le handicap ;
    – de garantir des modalités de prise en charge des surcoûts liés au handicap permettant de couvrir les besoins réels des personnes handicapées ;
  2. Remédier aux inégalités territoriales, en matière de compensation du handicap, en renforçant le pilotage national des politiques relatives à l’autonomie et en confortant la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dans ses missions d’animation et de coordination du réseau des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des maisons départementales de l’autonomie (MDA) ;
  1. Veiller à ce que le programme de transformation de l’offre médico-sociale, destiné à instaurer un système d’accueil et d’accompagnement plus inclusif, prenne en compte les besoins de toutes les personnes handicapées, quelle que soit la nature et la gravité de leur handicap ;
  2. Définir un véritable statut de l’aidant et, dans cet objectif, procéder à une refonte des dispositifs existants dans une logique d’harmonisation des droits, s’agissant en particulier des droits sociaux, du droit au répit et du droit à une formation spécifique.

Mobilité personnelle

  1. Permettre aux personnes en situation de handicap de se déplacer avec la plus grande autonomie possible en mettant à leur disposition un système de transport répondant à la diversité de leurs besoins, sur l’ensemble du territoire national, et à cette fin :
    – Étendre l’obligation de créer des services de substitution pour tous les cas où les points d’arrêts, y compris ceux qui ne sont pas identifiés comme prioritaires, ne peuvent être rendus accessibles ;
    – Rendre obligatoire, pour les collectivités locales, la mise en place de services de transport à la demande, accessibles à toute personne handicapée justifiant de difficultés à se déplacer de manière autonome, quel que soit son taux d’incapacité ;
    – Clarifier et harmoniser les conditions de recours aux différents dispositifs de transport, dans un objectif de continuité de la chaîne de déplacement ;
  2. Mettre en place, dans les meilleurs délais, le plan d’action et de communication, annoncé par le gouvernement, destiné à faire cesser les refus d’accès aux transports et aux lieux ouverts au publics aux personnes handicapées accompagnées d’un chien d’assistance ;
  3. Réformer le dispositif du forfait poststationnement (FPS) de manière à prendre en compte les conditions spécifiques de stationnement prévues en faveur des personnes handicapées, à faire cesser les verbalisations abusives à leur encontre, et à lever les obstacles au droit au recours ;
  4. Garantir, aux personnes handicapées, l’accès aux aides techniques nécessaires à leur autonomie et, à cet effet, prendre les mesures appropriées, d’ordre législatif et règlementaire, pour simplifier les procédures, réguler les tarifs pour permettre l’accès aux aides à un coût abordable, et assurer une compensation suffisante pour couvrir les besoins réels des personnes handicapées.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information

  1. Instaurer un véritable dispositif de contrôle de conformité des sites internet aux règles d’accessibilité, assorti de sanctions dissuasives, et pour cela :
  • Créer une entité ad hoc chargée du suivi et de la mise en œuvre des obligations d’accessibilité, du contrôle de la conformité aux normes d’accessibilité et dotée d’un pouvoir de sanction en cas de non-respect des normes d’accessibilité imposées ;
  • Mettre en place, à destination des usagers, un dispositif de signalement des manquements aux règles d’accessibilité des sites.
  1. Faire en sorte que des mesures appropriées soient systématiquement envisagées afin de permettre aux personnes handicapées d’accéder à leurs droits et prendre, à cet effet, les dispositions nécessaires pour préserver plusieurs modalités d’accès aux services publics pour qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ;
  2. Introduire, dans la formation initiale et continue des professionnels du numérique, une formation à l’accessibilité numérique ;
  3. Rendre effective l’obligation légale d’accessibilité des services téléphoniques aux personnes sourdaveugles et aphasiques ;
  4. Prendre les mesures législatives et règlementaires afin de permettre aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, de bénéficier, dans leurs relations avec les services publics, d’une communication adaptée à leurs besoins ;
  5. Veiller à ce que l’ensemble des contenus et supports audiovisuels, y compris les supports numériques, prennent en compte les exigences d’accessibilité.

Respect de la vie privée

  1. Prendre les mesures appropriées afin de remédier aux carences des autorités compétentes en matière de contrôle du respect des droits fondamentaux, en particulier du droit à la vie privée des personnes accueillies en établissement ou service médico-social ;
  2. Garantir le plus strict encadrement du traitement des données à caractère personnel, en particulier des données sensibles de santé et, à ce titre, abroger le décret du 6 mai 2019 autorisant la mise en relation des données enregistrées dans le fichier dédié au suivi informatisé des patients hospitalisés sans consentement en psychiatrie, dit « Hopsyweb », et le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste.

Respect du domicile et de la famille

  1. Mettre fin à la dépendance financière de la personne handicapée à l’égard de son conjoint, en supprimant la prise en compte des ressources de ce dernier dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ;
  1. Développer une véritable politique de soutien à la parentalité des personnes handicapées et, à cet effet :
    – Rendre effectives, dans les meilleurs délais, les mesures prévues dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022 ;
    – Réformer la prestation de compensation du handicap (PCH) afin d’y intégrer la prise en compte des besoins spécifiques attachés à la parentalité
    – Permettre le cumul entre les prestations accordées au parent au titre de son handicap et les allocations accordées pour l’éducation de son enfant ;
  2. Améliorer et simplifier le système des prestations accordées aux parents pour compenser le handicap de leur enfant afin de leur apporter une réponse adaptée à leurs besoins ;
  3. Exonérer de la condition de ressources prévue pour bénéficier du regroupement familial, les étrangers handicapés bénéficiaires de l’AAH, relevant d’accords bilatéraux, quel que soit leur taux d’incapacité ;
  4. Prendre les mesures appropriées pour mettre fin aux pratiques discriminatoires consistant à exclure les prestations sociales, et notamment l’AAH, du calcul des ressources prises en compte pour délivrer l’attestation d’accueil nécessaire à l’obtention d’un visa court séjour pour visite familiale ou privée.

Éducation

  1. Mettre en place des outils statistiques permettant de recueillir des données fiables et régulièrement actualisées sur le nombre d’enfants handicapés scolarisés et les modalités de leur scolarisation, en veillant à prendre en compte l’ensemble des enfants répondant à la définition du handicap, y compris ceux qui ne relèvent pas d’une reconnaissance ou d’une orientation par la MDPH ;
  1. Mettre en place des indicateurs permettant de suivre, en temps réel, la mise en œuvre des décisions des MDPH en matière de scolarisation ;
  2. Poursuivre les efforts déployés en faveur d’une école pleinement inclusive et, dans cet objectif :
    – Former les enseignants, les professionnels de l’éducation, les accompagnants et autres acteurs afin de lever les freins à l’éducation inclusive liés, notamment, à une représentation stéréotypée du handicap ;
    – Garantir des aménagements effectifs de la scolarité, adaptés aux besoins de chaque élève en situation de handicap ;
    – Prendre les mesures, d’ordre législatif et règlementaire, pour mettre fin aux discriminations à l’égard des élèves handicapés, en particulier les enfants « Dys », consistant à leur refuser des aménagements d’examens en cohérence avec les aménagements de leur scolarité ;
    – Garantir l’accès à la scolarité et à un accompagnement adapté à tous les enfants en situation de handicap et, dans cette perspective, amplifier la création des Unités d’enseignement externalisées (UEE), notamment à destination des élèves polyhandicapés ;
  1. Permettre aux enfants en situation de handicap d’avoir accès à un accompagnement adapté à leurs besoins, en prenant les mesures appropriées pour :
    – Clarifier, juridiquement, la compétence de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en matière d’évaluation du besoin d’accompagnement sur tous les temps de vie de l’enfant ;
    – Lever les obstacles structurels liés à la multiplicité des accompagnants, à la disparité de leurs statuts et à la pluralité des financeurs, selon le temps de vie de l’enfant considéré.
  2. Assurer aux étudiants handicapés, tout au long de leur cursus, l’accès aux aménagements et à l’accompagnement dont ils ont besoin pour suivre leurs études à égalité avec les autres, dans la filière de leur choix, en veillant notamment au respect, par les établissements d’enseignement supérieur, des dispositions de l’article L. 917-1 du code de l’éducation.

Santé

  1. Garantir l’accès de toutes les personnes en situation de handicap aux soins de santé, liés ou non au handicap, sur la base de l’égalité avec les autres et, à cette fin :
    – Rendre accessibles tous les lieux de soins, y compris les cabinets médicaux implantés dans les copropriétés, en supprimant la procédure dérogatoire spécifique, instituée par la loi, en faveur de ces établissements ;
    – Adopter un programme, assorti d’échéances, afin de mettre en place des installations, dispositifs et équipements de santé accessibles aux personnes handicapées et adaptés à leurs besoins ;
    – Introduire, dans la formation initiale et continue des professionnels de santé, un module obligatoire à l’accueil et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap ;
  2. Mettre fin aux entraves à l’accès aux soins des personnes handicapées accueillies dans les établissements et services médico-sociaux en garantissant la prise en charge des soins complémentaires, hors panier de soins, justifiés par leur handicap ;
  3. Assurer un égal accès aux soins, notamment psychiatriques, aux détenus en situation de handicap grâce, notamment, à une offre de soins et de personnel suffisante et à des conditions matérielles adaptées ;
  4. Prévenir les discriminations à l’encontre des bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME en instaurant, notamment, un contrôle des sites de prise de rendez-vous médicaux en ligne ainsi qu’un dispositif de signalement pour les utilisateurs en cas de refus de soins.

Adaptation et réadaptation

  1. Mettre fin aux discriminations rencontrées par les personnes handicapées dans l’accès à la formation professionnelle en :
    – Précisant le cadre juridique, et en particulier la procédure à respecter par les centres de formation professionnelle pour évaluer avec objectivité l’aptitude des candidats à une formation professionnelle ainsi que les aménagements raisonnables à mettre en place ;
    – Sensibilisant les acteurs de la formation professionnelle à l’obligation d’aménagement raisonnable ;
  2. Revoir le cadre d’intervention des dispositifs de réadaptation professionnelle afin qu’ils soient mieux coordonnés avec la formation professionnelle de droit commun et les mesures d’accompagnement à l’emploi ;
  1. Réaffirmer le rôle et la place des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) dans le processus d’inclusion des personnes en situation de handicap et prendre les mesures appropriées pour garantir aux travailleurs en ESAT la même protection qu’aux autres travailleurs. À cet effet, notamment :
    – Ajuster le système d’aides financières accordées aux ESAT afin de leur permettre de préserver leur vocation première d’accompagnement médicosocial des travailleurs handicapés tout en leur permettant de répondre aux contraintes structurelles, économiques et budgétaires auxquelles ils doivent faire face ;
    – Définir des critères objectifs de fixation de la rémunération versée aux travailleurs handicapés en contrepartie de leur travail ;
    – Veiller à la mise en œuvre effective par les agences régionales de santé de leur mission de contrôle de fonctionnement des ESAT, notamment en matière de respect des droits fondamentaux des travailleurs handicapés ;
    – Garantir l’accès effectif à la médecine du travail aux travailleurs handicapés accueillis en ESAT, sur l’ensemble du territoire national.

Travail et emploi

  1. Mettre en place des outils statistiques permettant de recueillir des données fiables et régulièrement actualisées sur le taux d’emploi et de chômage des personnes handicapées, y compris celles qui ne relèvent pas de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), en ventilant a minima ces données par typologie de handicap, sexe, âge, niveau de formation, secteur de travail et d’emploi concerné ;
  2. Garantir l’égalité de traitement des personnes handicapées en matière d’accès à l’emploi, d’emploi, de formation professionnelle et de travail et pour cela, notamment :
    – Prendre les mesures appropriées pour mettre fin aux pratiques discriminatoires induites par la politique de « quota » d’emploi des travailleurs handicapés ;
    – Identifier les bonnes pratiques, respectueuses des droits fondamentaux des personnes handicapées, et valoriser ces pratiques auprès des employeurs et autres acteurs de l’insertion professionnelle ;
    – Développer des actions d’information et de sensibilisation sur l’obligation d’aménagement raisonnable, à destination des acteurs impliqués dans l’emploi des personnes handicapées ;
  1. Mettre en place un dispositif pérenne d’accompagnement, de soutien et de financement des actions menées par les employeurs et les acteurs de l’insertion professionnelle en faveur de l’emploi des personnes handicapées, notamment celles d’entre elles qui sont les plus éloignées de l’emploi ;
  2. Prendre les mesures règlementaires nécessaires à la mise en œuvre effective de l’obligation légale de mise en accessibilité des locaux de travail existants.

Niveau de vie adéquat et protection sociale

  1. Sortir de la précarité les personnes handicapées qui, en raison de leur handicap, ne peuvent subvenir à leurs besoins, en leur garantissant un revenu d’existence adéquat pour leur permettre de participer pleinement et effectivement à la société sur la base de l’égalité avec les autres ;
  2. Garantir l’autonomie individuelle et l’indépendance financière de la personne handicapée en déconnectant l’accès aux prestations accordées au titre du handicap de toute prise en compte des ressources des personnes de son entourage, notamment de son conjoint (v. recommandation n° 69) ;
  1. Accorder des prestations de compensation du handicap correspondant aux besoins réels des personnes handicapées (v. recommandations n° 52 et 53) afin de leur éviter d’amputer leur revenu d’existence pour faire face aux frais supplémentaires spécifiques liés à leur handicap ;
  2. Lever les freins juridiques à l’employabilité des personnes handicapées liés, notamment, aux conditions de reconnaissance de la restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi (RSDAE) pour l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés au titre de l’article 821-2 du code de la sécurité sociale ;
  3. Prendre les mesures appropriées, d’ordre législatif, règlementaire ou autre, afin de faire cesser, sans délai, les pratiques des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) consistant à remettre en cause, à situation inchangée, les droits et prestations accordées aux personnes handicapées, et ainsi mettre fin à l’insécurité juridique et financière qui en découle pour ces personnes ;
  4. Simplifier les conditions d’accès à la retraite anticipée pour les personnes handicapées de manière à rendre ce dispositif plus efficient et, notamment, permettre aux assurés handicapés, quel que soit leur taux d’incapacité au moment de la liquidation de leur retraite, de bénéficier de la procédure de réexamen de leur situation ;
  5. Prendre les mesures, notamment législatives, pour mettre fin aux discriminations à l’encontre des personnes handicapées induites par l’article L. 341-16 du code de la sécurité sociale (CSS), et leur permettre de poursuivre, après l’âge légal de la retraite, si elles le souhaitent et sur la base de l’égalité avec les autres, leurs démarches de retour à l’emploi.

Participation à la vie politique et à la vie publique

  1. Garantir l’effectivité du droit de vote et l’accessibilité de l’ensemble des opérations électorales aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap. À cet effet :
    – Introduire, dans le code électoral, un référentiel définissant les conditions et modalités d’accessibilité des opérations de vote aux personnes handicapées ;
    – Former et sensibiliser l’ensemble des parties prenantes au processus électoral, à l’accessibilité et à l’accueil des personnes handicapées ;
    – Renforcer les actions engagées afin de rendre obligatoire, pour tous les candidats, l’accessibilité de leur campagne électorale ;
    – Prévoir, notamment à l’occasion de chaque élection, une campagne de communication sur le droit de vote des personnes handicapées.
  2. Engager une réflexion sur l’éligibilité des personnes handicapées, selon une approche conforme à la Convention.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports

  1. Rendre effectif l’accès des personnes handicapées aux activités culturelles et récréatives, aux loisirs et aux sports en veillant, en particulier, à l’accessibilité des lieux, des installations, des activités, des prestations, …, ouverts à tous, dans une approche inclusive, et à la mise en œuvre des aménagements raisonnables chaque fois que nécessaire ;
  2. Favoriser l’accès et la participation des personnes handicapées à la culture, sur la base de l’égalité avec les autres. Et, dans cet objectif
    -Identifier et lever les freins juridiques à l’exercice des professions culturelles et artistiques par les personnes handicapées ;
    – Former et sensibiliser les professionnels de la culture à l’accueil des personnes handicapées ;
    – Mettre en place une politique tarifaire attractive en veillant, en particulier, à ne pas sur-tarifer l’accès aux emplacements accessibles ;
  3. Promouvoir la participation des personnes handicapées aux activités sportives ordinaires à tous les niveaux en invitant, notamment, les fédérations sportives à adapter leur règlementation interne et à rappeler, à leurs adhérents, les conditions d’admissions des personnes en situation de handicap dans le cursus classique, sur la base d’une évaluation in concreto de leurs aptitudes et au vu des aménagements raisonnables susceptibles d’être mis en place ;
  4. Permettre l’accès des enfants en situation de handicap aux activités de loisirs, à égalité avec les autres enfants, en prenant des mesures immédiates afin de :
    – Donner plein effet aux préconisations du rapport de la mission nationale pour l’accès des enfants en situation de handicap aux accueils de loisirs ;
    – Clarifier le cadre légal de l’accueil des enfants en situation de handicap pendant les différents temps d’activités périscolaire et extrascolaire, s’agissant en particulier de la prise en charge des besoins d’accompagnement, afin d’harmoniser les pratiques et mettre fin aux nombreuses disparités territoriales.

 Art. 31 à 33 – Obligations particulières

Statistiques et collecte des données

  1. Améliorer la connaissance de la situation des personnes handicapées par la coordination, le pilotage national, la mise en cohérence, la diffusion et la comparabilité des données relatives aux handicap dans tous les domaines. Dans cet objectif, prévoir des éléments de cadrage nationaux pour, notamment :
    – Harmoniser la notion de handicap prise en compte dans les différentes sources statistiques et collectes des données ;
    – Garantir une plus grande homogénéité dans le recueil des données, en particulier en termes de périodicité des différentes études et statistiques, de manière à pouvoir comparer les données ;
    – Faire en sorte de disposer de données fiables et régulièrement actualisées, ventilées a minima par sexe, tranche d’âge et typologie de handicap, dans une approche intersectionnelle, et couvrant l’ensemble des politiques du handicap ;
  2. Déployer, dans les meilleurs délais, sur l’ensemble du territoire national, le système d’information commun à l’ensemble des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et le système d’information de suivi des décisions d’orientation vers les établissements et services médicosociaux (ESMS) ;
  3. Prévoir un volet handicap dans les enquêtes statistiques, notamment celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), et renouveler l’enquête Handicap-santé menée en 2008.

Coopération internationale

  1. Intégrer la question du handicap dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes, projets et stratégies de l’Agence française pour le développement (AFD) et subordonner l’octroi des aides publiques au développement à la prise en compte du handicap.

Application et suivi au niveau national

  1. Renforcer la formation et la sensibilisation des points de contact aux nouveaux enjeux liés à la mise en œuvre de la Convention ;
  2. Développer une politique nationale cohérente de mise en œuvre de la Convention impliquant les collectivités territoriales ;
  3. Donner au mécanisme indépendant chargé du suivi de l’application de la Convention, les ressources techniques, financières et humaines nécessaires à l’exercice de ses missions.


Liste des sigles

A

AAH : Allocation aux adultes handicapés

ACS :  Aide au paiement d’une complémentaire santé

Ad’Ap :  Agenda d’accessibilité programmée

AEEH :  Allocation d’éducation de l’enfant handicapé

AESH :  Accompagnant d’élève en situation de handicap

AFD :  Agence française du développement

AGEFIPH :  Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées

AME :  Aide médicale de l’État

AOT :  Autorité organisatrice de transport

APA :  Allocation personnalisée d’autonomie

ARS :  Agence régionale de santé AVS :  Auxiliaire de vie scolaire

B

BEPC :  Brevet d’études du premier cycle

C

CAMSP :  Centre d’action médico-sociale précoce

CASF :  Code de l’action sociale et des familles

CAT :  Comité contre la torture des Nations Unies

CCNE :  Comité consultatif national d’éthique

CDAPH :  Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées

CEDH :  Convention européenne des droits de l’homme

CEREMA :  Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

CESE :  Conseil économique et social environnemental

CESEDA :  Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

CFHE :  Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes

CGLPL :  Contrôleur général des lieux de privation de liberté

CIDE :  Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant

CIDPH :  Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées

CJUE :  Cour de justice de l’Union européenne

CMI :  Carte mobilité inclusion

CMPP :  Centre médico-psycho-pédagogique

CMU-C :  Couverture maladie universelle complémentaire

CNAF :  Caisse nationale d’allocations familiales

CNCPH :  Conseil national consultatif des personnes handicapées

CNDS :  Commission nationale de déontologie de la sécurité

CNH :  Conférence nationale du handicap

CNIL :  Commission nationale de l’informatique et des libertés

CNSA :  Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

COG :  Convention d’objectifs et de gestion

CPF :  Compte personnel de formation

CPO :  Centres de préorientation

CRA :  Centre de rétention administrative

CRDP :  Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies

CRP :  Centre de réadaptation professionnelle

CSA :  Conseil supérieur de l’audiovisuel

CSS :  Code de la sécurité sociale

CTNERHI :  Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations

CVS :  Conseil de la vie sociale

D

DACS :  Direction des affaires civiles et du sceau

DARES :  Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques

DEPP :  Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance

DGESCO :  Direction générale de l’enseignement scolaire

DREES :  Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

DOM/DROM :  Départements d’outre-mer / départements et régions d’outremer

DMA :  Délégation ministérielle à l’accessibilité

E

EA :  Entreprise adaptée

ERP :  Établissement recevant du public

ESAT :  Établissement et service d’aide par le travail

ESMS :  Établissements et services médicosociaux

ETP :  Équivalent temps plein

F

FALC :  Facile à lire et à comprendre

FAI :  Fournisseurs d’accès à internet

FEPH :  Forum européen des personnes handicapées

FFAC :  Fédération française des associations de chiens guides d’aveugles

FIPHFP :  Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique

FPS :  Forfait de post-stationnement

FSPRT :  Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste

G

GRPH :  Garantie de ressources des personnes handicapées

H

HALDE :  Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

HAS :  Haute autorité de santé

HCE :  Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes

I

IGAENR :  Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche

IGAS :  Inspection générale des affaires sociales

IGEN :  Inspection générale de l’éducation nationale

IGF :  Inspection générale des finances

J

JADE :  Jeunes ambassadeurs des droits auprès des enfants

JDC :  Journée défense et citoyenneté

JLD :  Juge des libertés et de la détention

L

LPC :  Langage parlé complété

LSF :  Langue des signes française

M

MDA :  Maison départementale de l’autonomie

MDPH :  Maison départementale des personnes handicapées

MSSH :  Maison des sciences sociales du handicap

MVA :  Majoration pour la vie autonome

O

OETH :  Obligation d’emploi des travailleurs handicapés

OFII :  Office français de l’immigration et de l’intégration

OFPRA :  Office français de protection des réfugiés et des apatrides

ONDRP :  Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales

ONFRIH :  Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap

OIT :  Organisation internationale du travail

OMS :  Organisation mondiale de la santé

P

Pacs :  Pacte civil de solidarité

PAP :  Projet d’accompagnement personnalisé

PAVE :  Plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics

PCH :  Prestation de compensation handicap

PPS : Projet personnalisé de scolarisation

PREPARE :  Prestation partagée d’éducation de l’enfant

Q

QPC : Question prioritaire de constitutionnalité

R

RAPT : Réponse accompagnée pour tous

RSDAE :  Restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi

S

SDA :  Schéma directeur d’accessibilité

SESSAD :  Service d’éducation spécialisée et de soins à domicile

SG-CIH :  Secrétariat général du Comité Interministériel du Handicap

SIG :  Service d’information du gouvernement

SMAD :  Service des médias audiovisuels à la demande

SMIC : Salaire minimum de croissance

T

TND :  Troubles du neurodéveloppement

TSA :  Troubles du spectre autistique

U

UEE :  Unité d’enseignement externalisée

UEMA :  Unité d’enseignement en maternelle pour l’autisme

UEROS :  Unité d’évaluation de réentrainement et d’orientation sociale et professionnelle

ULIS :  Unité localisée pour l’inclusion scolaire

UMCRA :  Unité médicale du centre de rétention administrative

UMD :  Unités pour malades difficiles

 

Références

  1. Étude n° 999, Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES), mars 2017 : « Cet effort passe avant tout par le système de protection sociale : les différentes prestations sociales versées au titre du handicap représentent 42,7 milliards d’euros en 2014. Les avantages fiscaux et sociaux en sus s’élèvent, quant à eux, à 3,4 milliards d’euros en 2014 ».
  1. Rapport de visite en France de Madame Catalina Devandas-Aguilar, Rapporteure spéciale sur les droits des personnes handicapées, 8 janvier 2019
  2. Appel à témoignages auprès des résidents d’outre-mer : Les outre-mer face aux défis de l’accès aux droits. Les enjeux de l’égalité devant les services publics et de la non-discrimination – Études et Résultats – Défenseur des droits – Septembre 2019
  3. Rapport sur La violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences présenté en 2012 devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, Rashida Manjoo ; Rapport du secrétaire général de l’ONU en date du 28 juillet 2017 réf. A/72/227 ; Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne Violence against women an EU-wide survey – 2014 ; Étude ONDRP d’après les résultats des enquêtes « Cadre de vie et sécurité 2008-2014 » – C Rizk – Repères n° 31 mars 2016
  1. Rapport d’information n° 14 (2019-2020) de M. Roland COURTEAU, Mmes Chantal DESEYNE, Françoise LABORDE et Dominique VÉRIEN, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 3 octobre 2019
  2. L’analyse englobe 17 études apportant des données sur 18 374 enfants handicapés vivant dans des pays à haut revenu, dont la France : http://www.who.int/mediacentre/ news/notes/2012/child_disabilities_ violence_20120712/fr/
  3. Pour répondre aux situations de harcèlement, le ministère de l’Éducation nationale propose le site « Non au harcèlement » permettant de retrouver un ensemble d’outils, afin que les professionnels puissent mettre en place des actions préventives. Ce site valorise également les initiatives des écoles et des établissements, notamment les outils pédagogiques produits. Un numéro vert a été mis en place par le ministère, le « 30 20 ».
  4. Géographie de l’École édition 2017, chiffres de 2015.
  5. Articles 49 (locaux d’habitation, installations ouvertes au public, notamment les locaux scolaires, universitaires et de formation) et 52 (transport collectif)
  1. Obligation déjà inscrite dans la loi n° 91-663 du 13 juillet 1991.
  2. Article L. 111-7-3 et R. 111-19-33 du CCH
  3. Arrêté du 29 décembre 2016 précisant les modalités particulières de mise en accessibilité des établissements pénitentiaires existants
  4. Article L. 111-7 et R. 111-19-4 à R. 111-19-5 du CCH.
  1. En application de la règlementation, seuls les bâtiments d’habitation collectifs obligatoirement desservis par un ascenseur sont tenus de répondre à la condition d’accessibilité des logements fixée par la loi du 11 février 2005. Elle concerne les seuls immeubles de 4 étages.
  2. Insee Focus, n° 52, 31 décembre 2015
  3. « Mortalité des personnes souffrant de troubles mentaux. Analyse en causes multiples des certificats de décès en France, 2000-2013 ».
  4. Rapport L’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées, Pascal Jacob, Avril 2013
  1. Le 6 octobre 2015, le Défenseur des droits a publié un rapport, intitulé Exilés et droits fondamentaux : la situation sur le territoire de Calais, faisant état des atteintes préoccupantes aux droits fondamentaux des exilés à la frontière franco-britannique.
  2. Rapport Cour des comptes : « La protection juridique des majeurs : une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante » – Septembre 2016
  1. D’après ce même rapport, en 2016, 86 % de ces personnes étaient reconnues comme handicapées par la MDPH : tous âges confondus, 54 % recevaient une prestation liée au handicap (dont 48 % l’AAH) et près de 30 % des personnes de 75 ans et plus recevaient l’APA.
  2. Rapport de mission interministérielle « L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables » – Anne Caron Déglise, Avocate générale à la Cour de cassation
  3. Avis n° 18-22 du 27 septembre 2018 et avis n°19-01 du 10 janvier 2019
  4. CE, 22 octobre 2010, n° 301572
  5. Assemblée Nationale, Rapport sur L’évaluation de la loi du 27 septembre 2013, 15 février 2017 ; Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Carnet des droits de l’homme, Respecter les droits de l’homme des personnes ayant des déficiences psychosociales ou intellectuelles : une obligation qui n’est pas encore pleinement comprise, 24 août 2017.
  1. CGLPL, Rapport Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, 2016.
  2. CAT, Observations sur le 7e rapport périodique de la France, 10 juin 2016.
  3. CGLPL, Avis relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles, 17 janvier 2013.
  4. Décret n° 2016-94 du 1er février 2016 portant application des dispositions de la loi du 27 septembre 2013.
  5. Assemblée Nationale, Rapport sur L’évaluation de la loi du 27 septembre 2013, 15 février 2017, p. 46-49.
  6. Conseil d’État, 1ère et 6e chambres réunies, 17 mars 2017, n° 397774.
  7. Initialement prévue pour les personnes condamnées (art. 720-1-1 du Code de procédure pénale, inséré en 2002), la mesure a été étendue aux personnes en détention provisoire en 2014 (147-1 du même code).
  8. DDD, décision MLD 2013-24 du 11 avril 2013 relative aux conditions de détention des personnes handicapées.
  9. Ce ne sont pas des personnes dont l’état de santé interdit leur retour dans leur pays d’origine mais des personnes qui, en raison de leur état de santé, ne supportent pas l’enfermement : les personnes handicapées, les personnes ayant besoin d’un traitement ne pouvant pas être prescrit en rétention, les femmes enceintes ou les personnes atteintes de troubles psychiques.
  10. Circulaire NOR IMIM1000105C du 14 juin 2010.
  11. DDD, Décision MDS-2016-139 du 19 mai 2016 ; Décision MDS-2011-96 du 10 juillet 2012.
  12. CourEDH, Boukrourou c. France, 16 novembre 2017.
  13. Voir avis n° 12-02 du 16 octobre 2012 et n° 14-02 du 21 mai 2014.
  14. IGAS, Évaluation du plan d’actions stratégiques 2010-2014 relatif à la politique de santé des personnes placées sousmain de justice, novembre 2015, p. 3 : « Un entrant sur dix est orienté vers une consultation de psychiatrie à l’issue de l’examen clinique d’entrée en détention. Plus de la moitié des personnes détenues ont déjà un antécédent de troubles psychiatriques, tandis qu’un entrant sur six a déjà été hospitalisé en psychiatrie. Les pathologies et troubles mentaux sont surreprésentés en milieu carcéral : une personne détenue sur 25 répond aux critères diagnostics de schizophrénie (soit quatre fois plus qu’en population générale), plus d’une personne détenue sur trois est atteinte de syndrome dépressif, une sur 10 est atteinte de dépression mélancolique à haut risque de suicide, une sur six a une phobie sociale, une sur trois une anxiété généralisée ».
  15. Cour EDH, G. c. France, 23 février 2012, §78 et 80.
  16. En 2017, les situations de maltraitance institutionnelle représentent 20 % des saisines (200 à 250 réclamations) traitées par le pôle « droits des malades et dépendance » du DDD, contre 15% en 2011.
  17. Comité CIDE, Observations finales sur le 5e rapport de la France, 23/02/2016, § 4041 ; Comité des droits de l’homme (CCPR), Observations finales sur le 5e rapport de la France, 17/08/2015, §20.
  18. CGLPL, Rapport annuel d’activités 2017. « L’implication des soignants, leur souci du bien-être des patients et leur approche bienveillante ne font pas doute. Cependant, ce sont les références qui manquent : si les droits des patients ne sont pas respectés, c’est parce que les équipes débordées ne sont pas en mesure de s’interroger assez sur leurs pratiques, parce qu’elles n’ont pas été formées – notamment sur les questions juridiques – ou parce qu’elles n’ont pas connaissance des meilleures pratiques qui pourtant existent, parfois dans le même établissement. » En matière de droits des patients, les manquements observés ne sont pas insurmontables : « la rédaction de documents type et une campagne d’information et de formation ambitieuse » doivent pouvoir « régler ces difficultés ».
  19. Article 434-3 du Code pénal.
  20. Cinq condamnations ont été prononcées en 2016 à l’encontre de personnes physiques pour non dénonciation de mauvais traitements sur des personnes vulnérables (selon la Note sur la réaction aux actes et situations maltraitants de la Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance du HCFEACNCPH).
  21. Articles L. 331-8-1 et R. 331-8 du CASF, complétés par l’arrêté du 28 décembre 2016.
  22. Article L. 331-8-2 du CASF.
  23. Articles L. 1413-14 et R. 1413-6 et suivants du CSP, décret du 25 novembre 2016 et instruction DGS/PP1/DGOS/PF2/ DGCS/2A/2017/58 du 17 février 2017.
  24. L’articulation des compétences respectives est variable selon les personnes concernées (populations âgées ou handicapées, mineurs ou majeurs) et selon les environnements de vie (ESSMS, établissement de santé, domicile).
  25. Il n’existe aujourd’hui ni système d’information commun permettant le recueil et le suivi des informations ni même de nomenclature commune, acceptée par tous, qui permettrait, même sans système commun, de se communiquer aisément des informations entre partenaires (voir le Rapport d’évaluation de l’expérimentation d’une coordination départementale de recueil et de traitement des informations préoccupantes relatives aux personnes âgées et aux personnes handicapées, Eneis Conseil, 2015).
  26. Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « loi Sapin II »), chapitre 2.
  27. Article L. 313-24 du CASF.
  28. Article 226-14 du Code pénal.
  29. Ministère des affaires sociales et de la santé, Circulaire n. DGCS/SD5C/DSS/ CNSA/2016/126 du 22 avril 2016 relative aux orientations de l’exercice 2016 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.
  30. Prévues dans le Code de l’action sociale et des familles (articles L. 331-5 et suivants).
  31. « La signature des CPOM avec des gestionnaires d’établissements et services accueillant les personnes avec des troubles du spectre de l’autisme est strictement subordonnée au respect d’engagements de lutte contre la maltraitance, et donc à l’absence totale de pratique du “packing” au sein des établissements et services médico-sociaux couverts par le CPOM. Le comité des droits de l’enfant de l’ONU rappelle en effet, dans ses observations finales à la suite de la cinquième audition de la France en février 2016 (observation 40), sa “préoccupation concernant la technique du “packing” (consistant à l’enveloppement d’un enfant avec des linges humides et froids) qui constitue une maltraitance”. »
  32. Rép. QE N° 2689, 23 janvier 2018
  33. Code de la construction et de l’habitation, art. 441-1 et 441-4.
  34. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ pdf
  35. Réponse du ministère de la transition écologique et solidaire publiée dans le Journal officiel du Sénat du 7 mars 2019 à la question écrite n° 07570 de Michel Dagbert (Pas-de-Calais-SOCR) publiée dans le JO du Sénat du 1er novembre 2018. http://www.senat.fr/questions/base/2018/ html
  36. Rapport IGAS, Évaluation de la prise en charge des aides techniques pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, 2013, http://www. fr/rapportspublics/134000663-evaluation-de-la-priseen-charge-des-aides-techniques-pourles-personnes-agees ; Rapport de l’IGAS Évolution de la prestation de compensation du handicap (PCH) du 31 août 2017, http:// www.igas.gouv.fr/spip.php?article619
  37. Dossier de presse, Comité interministériel du handicap, 3 décembre 2019.
  38. Directive du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public
  39. http://www.modernisation.gouv.fr/sites/ default/files/fichiers-attaches/referentiel_ marianne-sept-2016-web.pdf
  40. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf / Guide-pour-mise-en-ligne.pdf
  41. Le Règlement général de protection des données (RGPD) du 27 avril 2016, entré en vigueur le 25 mai 2018, ainsi que la Directive sur les traitements de données entrée en vigueur le 28 avril 2016.
  42. Loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.
  43. Décret n° 2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement.
  44. Délibération n° 2018-152 du 3 mai 2018 portant avis sur un projet de décret autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement. Les recommandations faites par la CNIL sur le projet n’ont pas été suivies par le gouvernement.
  45. La Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée, figurant à l’annexe 4-3 du décret n° 2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales,
  46. Article L. 1111-7 du Code de la santé publique : « Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique, la personne en charge de l’exercice de la mesure, lorsqu’elle est habilitée à représenter ou à assister l’intéressé dans les conditions prévues à l’article 459 du Code civil, a accès à ces informations dans les mêmes conditions ».
  47. Délibération n° 2016-175 du 9 juin 2016 portant autorisation unique relative aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, ayant pour finalités la gestion et le suivi de la représentation juridique, de l’assistance et du contrôle des personnes placées par l’autorité judiciaire sous sauvegarde de justice, curatelle, tutelle ou mesure d’accompagnement judiciaire (AU-050).
  48. Rapport n°1682, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2019.
  49. Rapport Évaluation de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), IGAS, juillet 2016.
  50. Avis du Défenseur des droits n° 19-06 du 10 avril 2019 à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005
  1. Rapport de l’Assemblée nationale n° 2178 fait au nom de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005 – 18 juillet 2019
  1. Rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap, enregistré la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2018.
  2. Rapport Évaluation de l’aide humaine pour les élèves en situation de handicap, juin 2018.
  3. Rapport L’accès aux droits et aux soins des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité, Philippe Denormandie, membre du conseil d’administration de la CNSA, et Marianne Cornu-Pauchet, directrice du Fonds CMU-C, juillet 2018, https://www.fabrique-territoiressante.org/sites/default/files/rapport2018acces_aux_soins_pp_et_ph-consolide.pdf
  1. Rapport IGAS, février 2018, Évaluation des Cap emploi et de l’accompagnement vers l’emploi des travailleurs handicapés chômeurs de longue durée ; Rapport de Dominique Gillot, présidente du CNCPH, Sécuriser les parcours, cultiver les compétences, t. 1, 2018
  2. La dernière enquête ES-Handicap de la DREES disponible (données 2014) fait état de : 1 420 ESAT et 122 600 personnes accueillies.
  3. Rapport d’information n° 409 (2014-2015), de M. Éric Bocquet, sur les établissements et services d’aide par le travail face à la contrainte budgétaire, fait au nom de la commission des finances, sur déposé le 15 avril 2015 ; Rapport d’information n° 35, de M. Philippe Mouiller, fait au nom de la commission des affaires sociales par le groupe de travail sur le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées, déposé le 10 octobre 2018
  4. Exemples : CE, 14 nov. 2008, req. n°311312 ; TA de Rouen, 9 juill. 2009, n° 0700940,0802423 ; CE, 22 oct. 2010, n°301572 ; CE, 11 juill. 2012, n°347703 ; Cass. soc., 4 sept. 2019, n° N 18-14.343 et R 1815.841
  5. À titre transitoire, les bénéficiaires de la GRPH peuvent en conserver le bénéfice pendant 10 ans maximum si les conditions d’octroi demeurent remplies.
  6. Rapport sur « L’évolution de la protection juridique des personnes : reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables », Anne-Caron Déglise, 21 septembre 2018
  7. Rapport du Défenseur des droits, L’accès au vote des personnes handicapées, 2015, https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/ default/files/atoms/files/ddd_r_20150301_ pdf et rapport d’une députée et d’une sénatrice, L’accessibilité électorale nécessaire à beaucoup, utile à tous, juillet 2014. http://www.aditus.fr/media/ RapportOrliacGouraultelections.pdf
  8. Directive relative aux utilisations autorisées de certaines œuvres et d’autres objets protégés par le droit d’auteur et les droits voisins en faveur des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés.
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Last Update: 02/01/2021  

14/10/2020 1555 Site_Admin  AA_OrgIntl, AA_OrgIntl_ONU-CDPH, AA_ServPub, AA_ServPub_COMOD, AllianceAutiste.org  
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Eric LUCAS
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3 years ago

Merci de bien vouloir apporter vos contributions au Rapport de l’Alliance Autiste pour le Comité CDPH à propos de l’Etat français, de la manière suivante : Cliquez sur une “bulle” verte dans le texte pour commenter la partie correspondante (ici, un rapport du DdD), OU répondez à un commentaire existant déjà en bas de page, concernant cette partie. Indiquez des SOURCES à vos déclarations, avec des adresses Internet (c’est à dire commençant par http ou https). Vous pouvez déclarer des violations de ce texte par l’Etat français, mais aussi des situations où, au contraire, le respect est notable (ce qui permet de souligner les mesures à encourager).… Read more »

Last edited 3 years ago by Eric LUCAS
Sylvie Guillermo
Sylvie Guillermo
Guest
3 years ago

Je suis maman d une fille autiste de 22 ans

Eric LUCAS
Member
Reply to  Sylvie Guillermo
3 years ago

Bonjour et merci.
N’hésitez pas à commenter ce document.

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